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♦ MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE
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2-3
DOCUMENTS DE FOUILLES PUBLIÉS PAR LES MEMBRES DE L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
DU CAIRE. — TOME II
J. VAINDIER D’ABBADIE
CATALOGUE
DES
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OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH
TROISIÈME FASCICULE
LE CAIBË
IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS
D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
1946
Tous droits de reproduction réservés
Le volume contient les planches XCIII à X€V et
les pages 15^ à 160 qui sont à insérer dans le
2 e fascicule de cet ouvrage.
DOCUMENTS DE FOUILLES
DE
L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
DU CAIRE
TOME DEUXIÈME
MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION NATIONALE
7391-3
2-3
DOCUMENTS DE FOUILLES PUBLIÉS PAR LES MEMBRES DE L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
DU CAIRE. — TOME II
J. VAND1ER D’ABBADIE
CATALOGUE
DES *
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH
TROISIÈME FASCICULE
LE CAIRE
IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS
D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
1946
Tous droits de reproduction réservés
PRÉFACE.
Les planches du Catalogue des Ostraca figurés de Deir el-Medineh
parurent en deux fascicules, le premier en 1936 et le second en 1987.
On annonçait avec ce second fascicule la prochaine publication du
commentaire de ces ostraca. Les tragiques événements mondiaux ont
arrêté la rédaction définitive de ce travail et retardé sa publication.
Les relations avec le Caire étant devenues impossibles, ce n’est qu’en
avril 19^5, après la Libération, que le manuscrit a pu être porté au
Caire, grâce à M. C. Robichon, que je tiens à remercier pour son extrême
complaisance.
Qu’il me soit permis d’exprimer toute ma gratitude à M. Kuentz,
directeur de l’Institut français, pour la bienveillance qu’il n’a cessé de
me montrer dans l’élaboration de ce travail.
Je tiens aussi à remercier M. Bruyère qui s’est chargé de relire entiè-
rement le manuscrit et qui m’a donné maints renseignements précieux
sur tout ce qui concerne ce site de Deir el-Medineh que personne ne connaît
mieux que lui.
Enfin mes remercîments vont également à M. Mettler, directeur de
l’Imprimerie de l’Institut français pour le soin et la complaisance que son
personnel et lui-même ont déployés pour mener à bonne fin l'impression
de ce volume.
Paris, février 19/16.
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS.
À. Z. = Zeitschrift fur agyptische Sprache und Altertumskunde . Leipzig.
B. I. F. A. 0. = Bulletin de Y Institut français d'archéologie orientale . Le Caire,
Cat . Mus. du Caire = Catalogue général des Antiquités égyptiennes du Musée du Caire. Le Caire.
Oetr el-Medineh = B. Bruyère, Rapport sur les fouilles de Deir eUMedineh. Le Caire.
J. E. A. = The Journal of Egyptian archaeology. Londres.
M. i. .F. A. 0. = Mémoires publiés par les Membres de V Institut français d’archéologie orientale du Caire.
Le Caire.
Mût. AaiVo = Mitteilungen des deutschen Instituts fur agyptische Altertumskunde in Kairo. Berlin.
P. S. B. A. = Proceeding of the Society of Biblical archaeology. Londres.
Rec. Trav . =» Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptiennes et assyriennes. Paris.
Urk. IV = Sethe, Urkunden der 18 . Dynastie.
W. B. = Euman-Grapow, Wôrterbuch der agyptischen Sprache. Leipzig.
Wreszinski, Atlas. = Wreszinski, Atlas zur altâgyptischen Kulturgeschichte.
LES OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
ÉTUDE GÉNÉRALE.
INTRODUCTION.
Tous les ostraca publiés dans ce catalogue proviennent d’un village datant de la
XIX e ef de la XX e dynasties, qui était construit sur le site actuel de Deir el-Medineh.
Ils ont été trouvés, sauf quelques exceptions, au cours des fouilles effectuées, depuis
1922, par l’Institut français d’Archéologie orientale du Caire. Les uns étaient enfouis
et dispersés dans les décombres des maisons; les autres furent découverts, soit dans
un monceau de déblais accumulés en dehors du village, au pied du mur d’enceinte
du Sud, soit parmi des débris dans les ruines des chapelles votives W.
Ces dessins exécutés sur des morceaux de calcaire ou sur des fragments de vaisselle,
étaient, qu’ils fussent réussis ou non, négligemment jetés sur le sol lorsque leur
auteur les avait terminés, ou lorsqu’il n’en avait plus l’utilisation. Il est probable
qu’ils n’avaient aux yeux des artistes qu’une faible importance; c’est pourquoi ces
ostraca, pour la plupart, ont été retrouvés cassés, maculés ou effacés. Quelques
fragments ont pu être rassemblés et recollés, mais il en reste malheureusement une
grande quantité qu’il est, pour le moment, impossible de compléter. Cependant la
publication des ostraca provenant des collections étrangères permettrait de recon-
stituer des sujets aujourd’hui fragmentaires. En effet, le site de Deir el-Medineh, qui
a été exploité depuis fort longtemps W a fourni à différents musées d’Europe, entre
autres à Berlin W, à Turin < 4) , à Bruxelles < 5 ), à Londres et au Louvre W, pour ne citer
/
(1) B. Bruyère, Deir el-Medineh, 1980, p. 6.
(2) Une grande partie des collections réunies par Drovetti et par Sait provient de Deir el-Medineh, Depuis
lors, des missions italiennes et allemandes, respectivement dirigées par Schiaparclli et par Môller, ont
entrepris une fouille exhaustive qui vient d’être menée à bien par M, B. Bruyère pour le compte de l’Institut
français d’ Archéologie orientale du Caire.
(3) Les ostraca figurés du Musée de Berlin ont été publiés par Schafer, Agyptische Zeichnungen auf
Schwben, dans Jahrbuch d . k . Preusz . Kunstsammlungen (1916), Heft I et IL Une nouvelle publication détaillée
a été entreprise récemment par M me Brunner-Traut.
(4) Un petit nombre provient des fouilles de Schiaparelli dans la Vallée des Reines et est publié dans son
ouvrage : Relazioni sui lavori délia Missione archeologica in Egitto (1 908-20), vol. I, p. 167, fig. 120 à 1 24 .
(6) Quelques-uns sont publiés par M, Werbrouck, Bulletin des Musées royaux d’ Art et d } Histoire, Bruxelles,
septembre 1982, p. 106-109; nov.-déc. 1934, p. i 38 .
(6) Dont une partie provenant des fouilles de l’I. F. A. O. est publiée dans ce catalogue.
Documents de fouilles, t. Il, 3.
1
2
J. VANDIER D’ABBADIE.
que les plus importantes collections, un grand nombre d’ostraca. On en trouve ega-
lement dans les musées d’Amérique, ainsi que dans plusieurs collections particulières.
Enfin, on doit faire une place à part à l’ensemble qui est actuellement conserve au
Musée du Caire M. Il est probable qu’on trouvera dans ces différentes collections
plusieurs fragments qui permettront, comme nous l’avons déjà remarque, de recon-
stituer des ensembles. ( ,,
Si Deir el-Medineh a été pendant plusieurs années une mine inépuisable d ostraca
hiératiques et d’ostraca figurés, ce n’est cependant pas le seul site qui ait livré aux
recherches des fouilleurs des objets de ce genre. Parmi
de très intéressants objets trouvés il y a peu de temps
à Saqqarah, dans la tombe d’Hémaka < 2 >, et datant de
la I re dynastie, on doit citer un dessin sur calcaire
figurant un taureau à longues cornes s avançant vers
la droite; au-dessous de lui, à un registre inférieur,
marche un petit singe (fig. i)' 3) . Cet ostracon figuré
est le plus ancien qu’on ait retrouvé jusqu à main-
tenant et il est curieux de constater que malgré son
ancienneté il offre beaucoup d’analogies, aussi bien dans le sujet que dans le style,
avec certains ostraca figurés de Deir el-Medineh. A peine peut-on trouver un peu
moins de souplesse et de liberté dans le dessin. .
D’autres spécimens, datant, comme ceux de Deir el-Medineh, du Nouvel Empire,
ont été trouvés dans la région thébaine. C’est, en effet, de certaines tombes royales
fouillées par Davis que proviennent de nombreux ostraca figurés, conservés au Musee
du Caire M. Ils représentent, presque tous, des rois ou des scènes religieuses, qui,
vraisemblablement, étaient des exercices pour les grandes scènes décoratives qui
ornaient les parois des tombes royales. Tous ces dessins sont empreints de cet esprit
officiel et traditionnel qui caractérise les décorations des tombes de la Vallee des Dois
et dont sont dépourvus, précisément, la plupart des ostraca de Deir el-Medmeh.
Cependant, quoique de genre et de sujets un peu différents, ils étaient dus, les uns
et les autres, aux pinceaux des mêmes artistes, puisque les habitants de ce village
étaient des ouvriers de la nécropole royale. On reconnaît d’ailleurs sur des esquisses
provenant de Deir el-Medineh, certaines têtes de rois par exemple, la même « facture »,
le même trait que l’on remarque dans l’exécution de certains dessins du Musée du Caire 5 .
« Daresst , Ostraca (Catalogue général du Musée du Caire) . Une autre partie de la collection est constituée par
plusieurs pièces qui proviennent des fouilles de Deir el-Medineh et qm sont publiées dans notre catalogue.
P) Fouilles du Service des Antiquités d’Égypte.
(»> W. B. Emery, The tomb of Hemaka, pl. 19, n” 43 1 .
(*) On peutTomparer, par exemple, le dessin 2 5 7 3 de notre catalogue avec l’ostracon n’ 2 5 i 5 7 ,
pl. XXX, du catalogue de Daressy, on y trouvera des analogies frappantes dans le style et la facture,
qui font penser que le même artiste est l’auteur de ces deux dessins.
Fig. 1.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
3
A Deir el-Bahari, non loin de Deir el-Medineh, au cours des fouilles du « Metro-
politan Muséum» W, quelques ostraca ont également été mis au jour. Les uns, bien
qu’ils proviennent d’une tombe de la XXVI e dynastie, se rapprochent plutôt, par
leurs sujets comme par leur style, des dessins de la XIX e ou de la XX e dynastie; les
autres, qui proviennent du temple de Deir el-Bahari, sont attribués par les fouilleurs
à la XVIII e dynastie. Quelques dessins sur poterie ont également été trouvés au cours
des fouilles du temple d’Amenhotep, fils d’Hapou, près de Medinet-Habou, et au
cours de celles qui ont été faites récemment au col de la Vallée des Rois ( 2 ), mais aucun
des lots trouvés dans ces différents sites ne saurait être comparé, aussi bien par le
nombre des ostraca que par la diversité des sujets représentés, au lot important qui
provient de Deir el-Medineh.
Comme l’a fait remarquer Davies (*) après Schafer M, le grand nombre de ces
fragments de calcaire décorés trouvés dans le village de Deir el-Medineh s’explique
par la facilité qu’avaient les artistes à se procurer la matière première sur laquelle
ils exerçaient leurs pinceaux et leur fantaisie. C’étaient des éclats de calcaire tombés
de la falaise rocheuse du désert et que l’on trouve à profusion dans toute cette partie
de la région thébaine. Les peintres se servaient aussi, mais en moins grand nombre,
de débris de poteries. Ils utilisaient ces fragments comme les dessinateurs modernes
emploient les feuillets de leur album de croquis. Ils pouvaient, sans précaution et
sans contrainte, esquisser leurs projets, se divertir en composant des scènes amusantes
ou satiriques ou faire exécuter par de jeunes élèves des exercices et des croquis de
mémoire W. Cette liberté leur était permise sur ces morceaux de pierres sans valeur,
qu’ils pouvaient jeter, et facilement remplacer, à mesure qu’ils étaient décorés ; au
contraire, elle leur était interdite sur les rares et coûteux papyrus, dont ils ne devaient
se servir que pour un usage bien déterminé. Aussi est-on tenté de conclure que cette
verve, cette fantaisie et ce laisser-aller, si rares dans l’art égyptien, et qui sont les
traits dominants des dessins et peintures sur ostraca, sont dus au peu de valeur des
matériaux utilisés.
Le procédé de travail sur ces fragments de pierres était très simple. L’artiste, bien
qu’il ne fût pas gêné, à l’occasion, par les irrégularités de la pierre, choisissait,
(l) Bulletin of the Metr. Mus . of Art (New York), Eg . Exp ., 1922-1923, p. 23 , fig. 16, p. 35 ,
fig. 29. Cf. aussi quelques ostraca trouvés par Naville dans ses fouilles au temple de Mentouhotep III,
The XIth dynasty temple at Deir el Bahari , III, pl. XXII.
(î) Bruyère, Deir el-Medineh , 1934-1935, p. 345 à 364 .
{3) J. E. A . (1917), p. 2 34 .
(4) Agyplische Zeichnungen auf Scherben , p. 2 4 .
(5) Certains ostraca servaient d’ex-voto, comme on le verra plus loin. Ils remplaçaient ainsi les stèles
quand le dédicant n’avait pas la fortune ou le temps d’offrir au dieu une pierre sculptée. Il faut signaler
également quelques ostraca figurés trouvés dans les maisons du village de la XVIII e dynastie à Tell el-
Àmarna. Cf. Frankfort and Pendlebury, The city of Akhenaten, II, pl. XXXV, et d’autres qui proviennent
du Ramesseum et qui font partie maintenant des collections de l’University College de Londres. Petrie,
Six temples at Thebes, pl. VI,.
k J. VANDIER D’ABBADIE.
/ .
lorsqu’il le pouvait, un morceau de calcaire présentant une surface lisse. Il lui arrivait
même d’égaliser et de polir la surface sur laquelle il se proposait de tracer son dessin ;
ce n est d ailleurs qu exceptionnellement que les ostraca ont subi une préparation
aussi soignée. Le morceau étant choisi, l’artiste esquissait généralement son sujet
avec de légers traits à l’ocre-rouge, puis il reprenait son dessin d’un trait ferme à
I encre noire (cf. 2336-2568^2570-2620, etc.). Lorsque l’esquisse était colorée
au lieu d’être simplement dessinée, le peintre se servait de couleurs délayées à l’eau.
II est possible qu’il y ait ajouté une espèce de gomme permettant l’adhésion plus
complète de la couleur; sur les murs préparés des tombes, les artistes mêlaient cer-
tainement à leur peinture une résine ou une cire, généralement de la cire d’abeilles,
qui était fondue et melangee aux couleurs, ou passée sur certains tons à la manière
d un vernis Cependant le calcaire étant une pierre très absorbante, il est probable
que la couleur était posee et tenait sans le secours d’aucun medium. Lorsque l’artiste
avait mis la couleur, il affirmait les contours de son sujet en les reprenant avec un
trait noir qui leur donnait 1 accent et la vigueur nécessaires. Les dessins étaient rare-
ment repris ou corriges, les maladroits jetaient l’esquisse manquée pour s’exercer
sur une autre pierre. Les quelques corrections qu’on peut relever sur certains ostraca
sont probablement faites par un maître sur l’essai malheureux ou hésitant d’un dé-
butant. Quant aux bons dessinateurs, ils avaient une telle habileté, une telle sûreté
de main, qu’on a l’impression en regardant ces ostraca qu’ils sont à la fois le produit
d’une spontanéité jaillissante et d’une remarquable virtuosité. Ces dessins ne sont
cependant que des manifestations d’un art provincial, œuvres, non pas de véritables
artistes peut-etre, mais d artisans remarquablement doués qui surent par leur verve
et par leur adresse créer parfois de véritables petits chefs-d’œuvre.
Les couleurs étaient naturellement les mêmes que celles utilisées dans les tombeaux,
mais le noir et l’ocre-rouge dominent le plus souvent. Ce sont, en tous cas, les deux
tons les mieux conservés. Cependant on retrouve quelquefois des jaunes et certains
bleus, qui bien que très fragiles se sont maintenus assez frais. Le vert qui était un
peu plus solide s’est, dans beaucoup de cas, très bien conservé.
Toutes ces couleurs étaient des couleurs naturelles; certaines d’entre elles se trouvaient,
et se trouvent encore, dans la montagne thébaine. C’est ainsi que l’ocre-rouge, qui est
un oxyde naturel de fer, et 1 ocre-jaune (oxyde de fer hydraté) se trouvent sous forme
de pierres dans le Gebel. Le blanc était un carbonate ou un sulfate de calcium et le
noir provenait d un charbon de bois. Le bleu était probablement un silicate de cuivre
calcique et formait, mélangé à l’ocre-jaune, le vert. Cependant on obtenait aussi un
autre vert avec de la malachite broyée. Il y avait également un jaune d’une autre qualité
que l’ocre ; il était probablement le produit de l’orpiment ou sulfure naturel d’arsenic ( 2 L
(1) E. Mackay, Ancient Egypt , part II, 1920, p. 35 .
(S) Tous ces renseignements sont tirés de la remarquable étude de M. Lucas, Ancient Egyptian Materials
and Industries (2 e éd. 1934 ), p. 282, seq.
5
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
Lorsque la poudre colorée était préparée et broyée, elle était agglomérée en forme
de grands pains discoïdes assez épais, dont il suffisait de délayer quelques parcelles
au fur et a mesure des besoins. De semblables pains de bleu et de vert ont été retrouvés
au cours des fouilles de Deir el-Medineh W.
Il n y avait, en somme, dans la technique de cette peinture, rien qui différât réel-
lement de celle qui présidait à la décoration murale. Les couleurs comme les instru-
ments étaient les mêmes. Lorsque l’artiste rentrait chez lui après de longues
journées passées au fond d’une tombe royale, il s’amusait, probablement par délas-
sement, à tracer quelques esquisses libres sur ces pierres, et pour cela il reprenait
le calame et la palette encore toute chargée de couleurs. Les palettes de scribes en
bois et de forme allongée comportaient plusieurs godets pour les couleurs différentes.
Mais il est vraisemblable que ces sortes de palettes, dont un grand nombre a été
retrouvé dans des mobiliers funéraires, ne servaient qu’aux scribes écrivains, à ceux
qui traçaient les hiéroglyphes; les peintres, eux, ayant de grandes surfaces à colorer
devaient se servir de plus grandes palettes. On a retrouvé, dans les fouilles de Deir
el-Medineh, de simples assiettes ou des fragments d’assiettes en terre cuite, ainsi que
des coquilles de cyprins de la mer Rouge, remplis encore de couleurs^ et dans les-
quels les artistes pouvaient délayer une assez grande quantité de couleur; c’est
vraisemblablement cet humble matériel qui constituait les véritables palettes des
peintres décorateurs de monuments.
Lorsqu on se représente l’activité qui devait régner dans toute cette partie de la
région thébaine à 1 époque où les grands pharaons faisaient préparer leurs tombes,
on s explique le nombre de scribes, peintres et dessinateurs qui vécurent dans ce
village et, par cela même, l’énorme quantité d’ostraca figurés qui fut retrouvée dans
les maisons de ces ouvriers de la nécropole royale.
La date de ces petites peintures est assez bien indiquée par celle du village dans
lequel elles ont été retrouvées et qu’il faut situer entre la XIX e et la XXI e dynastie.
La fondation même de ce village date, en réalité, de la XVIII e dynastie, mais il ne
semble pas qu il y ait eu à ce moment une activité comparable à celle qu’il y eut plus
tard à 1 époque ramesside. Si certains sujets peints sur les ostraca paraissent appar-
tenir plutôt à la XVIII e dynastie, c’est qu’ils ont été transmis par la tradition ou que
les artistes se sont inspirés, pour les composer, de peintures vues dans les tombes
de cette époque. Nous pouvons nous appuyer avec certitude pour cette datation sur
les ostraca littéraires et non littéraires^ de Deir el-Medineh. Ces derniers ont pu
être datés de façon précise par Gernÿ qui s’est fondé sur l’épigraphie et sur les
Bruyère, Deir el-Medineh^ i934-ig35, p. 270, fig. 1 4 1 .
^ Une statue d’Àmenhotep, fils d’IIapou, au Musée du Caire porte dans ses accessoires de scribe, une
valve de cyprin.
(3) CERNtf , Les ostraca non littéraires de Deir el-Medineh , et Posener, Les ostraca littéraires de Deir el-Medineh ,
dans Documents de VL F. A. O., t. I et III.
6
J. VANDIER D’ABBADIE.
cartouches royaux relevés sur plusieurs pièces. C’est ainsi que les monuments trouvés
dans Un kôm fouillé en 1929 (K 2) peuvent être datés de la XIX e dynastie et, plus
précisément, d’après les ostraca étudiés par Cernÿ, des règnes de Séti I er et de
Ramsès II, tandis que le Kôm du Sud fouillé en 1980 a donné des objets datant
de Ramsès III et Ramsès IV. Or les ostraca figurés ont été précisément retrouvés aux
mêmes endroits que les ostraca inscrits, dans les maisons détruites du village et dans
les kôms de déblais; d’autre part, la partie du village construite à la XVIII e dynastie
ne nous a livré aucun ostracon figuré ; le rapprochement de ces deux circonstances ne
peut donc nous laisser aucun doute sur la date de nos dessins.
Les sujets représentés sur les ostraca peuvent se classer en séries. C’est pourquoi
ils ont été réunis en groupe dans le catalogue. Cependant, il est arrivé, dans beaucoup
de cas, qu’un sujet ne nous soit connu que par un seul exemplaire. Cela ne signifie
évidemment pas que ce sujet soit unique : des variantes d’une même scène ont pu
être détruites, perdues ou volées et échapper ainsi à notre connaissance. Il n’en reste
pas moins vraisemblable que les thèmes dont nous possédons actuellement le plus
grand nombre de répliques, ont joui, sans doute, d’une plus grande faveur auprès
des peintres de cette époque.
Pour l’examen de chacun de ces sujets on suivra, dans cette étude, l’ordre qui a été
observé dans le catalogue.
A. — Des singes, des palmiers, voilà deux éléments typiquement représentatifs de
tout paysage africain, qu’on ne s’étonne pas de trouver en très grand nombre dans
les scènes figurées sur les ostraca. Celles qui représentent des singes grimpant au
tronc d’un palmier-doum, montrent généralement deux singes placés de chaque côté
d’un tronc et tournant la tête d’un geste vif comme pour regarder derrière eux;
souvent un homme attend au pied de l’arbre tenant dans sa main l’extrémité d’un
lien qui entoure la taille des animaux (aoo 3 , 200A). Les couleurs de ces composi-
tions sont toujours à peu près semblables : le pelage des singes est d’un ton verdâtre
assez foncé ; le visage, les mains et les pieds sont ocre-rouge, de cette couleur habituel-
lement employée pour peindre l’épiderme et ils ont sur les oreilles des touffes de
poils blanc-jaunâtre. Le tronc de l’arbre est d’un ton brun-rouge, rayé de zones
noires indiquant les traces des anciennes branches tombées au fur et à mesure de la
croissance de l’arbre. Les fruits disposés en grappes volumineuses sont ocre-rouge
et les feuilles vertes. Ces couleurs, habituelles à ces scènes, sont les couleurs de base
qu’on retrouvera dans tous les ostraca peints, mêlées parfois à quelques tons plus
fragiles et plus rares.
On a vu que l’arbre représenté dans ces scènes appartenait à cette espèce de palmier
qu’on appelle en Égypte dôm ( Hyphaene Thebaica ) b). On le rencontre fréquemment
(1) V. Loret, Rec de Trav., II, p. 21 ; Delille, La flore égyptienne, pi. I et II (Description de l’Égypte ,
II" N 11 ' Botanique, t. II).
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
7
en Égypte, spécialement dans la région thébaine. Il présente un tronc droit qui, à une
certaine hauteur, se divise en deux branches, et de larges feuilles en forme d’éventail.
Ses fruits ont l’aspect de grosses noix à écorce brune et lisse.
Le nom égyptien du palmier-dôm est : ^ ^ ou y ^ y ^ et se rencontre
dans les textes à partir du Nouvel Empire M. Le fruit, qui était une offrande funéraire
qu’on retrouve souvent dans les tombes, était désigné sous le nom de : ' ' , * ( ( 2 b
Cet arbre a été particulièrement bien observé et dessiné sur les ostraca avec sa
silhouette caractéristique, ses larges feuilles et ses grosses et lourdes grappes de noix.
Il arrive même que des détails soient minutieusement indiqués : ici (200 1 , 2oo4), les
spathes peintes en jaune clair sont dessinées avec une extrême précision ; ailleurs (2009),
les zones piquantes qui entourent l’arbre sont détaillées par l’artiste au lieu d’être
simplement interprétées, selon l’habitude, comme de larges bandes parallèles. De toutes
façons, dans la plupart de ces compositions, l’arbre, qui est le sujet central, est dessiné
avec un sens décoratif et un sentiment de l’équilibre des masses tout à fait heureux.
Nous avons vu que les singes < 3 ) étaient tous colorés d’un ton gris-vert qui devenait
blanc-jaunâtre sur les oreilles et que leur visage, leurs mains et leur postérieur, dégar-
nis de poils, étaient colorés d’un ton rose, couleur chair. Ce sont là les caractéristiques
du babouin (Papio Hamadrias ) M, qui est un singe de la famille des cynocéphales. Les
mâles de cette espèce ont les épaules et la partie antérieure du corps recouvertes d’un
camail, épais manteau de longs poils. Les singes, figurés sur nos documents, ne portent
pas ce camail ; ce sont des femelles dont le poil est beaucoup plus court ( 5 h Le caractère
indomptable des mâles les rendait impropres à l’utilisation domestique. Les femelles,
au contraire, plus douces et plus faciles, s’apprivoisaient aisément.
Les singes étaient importés de Nubie ; les représentations des temples et des tom-
beaux en font foi : de nombreuses scènes figurent les tributs livrés par les pays du Sud
au Pharaon. Ce sont tantôt des Nubiens qui apportent, au milieu des produits de leur
pays, de petits singes juchés sur leurs épaules! 6 ), tantôt des esclaves du Pount qui con-
duisent des animaux de toutes sortes et entre autres des singes hamadryas et des singes
de plus petite taille ( 7 ) . On sait que sur les murs du temple de Deir el-Rahari , un paysage
du pays de Pount montre des singes qui grimpent aux troncs des palmiers comme sur
les ostraca. Sur un autre registre, ces agiles petits animaux courent dans les cordages
des navires égyptiens qui appareillent pour regagner leur pays.
(1) W. B II, p. 29. Cependant on a récemment relevé dans une tombe inédite (à paraître prochai-
nement) de la I r€ période intermédiaire le mot ÿ -*>- ÿ ^ , désignant sans doute le
palmier (J. Vandier, Mo c aüa y pilier V, pan I, 1 . 5 ).
W. B., V, p. ai.
(3} Hartmann, U agriculture dans VAnc. Ég p. 216.
(4) Anderson, Zoology of Egypt (Mammalia), p. 208, pl. I.
Lortet et Gaillard, La faune momifiée de V ancienne Égypte , 2 e série, 1905, p. 208.
<•> Virey, M. M. F. C., V, p. 387 (Tombe d’Amunzeh), pl. VI.
(7} Ibid. , pl. IV et VI (Tombe de Rekhmirë').
8
J. VANDIER D’ABBADIE.
Un texte bien connu sembie confirmer l’exotisme du singe. C’est le récit du marin
naufragé à qui le serpent, maître de l’île merveilleuse, fait des présents remarquables
parmi lesquels figurent des singes de deux espèces différentes W.
Les singes devaient donc être considérés, en Égypte, comme des animaux rares, et,
pour cela même, être d’autant plus précieux. Il est probable qu’ils devaient être recher-
chés comme curiosité et comme distraction et qu’ils jouaient dans la demeure des riches
Égyptiens le rôle de bouffons ou d’animaux familiers, comme les chiens ou les chats,
puisqu’on les trouve quelquefois installés, comme les animaux domestiques, sous le
siège du mort dans les scènes funéraires < (l) 2 L
Les esclaves qui prenaient soin des singes sont plusieurs fois représentés sur les os-
traca figurés sous les traits de nègres. C’étaient sans doute des Nubiens qu’on affectait
de préférence à la garde de ces animaux qui, venant du même pays qu’eux, leur étaient
plus familiers qu’aux Égyptiens.
Nous avons dit que dans le récit du Naufragé, il était question de deux espèces
différentes de singes. Les uns sont appelés : ® ^ » — ytf- et les autres : w » | ^ ^ Jrf- j
M. Golénischeff fait remarquer que ce dernier nom est très rare dans les textes égyptiens
et ne devait pas être connu sous l’Ancien Empire; il signale qu’Erman en donne un
autre exemple tiré du Livre des Morts W . On trouve ce mot deux fois sur les ostraca fi-
gurés reproduit avec deux orthographes différentes . La première fois il est écrit : ^ ^ f 1 4
(2 o 3 5 ), et la seconde fois: (20A2). Dans ce dernier exemple, il est précédé de
l’article féminin-^, il désigne par conséquent une guenon. Dans les deux dessins
l’animal représenté est manifestement un cynocéphale, semblable à ceux qu’on voit
sur les autres ostraca.
Ces deux dessins apportent deux certitudes quant au mot kjkj ou kl kl la première,
c’est qu’il désigne bien le babouin, la seconde que le redoublement indiqué par ©«
dans différentes orthographes du mot, dont la plus courante est : T* 1 1 ^ (W. B., 1 1 b,
12) s’applique non pas à la dernière lettre mais au mot tout entier (2o35) et qu’il faut
lire non pas kjj, mais kjkj.
Pour le mot gf , qui est beaucoup plus répandu à toutes les époques, il désigne, prin-
cipalement dans certaines tombes du Moyen-Empire ( 5 ), un singe de plus petite taille
que le babouin, ayant une longue queue traînante et l’arrière-train moins fuyant W.
(l) Golénischeff, Rec . Trav., 28 (1906), p. 83 . Naufragé , 1 . i 65 .
(3) Davies, The tomb of Puyemrë*, pi. IX ; Wreszinski, Atlas, I, 84 a (= Bissing, Kultur, abb. 7), Lacatj,
Stèles du Nouvel Empire ( Cat . Gén. du Mus. du Caire, n° 34 o 54 et 34 1 18) ; À. Hermann, Die stelen der
thebanische Felsgrâber der 18. dyn p. 88, fig. 1 2. Citons également la tombe n° 2 (Khabekbnet) à Deir
el-Medineh, dans laquelle on peut voir un petit singe sous le siège de la défunte ; il est occupé à manger
un oignon.
Bibliothèque d’ Études, t. II, p. 2i4 et 216.
(4) À. Z., 43 (190 6), p. 21. Le mot W.B., 5 , p. 116 semble être synonyme de kjkj.
(5) Griffith, El Bersheh, II, pl. XI, 5 ; Newberry, Béni Hassan, II, pl. VI.
{8) D. R. Hartmann, À. Z., 2 (i 864 ), p. 9.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
9
Dans ces mêmes tombes, des représentations de babouins sont accompagnées du mot :
V ou j h), qui, par conséquent, est un synonyme plus fréquemment employé du
mot kjkj. Au temple de Deir el-Bahari, dans les scènes représentant le pays de Pount
et l’embarquement des présents que l’expédition va rapporter à la reine Hatchepsout,
on remarque dans la liste de ces présents des singes nommés : ^ ^ yf- et d’autres
appelés : ^5^. Le déterminatif très précis permet d’identifier le signe Vœ au
cynocéphale et le singe gf au cercopithèque, dont le corps et la tête offrent une
silhouette tout à fait diffé-
rente de celle du cynocéphale
et dont les pieds, les mains
et le visage sont noirs < 2 b
Ce sont ces deux noms que
nous rencontrons quelquefois
sur ces ostraca pour désigner
les singes (2o35, 20^2 et
2276).
Sur ces esquisses, les singes
ne sont pas toujours accom-
pagnés par des esclaves ; il y a
cependant deux ou trois cas
où un homme attend au pied
de l’arbre et surveille les
animaux. Sur deux de ces
dessins (2004-20 1 o), ce per- f%. a.
sonnage a une coiffure assez
particulière : son crâne est
complètement rasé à l’exception de trois touffes de cheveux frisés qui se dressent
sur le devant, à l’arrière et au milieu de son crâne. Cette coiffure, qu’on retrou-
vera chez quelques personnages des séries B et C, semble être particulière aux
jeunes garçons; Davies la rapproche < 3) de celle que portent les enfants qu’il appelle
les « boys street», gravés sur les parois des tombes de Tell el-Amarna, bien qu’elle y
soit différemment traitée W. Mais ce sont plus particulièrement les jeunes Nubiens que
les Égyptiens représentaient avec ces trois mèches sur le crâne (fig. 2) W. Les enfants
des Nubiens dans la tombe de Rekhmirë' (6 > et les danseurs de couleur de la tombe
(" UrL, IV, 3 99 , 1 . 8-9.
W Anderson, Zoology of Egypt (. Mammalia ), p. i3.
< 3 > J. E. A., IV (1917), p. 234 .
Davies, The rocks tombs of Tell el Amarna , VI, pl. XXX.
C 6 ) C’est la conclusion à laquelle arrive Borchardt dans son article sur une boîte de toilette du Musée
du Caire : Studies, presented to F. Ll. Griffith, p. 267.
(6) Bull, of the Metr . Mus . of Art (New York), Eg. Exp 1927-1928, p. 39, fig. 1.
10
J. VANDIER D’ABBADIE.
d Horemheb (fig. 3 ) M, entre autres exemples, portent cette coiffure. Aussi pouvons-
nous reconnaître également des Nubiens dans ces jeunes garçons qui, sur les ostraca,
conduisent des singes, bien que les artistes, se contentant du détail caractéristique de
la coiffure, aient omis de préciser leur type racial et la couleur de leur peau.
L ostracon 2001 est sans doute un des plus beaux spécimens de cette série par la
belle franchise de son dessin sans mièvrerie, et par le grand charme que dégagent ses
couleurs ; il est malheureusement incomplet à sa partie supérieure. Entre les branches,
on aperçoit un troisième petit singe, qui n’existe généralement pas dans la composition
Fig. 3.
des autres scènes analogues ; il tourne la tête pour regarder derrière lui comme le singe
qui grimpe a droite de 1 arbre, et ce geste si bien observé donne aux mouvements de ces
animaux une vivacité et une vie très grandes. Le soin avec lequel les spathes ont été
dessinées a déjà été signalé. Tous ces détails prouvent que ce dessin franc, nerveux et
décoratif est l’œuvre d’un artiste expérimenté et connaissant bien son métier.
C est le sentiment qu’on éprouve d’ailleurs devant plusieurs autres de ces compo-
sitions. On constatera souvent, par exemple, combien l’artiste égyptien dans son habi-
leté consommée, s’embarrassait peu des irrégularités de la pierre ; la plupart du temps
il ne prenait même pas la peine d’égaliser le morceau de calcaire sur lequel il commen-
çait son dessin et il s en accommodait tel qu il était, sans en paraître gêné j au contraire,
il savait même habilement en tirer parti .
(l) BulL °f the Metr - Mus. of Art (New York), Eg. Exp ., 1922-1923, p. 44 , fig. 8 ; Capart, Recueil
de Monuments égyptiens, 2° série (1905), pi. LXVIII et XCI.
11
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
C’est le cas pour une scène dont la couleur, restée très claire et très vive, est d’une
fraîcheur ravissante (2oo3). On y voit apparaître le gardien des singes surveillant les
deux animaux et attendant que la récolte des fruits soit terminée. Un bassin, au pied
de l’arbre, indique que la scène se passe au bord d’un canal. Le palmier est inciiné vers
la droite au lieu de s’élever verticalement comme sur les autres dessins du même type.
Cette dissymétrie dans la composition est précisément due à une irrégularité du cal-
caire, à une arête dont le dessin, à cet endroit, épouse la courbe. On voit que, loin de
se troubler, le peintre a su adroitement se servir de cette courbe naturelle.
Sur un autre ostracon, un seul singe grimpe au tronc de l’arbre (200/i). Il est tenu
en laisse par son gardien qui est justement coiffé des trois mèches frisées dont nous
avons déjà parlé. On remarque un détail nouveau dans cette composition : trois gros
oiseaux noirs qui sont probablement des corbeaux ; ils sont perchés dans les branches
de l’arbre et picorent les fruits (1 >. On voit que dans ces petits tableaux d’un même
sujet, interviennent des détails ou des variantes de composition qui les différencient
les uns des autres, et qui montrent que les auteurs, s’ils s’inspiraient peut-être d’un
modèle-type, ne craignaient pas de s’en écarter souvent et de se laisser aller à leur propre
fantaisie. C’est ainsi qu’un dessin très effacé et fragmentaire ( 2 oo 5 ),mais tracé avec la
spontanéité d’un croquis, montre le mouvement du babouin extrêmement vivant,
mais aussi tout à fait nouveau dans ce genre île scène. En effet, il est visible que le singe,
au lieu de monter dans l’arbre, en redescend, tenant sa récolte à bout de bras. Les
fruits ici sont des dattes et non plus des noix de «dôm» , car, autant qu’on en peut
juger, l’arbre est un palmier ordinaire (Phoenix dactylifère ) au tronc simple et droit
et aux feuilles allongées.
Une autre variante et une autre fantaisie se remarquent encore sur un dessin égale-
ment très effacé (2007). Le gardien qui se tient au pied de l’arbre est remplacé par un
petit rat debout, qui tient entre ses pattes anterieures un grand sac pour recueillir,
sans doute, la récolte. Deux singes grimpent dans l’arbre comme sur les autres ostraca
de cette série. Ce dessin est en si mauvais état, qu’il est difficile de comprendre les
intentions de l’artiste, mais il est possible qu’il y ait un sentiment de moquerie dans
le fait d’avoir remplacé le serviteur habituel par un rat, et, dans ce cas, cet ostracon
devrait être rattaché à la série des dessins satiriques.
On vient de voir combien était grande l’habileté de ces dessinateurs d’ostraca. Ce
n’était malheureusement pas le cas pour tous et on se trouve très souvent devant la
production d’un élève maladroit ou d’un auteur inexpérimenté. Par exemple, on
remarquera un affreux dessin (2008) qui n’est intéressant que pour montrer la
différence entre la maladresse, la raideur et la disproportion dues à l’inexpérience,
et l’heureux équilibre et la liberté de certaines autres compositions. On a visiblement
affaire ici a 1 œuvre d un débutant très embarrassé pour silhouetter convenablement
‘ l) Ce sont également des corbeaux qu’on voit sur des compositions semblables (n“ 2006 et 2016).
12
J. VANDIER D’ABBADIE.
son palmier et pour donner quelque souplesse aux mouvements des animaux. Le
dessin est aussi pénible, disproportionné et disgracieux qu’il était décoratif et har-
monieux dans les premiers exemples de cette série. Il n’est pas impossible d’ailleurs
que ceux-ci aient servi de modèles à notre débutant. La même critique peut s’appliquer
à une autre esquisse (2010), d’une très mauvaise proportion et d’un dessin bien mal-
habile. Cependant on sent ici dans cet essai de débutant, une certaine souplesse et
des dons d’observation très réels.
Parmi les nombreux exemplaires de cette scène, qui ont été reproduits ou seulement
publiés, il y a plusieurs petits fragments dont quelques-uns sont de très beaux mor-
ceaux. Sur l’un d’eux (2009), par exemple, les détails sont si bien observés et si
pleins de qualités vivantes, qu’on ne peut que regretter vivement la disparition
du reste de la scène. La même
remarque s’applique d’ailleurs à
deux ou trois autres fragments
(2 o 19-2 2-2 5 ). En revanche, quel-
ques morceaux étaient si dété-
riorés et d’une facture si grossière
qu’on s’est contenté de les cata-
loguer sans les reproduire.
On constate d’après ces nom-
breux ostraca que la récolte des
noix de «dôm» était très souvent
faite par des singes spécialement
dressés à cet effet. Cet usage, dont
on retrouve des preuves sur d’autres monuments que les ostraca, était, semble-t-il,
très ancien. Il suffit de rappeler ici la scène très connue qui orne une tombe de Beni-
Hasan : des singes grimpés dans un figuier sont occupés à cueillir les figues, tandis
que leurs gardiens, au pied de l’arbre, empilent les fruits dans des paniers (fig. 4 ) W.
Ces petits singes dressés, plus agiles, plus légers et plus vifs que l’homme, étaient,
en effet, tout désignés pour grimper et pour se glisser entre les branches jusqu’au
sommet des arbres et en particulier des hauts palmiers. Les artistes devaient avoir
souvent l’occasion d’observer cette scène dans les grandes palmeraies qui ombragent
la vallée du Nil ou dans les jardins des riches particuliers. Cependant, on est un peu
surpris que ce thème, si souvent traité sur les ostraca, figure si rarement dans les
peintures qui ornent les tombes civiles de la région thébaine, où, semble-t-il, il aurait
si bien pu avoir une place. Il faut, en effet, chercher avec beaucoup d’attention
pour trouver dans l’art de cette époque des sujets se rapprochant de ce thème.
Il en existe cependant qui, malgré leur différence de style ou de composition,
Fig. 4 .
(l) Lepsius, Denkmâler, II, 53.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 13
peuvent s’apparenter aux petites compositions si souvent reproduites sur les
ostraca.
On a déjà parlé, à propos des singes, du bas-relief du célèbre portique du Pount
au temple de Deir el-Bahari, datant de la XVIII e dynastie, qui représente un paysage
de ce riche et merveilleux pays que visitaient
les envoyés de la reine Hatchepsout. Un grand
palmier étale ses larges feuilles et ses lourdes
grappes de fruits à l’assaut desquels se lancent
des petits singes W. Si le style est différent, c’est
cependant la même scène que celle des dessins
sur ostraca. Il en est de même pour le fragment
conservé au musée de Berlin et qui provient
d’une tombe : il représente un singe occupé
à la récolte des fruits d’un palmier (fig. 5 ) ( 2 L
Une scène provenant également d’un temple
se rapproche beaucoup dans son genre et dans
son ensemble de celles qui sont figurées sur les ostraca (fig. 6) : un petit singe
grimpé dans un palmier essaye de faire tomber
une grappe de dattes aux pieds d’un jeune
garçon nubien qui se tient sous l’arbre. C’est,
parmi les scènes monumentales, celle qui res-
semble le plus aux petits tableaux que nous
étudions ( 3 h On trouve également, représentés
sur les parois de certaines tombes de cette
époque, des objets assez curieux dont le sujet
peut être rapproché de celui des ostraca. Il
s’agit de ces présents apportés par des esclaves
nubiens au vice-roi de Nubie, et qui sont
constitués par des pièces d’orfèvrerie en or
finement ciselées W. On connaît ces cratères
surmontés de plantes, ou d’animaux ou encore
de décors architecturaux. Montet ( 5 ) a tenté
de démontrer que les vases supportant de tels décors étaient des vases d’apparat
et non, comme l’avait d’abord supposé Borchardt, des cratères dont la décoration
(1) Nàville, The temple of Deir el Bahari , part III, pl. LXX.
w Wreszinski, Atlas } I, pl. 386 .
Roeder (Les temples immergés de la Nubie ) , Der Felsentempel von Bet el - Wall, taf . 2 g .
W Wreszinski, Atlas , I, pl. i58, Dàvies, The tomb of Ken-Amun at Thebes , pl. XIV et Bull, of the Metr.
Mus. of Art (New York), Eg. Exp. , 1 g 16-1 9 1 7, fig. 29.
(5 > Montet, Les reliques de Vart syrien, p. 67 et seq.
Fig. 5 .
14
J. VANDIER D’ABBADIE.
intérieure avait été projetée et dessinée au-dessus du vase lui-même. Dans le motif
qui nous intéresse, on peut voir de petits palmiers dans lesquels folâtrent des singes.
Cette scene ne se rencontre pas seulement dans les décorations monumentales
mais aussi dans celles de petits objets tels que scarabées D), coupes, objets de toilette.
Parmi ces derniers, citons une boîte de toilette demi-cylindrique, datée de la XVIII e
ou de la XIX e dynastie, trouvée en Nubie, et qui donne une amusante variante de ce
thème < 01 2 ) : autour d’un palmier, des enfants dansent tandis qu’un homme, à droite
de 1 arbre leur joue de la flûte. Pendant ce temps, un singe grimpe au tronc. Un gros
oiseau volant à gauche de l’arbre
rappelle les corbeaux des dessins
20o4-20o6 (fig. 7 ).
Il faut également signaler une
coupe trouvée à Gourob datant
de la même époque et décorée
d’une récolte de fruits. Ce ne
sont plus ici des singes mais des
enfants, qui font la cueillette
(fig. 8) ( 3 * b Ils s’agitent gaîment
et grimpent au tronc du palmier
comme le font les singes sur
les autres esquisses. De gros
oiseaux semblables à ceux dont
nous venons de parler sont
perchés sur les basses branches
de l’arbre. Cette variante a trop
d’analogies avec les scènes pré-
cédentes pour qu’on omette de
la signaler. En revanche, un petit objet trouvé à Tell el-Amarna sort un peu de notre
sujet, mais les éléments principaux de la scène de la cueillette des fruits y sont repré-
sentés. C’est un petit groupe en terre cuite colorée, figurant un singe assis au pied
d’un palmier W.
Il y a également une grande analogie entre le sujet des peintures sur ostraca et
celui qui orne le manche d’une ravissante cuillère à fard en ivoire datant de la
XVIII e dynastie < 5 ). Le tronc du palmier forme la partie centrale du manche. Un homme
01 De nombreux scarabées ainsi gravés et datant généralement de la XVIII e dynastie sont actuellement
conservés dans plusieurs musées (Turin, Berlin, etc.).
(2) Borchardt, Studies , presented to F. Ll. Griffith, p. 267, pl. 2 5 .
(,) Petrie, Kahun , Gurob and Hawara , pl. XVIII ( 35 ) = Wallis, Egyptian ceramic art , 1898, pl. XII,
fig. 45 .
W Musée du Caire, n° d’entrée : 62773.
The Mac Gregor Collection/ pl. X et XLIV.
15
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
y est adossé et, à droite, un jeune garçon se met en devoir de grimper au tronc. De la
partie supérieure de 1 arbre pendent de grosses grappes de noix de « dôm» sur chacune
desquelles est assis un petit singe mangeant un fruit (fig. g). On voit quelle parenté
d inspiration existe entre ce charmant objet et nos esquisses peintes sur calcaire.
A la XIX e dynastie, on trouve également quelques exemples de ce même sujet.
Il existe au temple de Médinet-Habou un bas-relief, maintenant très détérioré, sur
lequel sont représentés des singes dans un palmier
(fig. 1 o) D). Mais l’exemple le plus typique que nous
avons remarqué à cette époque est une intéressante
petite stèle en bois peint, conservée au Musée du
Caire (2 >. Elle représente une femme tenant en laisse
un singe qui, grimpé dans un palmier-dôm, fait la
récolte des fruits ; il les dépose au fur et à mesure
de sa cueillette dans une corbeille que la femme
tient dans sa main gauche. La scène est ici bien
nette, il est clair que le singe a été dressé pour faire
la récolte des fruits et que sa maîtresse le surveille Fig. 8.
au pied du palmier en attendant que sa corbeille
soit remplie. Comme on le voit, cette scène rappelle par son esprit et par maints
détails, sinon par sa composition, les esquisses sur
ostraca (fig. 11 ).
Il m’a semblé intéressant de réunir ces quelques
variantes du thème qui vient d’être étudié pour montrer
que, sans être exceptionnel à la XVIII e et à la XIX e
dynasties, il fut néanmoins rarement employé dans la
forme si précise, et pourrait-on dire, si constante, des
esquisses sur calcaire.
Il n’est donc pas certain que ces esquisses sur ostraca
aient servi de modèles à de plus grandes décorations
ou à des motifs décoratifs, puisqu’on n’y retrouve
jamais l’ordonnance exacte des ostraca. On peut
aussi bien supposer, bien qu’on n’en ait aucune preuve,
que ce sont, au contraire, les scènes des temples et des
tombes de la XVIII e dynastie qui ont inspiré les
dessins sur ostraca. Les artistes les auraient interprétées et reproduites dans le
style personnel qui fait leur originalité.
Comme on l’a déjà dit, le spectacle d’une scène familière dans la campagne égyp-
tienne a pu également inspirer les artistes de Deir el-Medineh. Cette constance à
<n Nelson, Medinet-Habou, pi. 9. — < s) Journal d’entrée , n° 46989.
Fi g- 9-
16
J. VANDIER D’ABBADIE.
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A,C\V\>i
mettre en rapport les palmiers et les singes (*) est due sans doute à ce que ces animaux
étaient dressés spécialement pour faire ces récoltes et aussi, comme nous l’avons vu,
qu’ils étaient particulièrement friands de noix
de «dôm», et qu’ils devaient en cueillir souvent
pour leur satisfaction personnelle.
On est également en droit de se demander,
connaissant l’esprit symbolique et religieux
des anciens Égyptiens, s’il n’entrait pas une
autre idée dans cette habitude de représenter
simultanément le singe et le «dôm». En effet,
le singe, comme on le sait, était l’animal sacré
de Thot. Ce dieu était souvent figuré sous les
traits d’un cynocéphale. D’autre partie palmier
était un arbre dédié à Thot également. Un texte
reproduit une prière qui s’adresse à lui dans
ces termes : «Grand palmier (ml ml) de 60
coudées, ô toi dans lequel sont les noix; les
noyaux sont dans ces fruits et de l’eau dans les noyaux» Il est possible par
conséquent, qu’il y ait eu une idée religieuse à
l’origine de cette petite composition, mais je crois
également que cette idée religieuse ne s’est pas long-
temps maintenue dans les intentions des dessinateurs,
et que ces scènes sont devenues de simples scènes de
fantaisie sous le pinceau alerte et précis des artistes de
Deir el-Medineh.
m
)/
"-U*
Fig. 10.
B. — Dans cette seconde série d’ostraca, on se
trouve en présence, comme dans la première série,
de scènes ayant trait au dressage des singes. Ce sont
eux, en effet, qui sont encore les personnages prin-
cipaux de ces compositions. Bien qu’ils semblent être
ici de plus grande taille que dans la série précédente,
ils sont cependant de la même espèce. La différence
n’est due qu’à une question d’échelle et de proportions. Ils ont, en effet, les mêmes
caractéristiques : le pelage brun-verdâtre, la face et l’extrémité des pattes dégarnies
(1) Une statuette de Bès récemment acquise par le musée du Louvre ( Revue des Beaux-Arts de France,
oct.-nov. 19A2, p. 17) nous montre qu’à l’époque ptolémaïque le motif décoratif du palmier et des singes
était encore en usage.
(2) Papyrus Sallier, I, 8, k (Rec de Trav., II, p. 2 3 ). Keimer, Pavian and Dum-Pahne (Mitteilungen . . . in
KairOy 8/1988, heft I, p. k 2).
* OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
17
de poils et colorées de rouge, les oreilles recouvertes par une touffe de poils blanc-
jaunâtre disposés en demi-cercle. On voit que ce sont là encore les signes distinctifs
du babouin h).
Les couleurs de ces scènes, comme celles qu’on vient d’étudier, sont, principalement,
le vert pour le pelage des singes, l’ocre-rouge ou le noir pour le corps des serviteurs ;
ce sont les couleurs fondamentales de ces esquisses.
La composition générale montre le singe, les reins ceints d’un large ruban rose,
dont l’extrémité est tenue par un esclave. L’animal s’avance à quatre pattes, suivi
par son gardien vers lequel il tourne un visage plutôt menaçant. L’une des scènes
(2 o 35) montre ce gardien sous les traits d’un enfant nubien, complètement nu et
dont le crâne rasé est orné de trois mèches frisées. Il brandit au-dessus de sa tgte un
bâton recourbé à son extrémité. C’est le bâton ';m habituel aux esclaves syriens ou
asiatiques et qui est devenu, par la suite, celui des bergers. Ce morceau présente
un intérêt particulier : il est accompagné d’un petit texte qui est tracé au-dessus de la
scène. Cette courte inscription hiératique donne le nom du «gardien des singes».
Le premier mot est : slw et non hw, comme je l’avais transcrit par erreur dans le
catalogue. Quant au mot klkl, c’est une autre graphie de kjkj comme on l’a déjà vu.
Le texte signifie donc : «le gardien des singes, IIouv».
Ces quelques mots nous permettent de supposer que les riches Egyptiens pouvaient
posséder plusieurs singes de cette espèce pour leurs divertissements et qu’ils avaient
un esclave spécialement chargé de la garde et du dressage de ces animaux. Dans
quelques cas, ces serviteurs sont représentés comme des nègres, car ainsi que nous
l’avons déjà fait remarquer, venus des mêmes contrées que les singes ils les craignaient
peut-être moins que les Egyptiens et se trouvaient plus aptes à les dresser.
C’est ainsi que sur deux compositions les gardiens sont des nègres (2087-2038).
Le second est particulièrement bien caractérisé. L’artiste a donné à ses cheveux une
couleur rose assez inattendue. Une grande plume d’autruche de même couleur sur-
monte sa tête.
Dans le premier dessin on aperçoit, très effacé sur le fond, un palmier-dôm. Il est
possible que ce palmier ait fait partie d’une scène de cueillette de fruits qui n’a pas
été terminée et sur laquelle le dessinateur n’a pas hésité à tracer un autre sujet.
Cette surcharge de dessins se constate également sur une autre peinture dont la
composition est semblable aux premières (20 3 6 ), mais qui présente, sur le fond, des
vestiges d’une autre scène. Cette dernière paraît être d’un genre satirique car on y
voit un personnage assis dans un petit naos devant lequel se tient un chacal debout
sur ses pattes postérieures, présentant une sorte de sceptre (?). Toute cette scène
est contemplée par un autre chacal, plus grand, qui se tient debout, à droite et
lève sa tête vers le naos.
< l 2 > Cf. P . 7.
Documents de fouilles, t. II, 3.
3
18
J. VANDIER D’ABBADIE.
Ces surimpressions de dessins montrent, une fois de plus, le peu d’importance
que les artistes attachaient à ces petites scènes, puisque non seulement ils n’hésitaient
pas à sacrifier une peinture, mais encore qu’ils négligeaient de prendre une surface
vierge pour y jeter une nouvelle esquisse.
D’autres morceaux, d’un dessin élégant et habile, diffèrent, par leur composition,
de ceux que nous venons de voir. L’un d’eux (2089) est malheureusement très effacé
et détérioré ; on peut, malgré cela, voir les variations de détails qui le différencient
des ostraca précédents. Tout d’abord, le gardien tient dans sa main gauche une palme
et un lièvre dont la tête et les grandes oreilles pendent. Devant cet homme, marche
un animal qui est très effacé et très difficile à identifier; il paraît se tenir debout sur
ses pattes de derrière, mais il semble, d’après la forme des pattes et de la queue,
qu’il s’agisse non pas d’un singe, mais plutôt d’un animal du genre chacal.
Sur un autre ostracon ( 2 o 4 o ) , le mouvement de l’homme est également un peu
différent, il ne brandit pas son bâton, mais le tient en avant. Quant au singe il se
tient debout et tourne la tête vers son conducteur. De plus il semble tenir devant
lui un autre petit singe dont la pose est difficile à définir, tant le dessin est effacé.
Il nous reste à . décrire quelques ostraca d’un grand intérêt. Bien que l’homme
et le singe restent les acteurs principaux de ces scènes, elles diffèrent cependant
sensiblement, par leur sujet, des groupes précédemment étudiés. Sur le premier
dessin (20^2), un homme, coiffé de lourdes mèches retombant sur ses épaules et
vêtu d’un pagne plissé, exécute un saut ou un pas de danse. Ses mains sont très
expressives : l’une est levée devant le visage et l’autre a le pouce et l’index qui se
rejoignent dans un geste d’explication encore très en faveur chez les Orientaux.
Devant ce danseur, un singe debout, une jambe allongée en avant, semble vouloir
répéter le pas exécuté par l’homme. A moins que l’artiste, dans une intention sati-
rique, n’ait voulu montrer au contraire le singe cherchant à se distraire en obligeant
l’homme à danser.
Un petit texte, au-dessus de la scène, est malheureusement très effacé et, par là,
très peu explicite; on peut lire : La guenon est à ... ? Ici est un mot tjrsi, inconnu
dans la langue classique et qui doit vouloir dire : sauter ou danser (?).
On retrouve le même sujet sur un autre éclat de* pierre ( 2 o 4 3 ) . Aucun doute ne
subsiste ici, c’est bien l’homme qui fait danser le singe, car il tient dans sa main une
baguette qu’il abaisse devant l’animal. Une coupe de la XIX e dynastie provenant des
fouilles de Gourob h) reproduit une scène parallèle dont le sujet est particulièrement
intéressant. La disposition est exactement la même que dans le premier ostracon,
mais cette fois-ci, c’est l’homme qui est à la place du singe et qui danse, tandis que
le singe semble être assis et tient ses bras comme l’homme de l’ ostracon (fig. 12).
Il est très intéressant de retrouver, employé comme décor d’un objet, le sujet de cette
(1 ) Petrie, Illahun, Kahun and Gurob, pl. XVIII, 2.
19
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR Eh-MEDINEH.
esquisse sur calcaire. On se demande si on peut admettre qu’il y ait eu réellement
influence de l’un sur l’autre, et s’il en est ainsi, dans quel sens cette influence s’est-
elle fait sentir. En effet, l’un des objets vient de Deir el-Medineh et l’autre de Gourob,
au nord de l’Égypte. On peut supposer que le temple de Gourob, qui date du règne,
de Ramsès II, fut construit par des ouvriers originaires du Sud, parmi lesquels se
trouvaient des artisans de Deir el-Medineh, ce qui expliquerait que 1 ostracon et la
coupe aient reproduit le même sujet. Il est également possible qu’un thème comme
celui-ci, ait été tiré d’un conte ou d’une
histoire satirique ou comique, quelque chose
comme une fable dont ces dessins seraient
l’illustration (*).
Quoi qu’il en soit, les mouvements des
deux personnages dans ces petites scènes sont
particulièrement vivants. Il semble qu’ils aient
été croqués sur le vif, tant les gestes sont
différents des gestes traditionnels auxquels
nous sommes habitués. Dans l’ostracon 2o42,
l’homme exécute un mouvement plein d’élan
et très expressif tandis que le singe arc-bouté
sur sa patte repliée lève la tête dans une pose
vivante, entièrement libérée des lourdes conventions qui gênent ordinairement dans
l’art égyptien.
Les autres dessins de cette série n’offrent aucune particularité et sont composés
sur le même modèle que le premier, cependant, il faut noter une variante sur le
morceau n° 2o45. Le singe qui se tient debout joue de la double flûte, ce qui appa-
rente ce morceau aux dessins humoristiques qui seront étudiés un peu plus loin,
mais son état très fragmentaire ne permet pas de l’analyser davantage.
Un autre fragment (2061) présente un détail important à signaler : c’est une courte
inscription, placée entre le singe et son gardien. Inscription malheureusement frag-
mentaire et qui, par cela même, est difficile à interpréter. Le premier mot qu’on lit
(l > Un ostracon, appartenant à la collection Bissing, figure un sujet analogue. On y voit un nègre dont la
tète est ornée d’une haute plume d’autruche, dansant les bras étendus devant un, singe. La pose de ce
dernier est difficile à définir car dans la seule reproduction que nous connaissions de cette œuvre (Bissing,
Die Kultur des Alten Aegyptens , p. i 0 , fig. 22), le haut du corps est presque invisible. Peut-être joue-t-il
de la flûte pour faire danser le nègre (fig. 11). Cet intéressant ostracon provient certainement comme les
nôtres de Deir el-Medineh. Il faut signaler également à propos de ces scènes l’intéressante découverte
faite par M. Gapart, dans ses fouilles d’El Kab ( Chronique d’Égypte , n° 2/1, juillet 1987, p. 1 h 6 ) , dans
lesquelles il a retrouvé un bloc où il est « question de la danse des Kaïri ^ J ^ ^ 1 et l’on cite les
livres des singes ^ f j * ' « \ | ^ ’ . Les singes parlent de danser pour leur maîtresse».. Il faudrait
donc voir dans ces danses des épisodes d’une cérémonie religieuse pratiquée dans certains temples, ce
qui expliquerait le dressage des Kaïri.
3 .
20
J. VANDIER D’ABBADIE.
clairement est le verbe Tnf qui signifie « danser». Ce qui suit le mot | est peut-
être un verbe à l’impératif, et on pourrait, dans ce cas, traduire : Dansant. . . fais ( ? ) . . .
Ce petit texte n’aurait aucun intérêt en lui-même, s’il n’évoquait les scènes que nous
venons de voir, dans lesquelles le singe apprend à danser. Ce dernier dessin serait
donc relatif au dressage des singes et on aurait, là, une phase préparatoire de la danse
exécutée sur les deux premiers ostraca, mais l’état fragmentaire du morceau ne nous
permet pas de l’affirmer.
Comme on l’a déjà remarqué pour la première série de dessins, le thème de cette
seconde série n’est pas utilisé exactement dans cette forme, pour la décoration des
tombes et des objets usuels. Les seules scènes qu’on pourrait rapprocher de ce sujet,
quoique la composition et le style soient très différents, sont celles qui représentent,
à la XVIII e dynastie, les défdés des esclaves étrangers apportant les tributs des pays
conquis. C’est ainsi que, dans la tombe de Rekhmirë', plusieurs porteurs d’offrandes,
nègres ou égyptiens tiennent en laisse, tantôt un babouin, tantôt un singe de plus
petite taille (fig. i3) (1) . On retrouve également ce même thème dans d’autres tombes
de cette époque^, mais la disposition du sujet n’est jamais semblable à celle qui
est adoptée sur les ostraca ; les singes notamment ne tournent jamais la tête vers leur
Vire y ; Le tombeau de Rekhmara , pl. VI (Mém. M. A. F. C., t. V).
O) En particulier sur un fragment provenant d’une tombe (Berlin 1A1A9) où un homme tient en
laisse un gros babouin qui le suit et semble lui résister (Wreszinso, Allas, I, pl. 386).
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEII.
21
conducteur et celui-ci ne brandit jamais son bâton recourbé. A la XIX e dynastie, on
trouve, traitée en bas-relief, une scène dans laquelle un singe, tenu en laisse par un
jeune esclave, tourne la tête vers lui pour saisir une grappe de raisin que l’enfant
lui tend (fig. i4) U). La scène est pleine de charme et de grâce familière, mais elle
diffère encore beaucoup de la composition des esquisses sur ostraca.
Il faut supposer ici, comme pour les dessins de la première série, que ces esquisses
n’étaient pas faites dans un but déterminé et qu’elles n’étaient pas destinées en tout
cas à être reproduites à grande échelle sur les murs
des tombes. On peut, cependant, imaginer avec une
certaine vraisemblance que ces ostraca figurés ont
servi d’esquisses à des tableaux plus importants
destinés à décorer les parois des maisons d’habi-
tations. Les fouilles nous ont apporté la certitude
que celles-ci étaient souvent ornées de fresques
dont il ne subsiste malheureusement que des frag-
ments < 2 ), les matériaux de construction des habi-
tations civiles étaient d’une très mauvaise qualité,
et par conséquent particulièrement fragiles. Il n’est
donc pas interdit de penser, sous toute réserve,
que bien des sujets de ces fresques étaient sem-
blables à ceux que les ostraca nous ont transmis.
Quoi qu’il en soit, les trois sujets que nous venons de voir et qui réunissent un
homme et un singe (cueillette dans les Dôms, homme conduisant un singe et homme
faisant danser un singe), sont intéressants, non seulement par leurs qualités artis-
tiques, mais aussi par les renseignements qu’ils nous donnent sur le dressage des
singes. Cet animal était évidemment, dans l’Égypte ancienne, un animal familier des-
tiné à amuser les riches Égyptiens et à vivre dans leur intimité au même titre que le
chien ou le chat; mais il était généralement importé de Nubie à l’état sauvage et il
fallait le dresser, ce qui, d’ailleurs, ne devait pas être très difficile étant donné les
remarquables facultés d’adaptation des singes.
Les esquisses où l’esclave tient un singe en laisse représentent probablement un
des premiers stades du dressage, car nous voyons sur certains dessins l’expression
' mauvaise et très peu résignée de l’animal. La leçon de danse nous fait assister à un
stade déjà très avancé de l’évolution et enfin la cueillette des fruits nous montre les
conséquences pratiques de cette patiente domestication.
<*) Bruyère, Deir el-Medineh, 1928-1924, p. Ai, fig. 1. Une scène qui se rapproche davantage par sa
composition de ces ostraca se retrouve sur un fragment de calcaire peint et gravé trouvé à Tell el-Amarna.
Cf. Peet-Wooley, The city of Akhenaten, I, pl. XXIII, 2. •
<*> Nous nous servons à plusieurs reprises aü cours de ce travail du mot « fresque », mais il est bien entendu
que c’est d’une façon abusive, lesÉgyptiens n’ayant jamais connu ni employé le véritable procédé de la fresque .
J. VAND1ER D’ABBADIE.
C, D. — Les singes ne sont pas les seuls animaux que les Égyptiens aient su
représenter avec une telle vérité et une telle adresse. Animaliers remarquables, leurs
dessins de bêtes sauvages ou domestiques ont été de tout temps parmi les chefs-
d’œuvre de leur production artistique. Les ostraca en reproduisent d’ailleurs de très
beaux exemples. Parmi ceux-ci, les bœufs et les taureaux ne sont pas les moins inté-
ressants. On verra ces bovidés tour à tour seuls ou accompagnés d’un bouvier. L’atti-
tude de ce dernier varie suivant la position qu’il occupe par rapport à l’animal.
Lorsqu’il marche derrière le bœuf, il brandit le bâton recourbé, comme pour forcer
l’animal à avancer ou pour le frapper. Lorsqu’il le précède, il tient simplement son
bâton devant lui ou sur l’épaule. Enfin, lorsqu’il marche près du bœuf, tantôt il
étend le bras vers la tête de l’animal pour saisir une de ses cornes, tantôt il tient
simplement l’extrémité du ruban qui entoure son cou.
Il y a donc ici deux sortes de scènes un peu différentes l’une de l’autre. La première
rappelle les scènes de labour O ou de funérailles^, dans lesquelles les bœufs tirant
la charrue ou le sarcophage sont suivis de leur bouvier qui élève au-dessus de sa
tête son bâton recourbé; au contraire la seconde scène évoque les apports d’offrandes
qui ornent les murs des tombes et des temples, ou les processions religieuses dans
lesquelles on amène le taureau pour l’immoler au cours du sacrifice.
Les couleurs qui enjolivent ces scènes sont celles que nous avons déjà relevées
dans les séries précédentes, c’est-à-dire, avant tout l’ocre-rouge et le noir. Dans
certains sujets, cependant, la variété des tons est plus grande : on voit apparaître
certains jaunes (2067-2080) ou du blanc (2077); une peinture offre même une
variété de couleurs assez rares (2068) : ce ne sont que des taches blanches, vertes,
bleues et rouges. Beaucoup de ces esquisses, en revanche, sont simplement indiquées
au trait noir ou à l’ocre-rouge.
Le bœuf est peut-être un des animaux qui fut le plus souvent représenté dans l’art
égyptien depuis ses débuts. A toutes les époques depuis les admirables mastabas
de Saqqarah, jusqu’aux tombes et aux temples de la région thébaine, en passant
par lés tombes de la Moyenne Égypte, on retrouve les mêmes scènes traitées un peu
différemment. Ce sont : le passage à gué des troupeaux, les combats de taureaux,
les travaux champêtres dans lesquels les bœufs tirent la charrue ou piétinent les grains,
ou encore le dénombrement des troupeaux, et tant d’autres scènes où le bœuf joue
le rôle principal. Le bœuf était un des animaux les plus familiers et les plus utiles
de l’ancienne Égypte, c’est pourquoi les artistes eurent si souvent l’occasion de le
représenter.
Plusieurs espèces de bovidés étaient connues dans la Vallée du Nil < 3 ), mais celles
qui figurent le plus souvent sur les monuments sopt celles du bœuf à longues cornes,
(1) Wreszinski, Atlas, I, pl. 9, 95 a.
M. Baud, La tombe d’Amenmose, p. 36 .
w Hartmann, U agriculture dans V Ancienne Égypte , p. 180, 196; Paton, Animais , p. 5 , 2.
OSTRACA FIGURÉS DE DE1R EL-MEDINEH. 23
des taureaux sauvages à bosse dorsale et à petites cornes, et des bœufs sans cornes.
Cependant ces derniers devaient être une sorte de monstruosité spontanée, que les éleveurs
anciens s'appliquaient à reproduire par sélection W. Ils étaient assez rares et on ne les
représentait jamais comme des bêtes de trait dans les travaux des champs. Ils étaient
montrés sans doute Comme des objets de curiosité et réservés aux sacrifices < (I) 2 L
La première des deux autres espèces se trouve parfois reproduite sur les ostraca.
Elle comporte, d’après Gaillard (3 ), des animaux de grande taille dont les cornes très
développées ont la forme d’une lyre ou d’une demi-circonférence, et il les identifie
avec le « Bos Tauros macroceros Durst». Les Égyptiens importaient ces animaux, depuis
les plus anciens temps, de Syrie ou de Nubie. Ils étaient soumis à la castration et le
plus souvent destinés à la boucherie, mais c’étaient eux aussi qu’on employait dans
Les travaux agricoles pour tirer la charrue, ou pour fouler les grains; on les voit
ainsi employés dans les bas-reliefs et les peintures de nombreuses tombes à toutes les
époques. On pourrait en trouver des exemples dans presque chaque tombe thébaine,
tant ces scènes étaient familières entre la XVIII e et la XIX e dynasties. Des bœufs de
cette espèce étaient également utilisés comme bêtes de trait dans les funérailles pour
tirer le sarcophage. Ils étaient également apportés comme offrandes dans les sacrifices < 4 ).
Les animaux de la seconde espèce sont des taureaux à courtes cornes et à bosse
dorsale très accentuée. Ils ont les pattes assez fines et nerveuses. Gaillard les identifie
avec le Bos africanus ( 5 L Des momies de ces bœufs ont été trouvées à Saqqarah et à
Abousir ( 6 7 L C’étaient des bêtes à demi-sauvages, qui n’étaient généralement pas
employées aux travaux des champs sauf parfois au dépiquage des grains ù). Ils étaient
plutôt réservés au sacrifice, et ce sont eux que l’on voit sur les ostraca figurés, ornés
de rubans, parfois même de fleurs, conduits par un bouvier qui marche à leur côté
les tenant par un ruban qui leur sert de licol.
Les artistes ont indiqué sur les ostraca le pelage moucheté de ces taureaux d’une
façon très stylisée, mais aussi très précise et décorative. On y remarque, en effet,
(I) G. Gaillard, Tâtonnements des Égyptiens de l’Ancien Empire à la recherche des animaux à domestiquer,
p. 7 ; Erman, au contraire pense que cette anomalie était obtenue artificiellement, par curiosité (Erman-
Ranke, Aegypten, p. 52 4 ).
Ce sont peut-être des bœufs de cette espèce qui traversent un gué dans la tombe de Daga, en com-
pagnie de bœufs à grandes cornes (cf. Dàvies, Five Theban tornbs, pl. XXXVIII). Junker, Gîza, VI, p. 5 i
note que ces bœufs, objets de tant de soins de la part des Égyptiens, étaient spécialement réservés aux
sacrifices et il s’étonne, dans ce cas, qu’on ne les trouve pas plus souvent représentés dans les scènes de
boucherie. Il suppose qu’ils étaient gavés à la main.
w Op.cit.p p. 6.
Louvre G. 166, Urkunden, IV, 29 ; Davies, Nakht , pl. 18 ; Winlock, Bas-reliefs from the Temple of
Ramsès I at Abydos, vol. I, part I, pl. V.
Lortet et Gaillard, La faune momifiée de V Ancienne Égypte, i re série, Lyon (1908), p. 43 .
t<J) Gaillard et Daressy, La faune momifiée de V Antique Égypte, p. 16-17 (Caf. Général des Antiquités du
Musée du Caire).
(7) Hartmann, U agriculture dans T Égypte ancienne , p. 181 ; Davies, Ptahhetep , t. II, pl. 8.
4 .
24
J. VANDIER D’ABBADIE.
de grandes taches rectangulaires, triangulaires ou en demi-lune, de ton noir ou rouge.
On a dit que ces taches étaient les signes qui distinguaient le taureau sacré Apis h).
Cependant on peut voir dans maintes tombes thébaines des bœufs tachetés de cette
façon et qui sont attelés à des charrues dans des scènes de labour ; dans ce cas il ne
saurait être question de taureaux sacrés. Il faut supposer que 'c’était simplement une
façon décorative de traiter les taches de la robe de ces animaux.
Le bouvier, qui, dans ces scènes, accompagne les bœufs ou les taureaux, est généra-
lement vêtu d’une jupe courte plissée (sauf une exception). Sa tête est parfois coiffée
d une perruque courte, a moins qu elle ne porte les trois mèches frisées dont nous
avons déjà dit qu elles constituaient souvent la coifïure des jeunes gardiens de singes
dans les séries précédentes. Le bouvier porte également le bâton recourbé des paysans,
qui est appelé dans les textes : — >^T, 'wt®. Il était quelquefois confondu avec le
sceptre : ^ hk, qui dans certains textes porte le même nom et qui a certainement
la même origine W. Cependant le bâton —- 1 f semble avoir été plus spécialement le
bâton du berger, puisque le même mot qui désigne des troupeaux, particulièrement
de chèvres W, est quelquefois écrit phonétiquement avec le signe Ce
bâton, qui devait jouer un grand rôle dans la vie des bergers, se voit souvent entre
leurs mains sur les ostraca figurés et s’il offre quelquefois la silhouette : il est
généralement recourbé à son extrémité, comme une canne.
Plusieurs mots désignent les taureaux et les bœufs, mais, bien qu’ils accompagnent
souvent les représentations de ces animaux sur les parois des mastabas ou des tombeaux
de la région thébaine, il est difficile, à part quelques très rares exceptions, de recon-
naître quelle espèce de bovidés est cachée sous tel ou tel nom. Donnons cependant
quelques précisions : JJ. ^ k, désigne des taureaux, probablement de la race du
Bos Africanus. On a vu que ces bêtes n’étaient pas employées pour les travaux agricoles ;
on les réservait aux offrandes W, et on assiste dans certains tombeaux à l’abattage des
bœufs de cette espèce ; par exemple dans la tombe de Mentouherkhepeshef (XVIII e dy-
nastie), on lit au-dessus de la scène JJ Ces taureaux semblent avoir été également
réservés pour les combats, dont les Égyptiens se montraient assez amateurs, car beau-
coup de scènes de tombes représentent des tauromachies. Dans la tombe d’Ame-
nemhatô), deux taureaux combattant furieusement sont appelés : U Il est vrai
qu’on amène auprès d’eux, pour prendre part à ce combat, une bête qui semble
être de la même race et au-dessus de laquelle est écrite cette phrase qui visiblement
la concerne : «Le taureau a beaucoup grandi», et le mot employé est : l£|.
(1) Daressy, Ostraca , p. 19, n° 26095 bis.
tS) Gardiner, Egyplian Grammar, p. 4 9 5 (89).
( 3 ) Winlock, The tomb of Senebtisi at Lisht , p. 85 .
^ Griffith, Hieroglyphs, p. 57, fig. 39^
{5) Newberry, El-Bersheh , I, XXVII; Davies , Ptahhetep , II, pi. 18.
Davies, Five theban tombs, pl. X.
W Davies, The tomb of Amenemhèt, pl. VI.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MED1NEH.
25
Le mot JJ ,1m est aussi employé comme expression figurée et comme surnom des
dieux W et des rois dans les protocoles royaux.
Le nom : | ^ qu’on vient de mentionner est un des mots le plus souvent utilisés
pour désigner de grands bœufs à longues cornes, ainsi, dans plusieurs représentations
de l’Ancien Empire ! 3 ); on le trouve également dans les textes des Pyramides M. Le
féminin est rarement employé. Les bœufs de cette espèce semblent aussi avoir
été nourris spécialement pour être engraissés.
Les bêtes d’offrandes étaient désignées sous le nom de : ou T (5 *-
On peut en voir plusieurs, appelées de cette façon, dans la tombe de Rekhmirë' (®).
On a dit que les ng étaient des taureaux sauvages que les Égyptiens avaient tenté
de domestiquer et qui vivaient plutôt parqués. Au Nouvel Empire, on les trouve aussi
employés comme bêtes de trait, dans les cérémonies religieuses : c’étaient eux, par
exemple, qui tiraient le naos ou le sarcophage. Une scène de ce genre est accom-
pagnée de la légende : ^ ( 7 ). Le rouge étant la couleur d’Osiris, dieu des
morts et aussi la couleur nationale de Basse Égypte, c’est à dessein qu’on aurait choisi
des bœufs de cette teinte pour les funérailles et qu’on les aurait désignés par l’épi-
thète dsr ( 8 ). D’autres bœufs sont également désignés par le mot : ^| ^ , écrit parfois,
seulement par le déterminatif. Ce sont plus particulièrement des bœufs de labour
ou de trait. On les voit, tirant la charrue, dans les scènes de labour, ou piétinant le
grain. Cependant, malgré ces attributions actives et bien définies, les bœufs ( J ^
étaient également destinés au sacrifice puisqu’on trouve leur nom dans des listes
d’offrandes W et comme offrandes ( 10 ).
Il est bien difficile, on le voit, de donner d’après les textes égyptiens, un nom précis
à chacune des espèces de bœufs que les représentations nous font connaître : les
scribes eux-mêmes ne paraissent pas avoir eu, à ce sujet, des idées bien déterminées.
Une seule espèce semble avoir été désignée avec précision, ce sont les bœufs à cornes
raccourcies, ou sans cornes. Ils sont représentés dans des tombes! 11 ) et nommés : + i.
0) Notamment d’Amon et de Min dieux de la génération (Lefébure, Sphinx , I, p. 1 08 ; M. Moret, Mystères
égyptiens, p. 200).
( 2 ) Wôrterbuch, I, p. 49.
W Wreszinski, Atlas , III, pl. i 4 , 17, 37, 87; Montet, Scènes de la vie privée. pl. XII.
Pyramides , 1882.
Pyramides ? i 544 ; Lepsius, Denkmâler, II, 49 3 ; Montet, op. cit p. i 38 , 139, fait remarquer qu’à
l’Ancien Empire ces bœufs étaient désignés par le mot : (Ptahhetep, II, 21) ou : JL*» ■ (Teti, 2 43 ),
• 1 w # /WVMYM*
puis par le mot B ^ (Leide, I, 9), ce n est que plus tard qu’on écrit le mot (Blàckmann, Meir,
II, 4 - 5 ).
(6) Newberry, The life of Rekhmara , pl. V.
(7) Davies, Five theban tombs, pl. II, et Davies-Gardiner, Antefoker, pl. 22.
(8) Kees, Totenglauben, p. 3 60.
(9) Naville, Todtenbuch, pl. 162, 12, Londres 33 o, Florence 2497.
(i°) Pyramides 9 1977 : 4 , id., 1 544 .
<ll > Newberry, Beni-Hasan, I, pl. XVIII, XXXV; UrL, IV, na 4 .
26
J. VANDIER D’ABBADIE.
Ceux-là, on l’a déjà vu, étaient strictement réservés aux cérémonies religieuses et
considérés, à cause de leur rareté, comme des animaux très précieux.
On a dit que le sujet des ostraca de cette série se composait d’un bœuf et de son
bouvier. L’un de ces dessins (2062) fait cependant exception à cette règle et offre
un thème original qu’on ne reverra sur aucun des dessins suivants. Il figure un
troupeau de bœufs à longues cornes disposés sur deux registres, et encadrés de deux
bouviers brandissant leurs bâtons. Un fourré de papyrus décore le fond de la scène
et semble indiquer qu’il s’agit d’un passage à gué, scène si familière dans l’art égyp-
tien Û). Dailleurs la tenue des bouviers confirme cette hypothèse. Ils sont nus, en effet,
et portent leurs couvertures roulées en bandoulière autour du torse pour éviter que
leurs vêtements ne soient mouillés dans le cas où ils devraient se mettre à l’eau.
Ils lèvent leurs bâtons pour forcer leurs bœufs à avancer et à obéir. Cette couverture
roulée et ce bâton semblent être les deux signes distinctifs des gardiens de troupeaux.
Ce sont eux qu’on retrouve dans l’hiéroglyphe qui détermine le berger W. Cette scène
est particulièrement remarquable par la finesse et la sûreté du dessin et le groupement
habile des bœufs aux couleurs alternées : un animal ocre-rouge se trouve placé entre
deux animaux à robe noire et blanche, afin d’éviter toute confusion dans le dessin.
Les deux bergers sont bien campés, d’une façon ferme et bien proportionnée ; leurs
gestes sont vivants et naturels. On sent parfaitement ici la facilité et le trait plein
de franchise d’un artiste en pleine possession de son métier et qui était certainement
un maître.
Les autres dessins représentent également des bouviers menant leur bœuf aux
champs. Cette fois-ci, ce n’est plus un troupeau mais un seul bœuf qui est accompagné
par un seul bouvier. C’est le cas pour deux esquisses ( 2 o 63 - 2 o 64 ) qui montrent
toutes les deux un très bel exemple de taureau neg, avec ses pattes fines et un peu
hautes, sa bosse dorsale, ses cornes courtes et surtout, dans le premier dessin, les
taches de sa robe franchement marquées.
Les bouviers, vêtus d’une jupe courte, portent leur bâton, l’un sur l’épaule, l’autre
devant lui. Ce dernier tient l’extrémité de la longe qui retient le taureau par les
naseaux. Le premier de ces dessins a certainement plus de franchise et plus de carac-
tère que le second, qui, cependant, n’est pas dépourvu d’une certaine habileté.
Deux autres exemples ( 2 o 65-2 066) montrent le bouvier suivant le taureau, et, sur
l’un d’eux, l’animal est enchaîné par une longe qui passe dans un anneau fixé au naseau.
Une peinture très mutilée et d’un très vilain style (2077) °^ re une cur i euse variante
du sujet. En effet, c’est une femme, ici, qui accompagne le bœuf; elle est vêtue d’une
longue robe transparente. Quant au bœuf, il manque presque entièrement, il n’en
reste que les pattes lourdement dessinées et les grosses fleurs de lotus qui ornaient
sa tête. C’est tout ce qui reste de cette scène dont l’ensemble paraît avoir été si laid
(l) Particulièrement sous l’Ancien Empire, Wreszinski, Atlas , I, io5, III, 44, 5o, 52.
Jéquier, Recueil de Travaux , XXX, p. 39 ; Montet, Scènes de la vie privée. . p. 100 et seq.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
27
et si mal dessiné qu’il pourrait venir à l’idée que ce dessin est un faux. Cependant,
il faut bien admettre que, malgré les dons remarquables des artistes égyptiens, et
particulièrement des animaliers, il dut y avoir, chez eux comme ailleurs, des débutants
mal doués qui ne purent que s’exercer péniblement et faire de très mauvais dessins
comme celui de cet ostracon. Si imparfaite qu elle soit, cette peinture est curieuse car
c’est le seul exemple que nous ayons d’une femme jouant le rôle de bouvier h). Cette
scène peut être rapprochée des figurations de processions sacrées; en effet, le bœuf
est orné de fleurs comme si on le menait au sacrifice. La femme tient l’extrémité du
lien qui est noué à l’une des pattes de l’animal. Sur un autre document, on relèvera
un détail intéressant (2069) : une rosette marquée au fer sur l’encolure du taureau;
c’est en quelque sorte une marque de propriété Ce n’est pas le seul exemple de
ce détail On connaît même une représentation de la ferrade des bœufs W : des
hommes marquent au fer rouge des bœufs couchés à terre, les pattes attachées, tandis
qu’un autre homme fait rougir les fers sur un foyer qu’il attise. C’était une précaution
indispensable, que tout propriétaire devait prendre dans ce pays où les troupeaux
étaient si nombreux que les erreurs et les confusions eussent, autrement, été inévi-
tables.
Plusieurs dessins représentent des taureaux dans leur fureur ou dans leur ardeur
combative. C’est ainsi qu’on peut voir un sujet nouveau dans cette série (2070).
C’est un taureau chargeant son gardien : il semble être lancé en pleine course, les
deux pattes antérieures levées comme pour sauter, la queue dressée comme mue par
ce mouvement d’élan. Devant lui, le bouvier, dans un geste d’effroi, lève les deux
bras et son bâton recourbé. Au-dessus de sa tête est une corde enroulée dont la signi-
fication reste bien obscure et la place peu explicable. Il est possible que cet homme,
dans sa peur devant la charge du taureau, ait envoyé d’un gesjg brusque, au-dessus
de sa tête, la corde que les bouviers tiennent presque toujours dans la main, soit
pour attacher la patte de leur bête, soit pour s’en servir comme d’un lasso W. Cette
interprétation est peu certaine puisqu’on ne connaît aucune représentation de ce
genre qui puisse la confirmer. D’ailleurs l’artiste n’a peut-être eu aucune intention,
car cette esquisse n’est pas très habile et ne dénote pas une grande science du dessin,
ni de grandes qualités d’observation. En effet, l’artiste s’est trouvé très embarrassé
pour traduire un sujet qui, rarement traité, était nouveau pour lui. Le mouvement
du taureau, les deux pattes levées sur le bouvier, est mal observé, car le mouvement
naturel aurait été de foncer tête baissée, cornes en avant. Le dessin est raide mais
(,) Un papyrus du Musée du Caire figure une femme, la défunte, la dame Herouben conduisant son
troupeau de bœufs (Maspero, Guide du Musée du Caire, 4 e éd., igi5, n° 4884).
(2) Hartmann, V Agriculture dans V Ancienne Égypte , p. 267 .
(S) Rosellini, Monumenti Civili , II, pl. XXXII.
w Hartmann, op. cit p. 268 , fig. 73 , d’après Wilkinson, Manners and Customs, t. II, p. 84.
Petrie, Deshashek; pl. XII — Wreszinski, Berichtüber die photographische Expédition von Kairo bis Wadi
Halfa . . . , pl . 3 . 3 .
28
J. VANDIER D’ABBADIE.
cependant l’encolure puissante, à bosse accentuée et la tête ont un certain caractère.
Des lignes sinueuses sur le cou indiquent les replis de la peau. D’autres dessins sur
ostraca représentent des animaux de cette espèce, qui sont dessinés de la même
façon W. On se trouve ici en présence de très beaux spécimens de taureaux sauvages
neg. On sait qu’une des épithètes favorites des rois d’Égypte fut, à partir de la
XVIII e dynastie, « Le taureau puissant». On ne doit pas être étonné de retrouver dans
certains protocoles découverts à Deir el-Medineh, la silhouette de ce taureau sauvage
qui était, avant tout, un animal reproducteur ( 1 2 L La puissance créatrice, telle était,
en effet, la qualité que le roi désirait s’attribuer ( 3 >.
Parmi les autres scènes représentant des taureaux belliqueux, il faut mentionner
spécialement un document très bien dessiné, mais malheureusement très effacé, qui
nous a conservé le tableau d’une lutte entre deux taureaux neg. Un bouvier assiste
à ce combat et semble vouloir séparer les combattants avec son bâton (2071) < 4 L
Il tient l’une des bêtes par une longe qui est tendue entre les deux cornes de l’animal.
Dans un mouvement très expressif, l’autre taureau fonce en avant et plante ses cornes
dans le poitrail de son adversaire. Ce dernier semble chanceler sous le choc. On ne
peut malheureusement pas juger du dessin qui est très effacé, mais ce qui reste
visible est très expressif et très vivant, particulièrement ce mouvement du taureau
qui fonce, bien arc-bouté sur ses pattes, la queue levée fouettant l’air avec rage.
Les quelques signes hiératiques situés sous la scène sont trop effacés pour être lus.
Un autre ostracon représente le même sujet (2 io 4 ), mais dans un style très relâché
et beaucoup moins élégant. Enfin une troisième esquisse (2108) met également en
scène deux taureaux s’affrontant, mais sans la présence du bouvier; cette dernière
peinture est particulièrement lourde et peu souple dans sa facture : c’est visiblement
l’oeuvre d’un débutant ou d’un artisan maladroit. Son embarras fut si grand pour
dessiner la tête du taureau de droite qu’il fut obligé de l’effacer et de la laisser dans
l’imprécision. D’autres dessins, trop estompés ou trop fragmentaires pour qu’on
puisse juger du sujet, semblent pourtant se rattacher aux scènes de combats de
taureaux. Un de ces fragments (2122) figure l’arrière-train d’un bovidé dont la queue
fouette l’air rageusement : il doit foncer ou se battre avec un autre animal, cornes
(1) Cf. infra, n° 2071, 2110, et Daressy, Ostraca , n° 26076, pl. XVI.
(2) Daressy, op . cit ., pl. XXXIII, n° 26195, et Bruyère, Deir el-Medineh, 1981-1982, p. 38 , fig. 2 5 ,
cf . infra, n° 2700, p. ikk.
(3) Jacobson, Dogmatische Stellung, p. 58 . L’auteur fait un rapprochement entre le Ka, force créatrice,
et l’épithète du roi «taureau puissant» qui apparaît régulièrement dans la titulature royale à partir de
la XVIII e dynastie.
(4) A moins qu’il ne cherche, au contraire, à les exciter pour les entraîner au combat. La tombe d’Ame-
nemhat présente une scène de combat de taureaux, dans laquelle il semble bien que l’un des taureaux
soit vaincu, mais un troisième animal qu’on amène, considère la scène d’un air furieux et semble tout prêt
à entrer dans la lutte. Gardiner, The tomh of Amenemhêt , pl. VI ; cf. aussi Hartmann, U Agriculture dans
V Ancienne Égypte , p. 267 ; Newberry, Beni-Hasan, II, pl. VII; Petrie, Athribis, pl. XII.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
29
contre cornes ainsi que nous l’avons vu sur l’ostracon 2071. Enfin un dessin très
délavé figure un taureau en pleine course, le mouvement est particulièrement vivant
et rapide. Ces scènes de tauromachie ne sont pas, parmi nos ostraca, les seules variantes
du thème du bouvier menant son bœuf aux champs. L’une d’elle (2072), dans
laquelle un jeune garçon agenouillé devant un bovidé à cornes courtes, tient la longe
de l’animal et semble lui caresser le naseau, évoque les scènes d’engrais du bétail,
telles qu’elles se présentent dans certaines décorations murales. On voit, en effet,
à Tell el-Amarna, par exemple, des compositions à peu près semblables dans lesquelles
un bouvier fait manger quatre ou cinq bœufs dans une position exactement pareille
à celle qui est figurée sur notre ostracon W. Il serait donc question ici d’une esquisse
pour une scène de gavage d’un bœuf; un oiseau qui volète au-dessus de l’animal
semble vouloir profiter des restants du festin. Ce dessin est seulement indiqué aü
trait noir et on y sent la main inhabile d’un débutant : les proportions du bœuf sont
ramassées et les pattes assez lourdes, mais il y a cependant une certaine franchise
dans l’exécution et une certaine observation; l’oiseau qui volète au-dessus de la scène
est particulièrement bien venu.
Il reste dans cette série un dessin un peu hésitant dans lequel l’animal est couché,
tandis que deux hommes semblent vouloir le maintenir dans cette position. C’est
vraisemblablement une scène de boucherie comme on en peut voir en si grand nombre
dans l’iconographie funéraire des temples et des tombes. L’offrande de la jambe
antérieure droite du bœuf, qui était le morceau de choix réservé aux dieux et aux morts,
et de la tête était une scène rituelle qui donnait lieu à la succession de toutes les
représentations figurant l’abattage et le dépeçage du bœuf. Ici nous devons assister à
la première phase, celle qui consiste à faire coucher le bœuf pour lui lier les pattes afin
de l’immobiliser. L’artiste s’est trouvé très embarrassé pour dessiner les pattes repliées
sous le corps de l’animal, et là aussi il a laissé des lignes sans précision et hésitantes.
Dans une autre série de documents, les animaux sont figurés seuls, sans bouvier.
Quelques-uns représentent, d’une façon malheureusement fragmentaire, de superbes
bœufs gras (211 5-2 12 3-2 1 2 4 ) visiblement engraissés en vue des processions et des
sacrifices. Ce sont sans doute des bœufs
Un autre ostracon représente au contraire un très beau spécimen de taureau à demi
sauvage neg , avec ses cornes en demi cercle et sa bosse dorsale très accentuée.
Pour en finir avec les divers sujets de ces séries de bovidés, signalons des fragments
sur lesquels on peut voir, non plus un bœuf ou un taureau, mais une vache. Un frag-
ment (2118) représente un petit veau tétant sa mère, sujet souvent traité dans l’art
égyptien à toutes les époques ( 2 >. Deux autres fragments (211 7-2 119) figurent une
<’) Davies, The rocks tomhs of el Amarna, t. î, pl. XXV-XXIX ; t. IV, pl. 9 ; t. VI, pl. 20 ; Hartmann,
L’Agriculture dans l’ Ancienne Égypte, p. 255 , 256 ; Klebs, III, abb. 128 ; Wreszinski, Atlas, I, pl. 3 5 1 .
< 5 > On trouve notamment ce thème, traité avec un grand charme sur une coupe de bronze publiée par
Bissing, Metalgefcïsse, p. 61, cf. aussi Capart, Propos sur l’Art égyptien, fig. 93, p. i 35 .
30
J. VANDIER D’ABBADIE.
vache devant une corbeille remplie de grains qui se silhouette sur un fourré de papyrus.
Il est possible que ce soit ici une scène d’engrais, mais je crois qu’on peut y voir
plutôt le souvenir d’une scène religieuse qu’on rencontre souvent sur les stèles et
dans les tombes de la région thébaine et notamment à Deir el-Medineh b). C’est celle
dans laquelle la déesse Hathor, sous la forme d’une vache, sort de la montagne, et
reçoit à la fois les hommages du défunt et de sa famille et d’abondantes offrandes
accumulées sur une table ou dans une corbeille. Ici nous trouvons la corbeille remplie
de grains ou d’offrandes végétales.
Ces derniers documents sont visiblement des réminiscences ou des esquisses ayant
servi à la composition de certaines scènes dont les artistes illustraient les monuments,
les stèles, les papyrus et d’autres objets. Certaines esquisses, comme celle du passage
à gué, étaient des thèmes très en faveur sous l’Ancien Empire ( 2 ). Les beaux mastabas
de Saqqarah en montrent de magnifiques exemples. Mais on constate avec étonnement
qu’au Nouvel Empire, ce sujet a complètement disparu des décorations murales.
Il n’est pas rare de voir cependant, dans une disposition qui rappelle tout à fait celle
de notre ostracon, des défilés de troupeaux conduits par deux bergers. Il s’agit
vraisemblablement du dénombrement des troupeaux oü des apports des offrandes
au dieu. D’autres séries permettent de faire des parallèles : les taureaux dont la tête
s’orne de fleurs et de rubans rappellent les défilés de bœufs gras dans les proces-
sions (*); le bœuf suivi de son bouvier évoque, d’une manière plus lointaine, il est
vrai, la scène de labour, si souvent traitée dans les tombes et qui représente symbo-
liquement l’âme du mort cultivant les champs d’Ialou dans l’au-delà b).
L’esquisse du bœuf et de son bouvier rappelle également cette phase de la cérémonie
de l’enterrement, dans laquelle des bœufs tirent le traîneau sur lequel est posé le
sarcophage. Dans ce cas, un homme marche derrière l’attelage ( 5 ).
Ainsi, comme on le voit, la même remarque, qui a été faite pour les ostraca figurant
des singes, peut s’appliquer ici. On ne peut retrouver exactement les mêmes scènes
dans la peinture monumentale de cette époque. Les sujets des ostraca semblent
plutôt être des souvenirs, des reflets de ces scènes. Ils ont, comme tous les dessins
sur ostraca, une vie spontanée, très personnelle et des imprécisions pleines de charme,
qui les différencient complètement des peintures plus conventionnelles et plus
Bruyère-Kuentz, La tombe d’Ari-Nefer (Mém. de VI. F. A. O., t. LIV), pi. XX, 3 ; Vandier, La tombe
de JVefer-Abou (Mém. de VI. F. A. O., t. LXIX), pi. VI, VII; cf. aussi Naville, Todtenbuch, I, CCXII.
(2 > Hartmann, L’Agriculture..., p. s5o-25i; Petrie, Deshasheh, pl. XV; Newrerry Beni-Hasan, t. I,
pi. XXIX; Wreszinski, Atlas , I, io 5 ; Schafer-Àndrae, die Kunst des Alten Orients, p. 2Ù9.
t*) Wreszinski, Atlas , I, 219. Une stèle d’Amarna est ornée d’une scène tout à fait semblable, c’est la
stèle d’Ani au Musée du Caire, cf. Steindorff, A . Z ( 34 ), 1896, p. 64 , fig. 11.
Rosellini, Monumenti Civili, II, pl. XXXII ; Wreszinski, Atlas , I, 19 a ; Cap art, V Art égyptien, choix de
documents, III, pl. 588 .
(5) Tylor, The tomb of Paherl , pl. V ; Gardiner-Davies , The tomb of Amenemhèt, pl. XÏ-XII ; Davies, Puymrë %
pl. a 7 .
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
31
traditionnelles, bien que plus parfaites, des monuments. C’est une constatation que
l’on fera bien souvent au cours de cette étude au sujet de toutes les scènes et de
toutes les figures qui seront étudiées plus loin.
E. — Il semble que le cheval ait été inconnu dans l’Égypte de l’Ancien Empire.
Tout au moins n’en trouve-t-on pas de' représentations. Ce ne fut, sans doute, qu’avec
les invasions hyksôs, à la fin du Moyen Empire, que cet animal fut introduit sur les
bords du Nil, comme bête de trait, attelé aux chars d’assaut des armées hyksôs. En
effet, ce ne fut qu’à partir du Nouvel Empire que les artistes reproduisirent des
chevaux dans leurs peintures et dans leurs bas-reliefs. Peut-être doit-on voir, dans
cette introduction tardive, la raison pour laquelle les artistes animaliers, généralement
si habiles et si observateurs, se montrent si conventionnels lorsqu’il s’agit du cheval.
Les dessinateurs n’avaient pas, pour cet animal, le grand passé plein d’expérience
et les remarquables exemples qu’ils avaient pour les autres animaux. Il est évident
que c’est sous l’Ancien et le Moyen Empires que se placent les plus belles périodes
créatrices de l’art égyptien et que les artistes de génie qui vécurent à ces époques
surent traduire merveilleusement les formes et les mouvements des animaux. Les
artistes du Nouvel Empire vivaient, en quelque sorte, de cet acquis et avec le souvenir
des magnifiques productions de leurs prédécesseurs. Aussi, se trouvant en présence
d’un nouvel animal, eurent-ils tendance à le fixer dans une attitude très décorative,
certes, mais très arbitraire. D’ailleurs l’étude de ces dessins sur ostraca prouve abon-
damment, malgré quelques exceptions, que les artistes égyptiens dessinaient de mé-
moire et non d’après nature et que leurs interprétations étaient toujours, même
dans de simples croquis, stylisées dans un sens décoratif.
A partir du moment où ils connurent les chevaux, les Égyptiens semblent en avoir
fait un grand usage et un grand cas.
Le Pharaon avait des haras spécialement confiés à un intendant et dans lesquels
était soignée une grande quantité de chevaux W. Un nombreux personnel était attaché
aux écuries. Les haras prirent un si grand développement que les Égyptiens purent
faire commerce de leurs chevaux et en vendre aux marchands étrangers ( 2 h Ils con-
tinuèrent à en importer également et on peut voir des représentations de prisonniers
apportant des étalons comme tributs W.
Si les Syriens montaient leurs chevaux sans harnachement, les Égyptiens, eux,
couvraient souvent les leurs de somptueux ornements, principalement ceux qui
étaient attelés aux chars royaux. On a de ravissants exemples de ce faste dans des
scèneg de batailles ou de chasses. On peut citer en première ligne les magnifiques
(1) Hartmann, L’agriculture. , p. 211 ; U. Bouriant, Mém. Miss, au Caire , t. Y, 422, pl. IV, V.
(2) Rois, X, 28, 29 ; IV, 26.
< 3) Bull, of the Metr. Mus. of Art (New York), Eg . Exp., 1929-1930, fig. 8; Davies, The Rock tombs
of el Amarna , II, pl. 37-39.
32
J. VAND 1 ER D’ABBADIE.
chevaux qui ornent le coffret de Toutankhamon au musée du Caire Û). Les chevaux
y sont vêtus d’étoffes et de broderies et leur têtes sont empanachées de plumes d’au-
truches < 2 ). Même dans les attelages plus simples, les chevaux étaient toujours ornés
et caparaçonnés. Ils étaient dirigés au moyen de guides actionnant un mors et ils
étaient attachés au char, à peu près comme on peut le voir de nos jours, par un timon,
des sangles et un collier
Le char de guerre était une construction légère formée d’un plancher posant sur
un essieu. La balustrade qui était courbe était ouverte à l’arrière, et l’aurige se tenait
debout. Le char de guerre contenait les armes nécessaires et des carquois fixés à la
balustrade W. Les chars de promenade semblent avoir été à peu près du même modèle
mais dégarnis d’armes et de carquois.
Les représentations les plus fréquentes de chevaux à partir de la XIX e dynastie se
trouvent dans les grandes scènes de batailles. Ils sont attelés à des chars et lancés au
grand galop ; les jambes antérieures étendues devant eux, ils reposent uniquement
sur les sabots de leurs jambes postérieures, dans cette pose conventionnelle, pleine
d’élan et d’allure, mais si peu naturelle, qui leur fut donnée par tous les artistes de
tous les peuples de l’antiquité. Quelquefois ils sont représentés, cependant, marchant
au pas, attelés à de légers chars de promenade, dans lesquels le propriétaire des champs
allait faire sa tournée d’inspection (®). Il semble, en effet, que le cheval n’ait pas été
communément employé dans les travaux agricoles et qu’il ait été réservé de préfé-
rence à l’armée, car il ne nous est parvenu qu’une seule représentation montrant
des chevaux attelés à une charrue ( 6 h Ils n’étaient que rarement représentes comme
bêtes de selle; les Égyptiens ne montaient pas à cheval, du moins à cette époque,
et les quelques représentations de cavaliers qu’on peut relever dans les bas-reliefs
égyptiens nous montrent, non pas des soldats égyptiens, mais des soldats de l’armée
ennemie ( 7 ). Ce n’est qu’à l’époque ptolémaïque que l’armée égyptienne eut une
cavalerie.
Sur les ostraca les scènes les plus nombreuses sont celles où les chevaux sont attelés
à des chars, dans la pose conventionnelle des grandes scènes de bataille, et conduits
par un aurige tenant à deux mains les guides et le fouet, ou encore dans une allure
tranquille de promenade, attelés à un char léger ne comportant ni porte-flèches, ni
f l ) Schâfer-Andrae, Die Kunst des alten Orients, p. 366; Carter-Mace, The Tomb of Tutankhamon, I,
pi. li à liii.
P) Schâfer-Andrae, op. cit., p. 376, 378.
P) Lefevre-Desnoüettes, L’attelage et le cheval de selle dans l’Antiquité, p. 44.
P) Wreszinski, Atlas, II, pl. 34, 1 16 ; Th. Davis, The tomb of Thoutmosis IV, p. 2 4, pl. X-XI.
P) Wreszinski, Atlas, I, pl. 189; Tylor, The tomb of Paheri, pl. 3.
P' Sciiafer , Prierstergrabe (Leipzig 1908), p. 168, fig. 8. Cette représentation date du régné d Ame-
nophis IV.
P) Petrie, Six temples al Thèbes, pl. VIII, 1 ; Cafart, ./. E. A., VII, 1921, pl. VI, p. 3a ; Wreszinski,
Atlas, II, 45 - 46 ; Lepsius, III, i 45 b, Edfou, IV, p. i 3 i.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
33
instruments belliqueux. Sur d’autres dessins les chevaux sont représentés seuls, dans
des poses différentes.
Sur ces ostraca on ne relève que peu de couleurs ; les chevaux et les personnages
sont peints invariablement en ocre-rouge. Le dessin et les détails sont tracés en noir.
Quelquefois le char est peint en jaune pour exprimer qu’il est en bois.
Le nom égyptien du cheval est : C’est le mot qui le désigne le
plus fréquemment dans les textes dès la XVIII e dynastie. Un .autre mot qui signale
plus particulièrement le cheval de guerre est : * V knw (2 ) .
Le terme : lür (qui a donné en copte le mot ; 2*ro) était appliqué avant le
Nouvel Empire aux attelages de bœufs. 11 désigne également ceux de chevaux, à partir
de cette époque. Le premier exemple de cette désignation se trouve sur la tablette
Carnarvon, et date, par conséquent de la XVII e dynastie
A cette série de dessins de chevaux que nous étudions en ce moment, appartient
un des plus beaux ostraca qui nous aient été conservés. Bien qu’il n’ait pas été trouvé
sur le chantier au cours des fouilles, on peut cependant affirmer qu’il provient de
Deir el-Medineh. Il y avait certainement dans ce village, à une certaine époque, un
ou deux artistes hors ligne dont la sûreté de main et la justesse d’observation ont
produit sur ces morceaux de calcaire de véritables œuvres d’art. Ce dessin de cheval,
la hyène poursuivie par des chiens, certaines têtes de rois de ce catalogue (2 568 ,
2670), sans oublier la magnifique ballerine du Musée de Turin, sont autant de petits
chefs-d’œuvre, pleins de vie et de grâce, dont la surprenante liberté d’exécution ne
se rencontre que rarement dans l’art égyptien.
Pour en revenir à ce cheval, on ne peut trop admirer la hardiesse de sa pose, la
sûreté de la ligne qui dessine la croupe et la merveilleuse courbe du cou. Il y a, dans le
mouvement de ce cheval se grattant le museau avec sa jambe de derrière, et dans l’ex-
pression de sa tête, une telle vérité et une telle justesse d’observation, qu’on ne songe
pas à reprocher au dessinateur son impuissance à camper l’animal sur ses jambes
antérieures. Celles-ci, en effet, projetées en avant, ne lui auraient pas permis de se
tenir en équilibre ( 4 h Ce dessin est néanmoins une des œuvres les plus extraordinaires
et les plus rares qui aient été trouvées jusqu’ici parmi les ostraca figurés. Il est probable,
même, que cette vérité d’expression et ce «modernisme» ont rarement été dépassés
dans la peinture égyptienne.
Bien que n’ayant pas le caractère et la hardiesse de cette peinture les autres dessins
de cette série sont très bien venus. On remarquera notamment, une petite scène,
W. B., IV, p. 277 ; Urkunden, IV, p. 9, 1 . 10, 36 ; id., p. ^ 3 .
I 2) Guide du Musée du Caire, 1916, p. 216, n° 987, 1 . 11 = Urkunden , III, pl. II.
(3) Gardiner, Journ. of Eg. arch III (1916), p. 96 et seq.
Les jambes antérieures devraient reposer verticalement sur le sol, pour assurer au corps un appui
solide, comme on peut le voir sur le charmant dessin d’un petit Yeau dont le mouvement a de grandes
analogies avec celui du cheval et qui se trouve dans la tombe de Kenamon (Bull, of the Metr. Mus. of
Art [New York], Eg. Exp., 1916-1917, p. 22, fig. Bi) ; cf. aussi Meir, IV, pl. XIV (VI e Dyn.)
Documents de fouilles, t. II, 3.
5
34
J. VANDIER D’ABBADIE.
non seulement très bien conservée mais aussi très joliment observée et très bien
équilibrée (21 58 ). Un homme au crâne chauve, monté dans un de ces légers
chars de promenade dans lesquels les riches propriétaires allaient faire la tournée
d’inspection de leurs domaines W, tient dans sa main droite un fouet et, dans
la gauche, les guides. Le char est tiré par deux chevaux : l’absence de sangles et
de collier n’est peut-être qu’un oubli du dessinateur qui, en revanche, à fort bien
indiqué le mors et le caparaçon. Les lignes qui dessinent les contours des deux
chevaux sont si rapprochées qu’on pourrait croire à première vue qu’il 11’y en
a qu’un.
Un autre ostracon d’un assez bon dessin également est particulièrement intéressant
par Son sujet (2 1 5 g). Il représente un personnage, monté en amazone sur un cheval
lancé au galop dans le désert . Nous avons déjà
dit que les Égyptiens ne se servaient pas des
chevaux comme bêtes de selle et que les repré-
sentations connues de cavaliers figurent géné-
ralement des étrangers. On est donc tout
naturellement amené à trouver dans cette
petite peinture une influence étrangère et
c’est pourquoi on a cru pouvoir identifier ce
cavalier à la divinité syrienne Astarté, déesse
de la guerre. Cette identification a été faite
par Davies à propos d’un ostracon sem-
blable, qui lui appartient. Un autre dessin
de l’ancienne collection Wreszinski, maintenant conservé au Musée de Berlin ( 3 >,
est le troisième ostracon reproduisant cette scène L’identification de ces figures
à celle de la déesse Astarté est d’ailleurs confirmée par une représentation sem-
blable gravée sur un rocher près du temple de Rédésieh dans le désert à l’Est
d’Edfou. C’èst une stèle taillée à même le roc. Au registre supérieur, Séti I er fait
une offrande de vin à plusieurs dieux; au registre inférieur, la déesse étrangère est
représentée galopant sur un cheval, brandissant une lance et un bouclier. Au-dessus
d’elle est inscrit son nom dans sa transcription hiéroglyphique : 2Z.0" 1 th (%• 1 5 ) (5) -
La ressemblance entre cette figure et celle des ostraca que nous venons de citer est,
malgré quelques différences dans la pose, absolument formelle, c’est pourquoi l’im
scription de Rédésieh permet d’identifier avec certitude le personnage de notre
Wreszinski, Atlas , I, 2 4 o.
w J . E. A*, 1917, p- 2 34 .
ï*) Schafer-Andrae, Die Kunst des alten Orients, p. 38 1.
< 4 ) Un quatrième dessin de ce sujet figure sur un ostracon de Turin, si mes souvenirs sur l’examen
rapide d’un morceau très effacé sont exacts. Cf. aussi Keimer, Études d' Égyptologie , fasc. III, pl. III.
Golénischeff, Rec. Trav XIII, p. 78; Gunn-Gardiner , J. E. A., 1917, p. s 5 i ; S. A. B. Mercer,
Egyptian Religion, vol. III, n. 4 , oct. 1935; Astarté in Egypt, p. 196, fig. 1.
35
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
esquisse W. Astarté porte, ici, comme sur l 'ostracon de Davies, une tunique courte et
lient dans une de ses mains une arme, très effacée, mais qui doit être une lance. Elle
ne porte ni casque, ni bouclier et elle monte, non pas à califourchon ainsi que nous
l’avons déjà fait remarquer, mais en amazone, ce qui semble être une mode syrienne.
On a retrouvé, en effet, sur les graffiti du Sinaï, datant de la XII e dynastie, des repré-
sentations d’Asiatiques montés en amazones sur des ânes ( 2 ). Nous avons vu combien
sont rares les représentations de cavaliers dans l’art égyptien classique; ceux qu’on
peut signaler figurent toujours' des Asiatiques. Ils sont particulièrement nombreux à
cette époque de grandes conquêtes. Ces expéditions favorisèrent entre la Syrie et
1 Égypte des échanges aussi bien commerciaux qu’artistiques et religieux. Les Égyp-
tiens admirent, à ce moment, dans leur panthéon certaines divinités, dont les étrangers
avaient importé le culte aux bords du Nil. Il n’y a rien d’étonnant, par conséquent,
à voir figurer sur les monuments ainsi que sur ces ostraca, cette déesse guerrière
venue d’Asie. Sur cette représentation d’Astarté, on remarquera que le cheval n’a
ni mors ni guides ; on voit seulement autour de son cou quatre lignes simulant sans
douté un collier. L’animal est dessiné dans cette pose conventionnelle et allongée
qui représente les chevaux au galop et que nous avons déjà signalée plus haut. L’allure,
d’ailleurs, est pleine de mouvement et la silhouette générale est assez élégante.
Cependant le dessin du cheval n’est pas très bon, la tête est trop petite et gauchement
indiquée, tandis que les jambes sont d’un dessin lourd et mou. L’animal bondit
au-dessus d’une ligne sinueuse qui figure le désert. Malgré quelques détails un peu
imparfaits, cet ostracon reste un des plus charmants de cette série. On ne saurait
montrer autant d’indulgence pour un fragment (2161) d’un dessin lourd et raide.
La crinière des chevaux est indiquée d’une façon mécanique; on cherche en vain
le tracé plein d’aisance et de hardiesse qui caractérise le dessin égyptien même lorsqu’il
est l’œuvre d’un débutant. Le geste de l’homme qui marche devant les chevaux est
sans franchise et peu courant dans l’art égyptien. En revanche, le harnachement est
très exact et bien observé, les chevaux sont complètement équipés, une sangle passée
sous le ventre et le collier est retenue sur le dos par une sorte de sellette ornementale.
Sur la tête est fixée une pièce de métal, tandis que les courroies sont attachées à un
{1 ' En plus de la stèle bien connue du Musée de Turin où la déesse est figurée à cheval dans la même
pose qu à Rédesieh (Mercer, Egyptian Religion, III, n° 4 [oct. 1935], Astarté in Egypt, p. 197, fig. 2), il
faut citer aussi deux intéressantes stèles représentant une adoration à Astarté. Sur la première, la déesse
est figurée dans le registre supérieur. Elle est nue et casquée, montée sur un cheval; elle brandit une
lance dans sa main droite. Cette silhouette offre de telles ressemblances avec celle de notre ostracon qu’il
est impossible de ne pas en être frappé. Cette stèle date certainement, elle aussi, de la XIX e dynastie
(Quibell, The Ramesseum , pl. XXVII, 6). Enfin le second document est un fragment de stèle montrant la
figure de Thoutmosis IV en adoration devant une déesse à cheval qu’on suppose être Astarté. Il ne reste de
ce personnage que les mains tenant une lance et un bouclier. La tête du cheval subsiste également sur ce
fragment (Petrie, Six temples at Thebes, pl. VIII, 1).
(î) Cerny, Archiv Orienta ni, VII, 1 9 3 5 , p. 384 .
5 .
36
J. VANDIER D’ABBADIE.
muselon M. Il n’y a pas d’indication de mors. Malgré ces détails assez précis et justes,
on ne peut s’empêcher d’avoir des doutes sur l’authenticité de cette pièce «. On y
remarquera, d’abord, certaines lignes tracées par petits tronçons comme a l aide d un
poncif ce qui n’était nullement une méthode de travail égyptienne; ensuite on com-
prend mal pourquoi les chevaux attelés à un char, conduit par un aurige, sont précédés
d’un guide qui tient une corde et qui n’est pas sur le même plan que l’attelage.
De 1 aurige il ne reste que la main, qui tient les guides et dirige les chevaux, mais
cette main se trouve si près de la tête des chevaux que si on veut reconstituer la partie
manquante on s’aperçoit que le bras de cet aurige serait d’une longueur démesurée.
Ce sont tous ces détails qui rendent ce dessin extrêmement douteux.
Il nous reste à mentionner quelques documents malheureusement fragmentaires
ou très effacés. L’un d’eux, qui est très élégant (2162), est cependant 1 œuvre d un
débutant si on en juge par la disproportion des jambes des chevaux. Devant l’attelage
une chèvre broute une plante. Sur d’autres petits fragments, on remarquera (2178)
la croupe d’un cheval qui rue et deux autres animaux dans une pose élégante (2 1 65 -
2166). Mais un de ces morceaux est d’une qualité si exceptionnelle qu’il merde
qu’on s’y arrête un peu plus longuement (2167) : c’est une plaque de calcaire
soigneusement nivellée et décorée des deux côtés. La finesse et l’élégance du dessin
rendent plus regrettable encore le morcellement de cet ostracon. Un petit chien noir
court entre les pieds des chevaux dans le sens inverse de leur marche. Les jambes
des animaux sont étendues dans le mouvement de galop. Au verso est un très beau
fragment de palmier doum. Il est évident que l’auteur de ce double ostracon était un
maître très sûr de son metier. ^
Une autre scène un peu différente des précédentes (2 1 78) a peut-être trait au soin
donné aux animaux, comme on l’a déjà vu à propos des bœufs; elle représente un
cheval mangeant dans une grande corbeille posée sur une sellette Enfin, un dessin
(2190) de cette série est le seul exemple d’âne qui nous soit parvenu sur ostracon.
On se serait attendu à rencontrer parmi ces dessins sur calcaire, un beaucoup plus
grand nombre de figurations d’ânes; cet animal était et est encore si répandu en
Égypte, où son utilité est si grande, que les artistes égyptiens ont eu maintes fois
l’occasion de le représenter. Les exemples en sont si connus et si nombreux qu il
semble inutile de les rappeler ici. On ne peut que s’étonner de l’absence, dans ces
scènes familières, de la silhouette populaire des ânes.
Nous avons déjà signalé qu’il était assez facile de trouver dans l’art égyptien, parmi
les scènes belliqueuses des temples ou celles plus pacifiques des tombes, des sujets
qui rappelent beaucoup ceux de nos documents ; on pense surtout à certains modèles
d’attelage et à certains groupes dans lesquels se retrouvent les mêmes igures
(1) Lefeyre-Desnouettes, L’attelage et le cheval de selle à travers les âges, p. U.
W Ce doute est d’autant plus légitime que cet ostracon a été acheté chez un antiquaire et non trouve
sur un champ de fouilles.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 37
stéréotypées de chevaux. On peut également faire la même comparaison avec certaines
stèles où le mort lui-même est figuré conduisant son char 6) ou avec des scènes peintes
sur dès objets, comme sur le coffret de Toutankhamon. Quelques poteries ont été
retrouvées, qui sont ornées de chevaux marchant ou galopant. Ces exemples, qui
d’ailleurs sont assez rares, proviennent en partie de Deir el-Medineh ( 1 2 ).
On sait que ce site a donné une ample moisson de poteries de toutes sortes. Les
chevaux peints sur ces poteries sont moins conventionnels que ceux qui sont
Fig. 16.
représentés sur les monuments, et sont plus apparentés, comme style, à ceux des
ostraca figurés.
Il faut signaler également comme représentations de chevaux, comparables à celles
de ce catalogue, un très beau dessin sur calcaire conservé au Metropolitan Muséum
de New York et trouvé dans une tombe de Thèbes (fig. 16) ( 3 >. Il représente un cheval
qui penche la tête vers sa jambe antérieure gauche. La forme est élégante, quoique
les jambes soient peut-être un peu longues. Mais le mouvement parfaitement juste
<') Lacaü, Stèles du Nouvel Empire ( Cat . Gén. du Mus. du Caire), pl. XXI et pl. LXVI.
m Nagel, B. 1 . F. A. O., XXX ( Mélanges Loret), i r ‘ partie (ig 3 i),-p. 1 8 5 ; Schâfer-Andrae, Die Kunst
des Alten Orients , pl. XIX.
(3) Bull. of the Metn Mus. of Art (New York), Eg. Exp v 1922-1923, p. 23 , fig. 16. Capart, L'Art
égyptien, Choix de Documents III, Les Arts graphiques, pl. 58 1.
y
6
38
J. VANDIER D’ABBADIE.
et bien observé n’a rien de conventionnel. Il est visible que l’artiste a reproduit
ici un mouvement vu sur nature, comme pour l’admirable dessin de notre collection.
D’autres collections possèdent aussi des ostraca représentant des chevaux; on peut
en citer de très jolis exemples à Bruxelles, à Hanovre, à l’University College de Londres,
entre autres, qui proviennent tous, soit de Deir el-Medineh, soit de la région envi-
ronnante, et peuvent être datés de la même époque.
F. — Nous avons remarqué, dans les séries d’ostraca que nous venons de décrire,
que des figures d’animaux isolés ne se rencontraient qu’à titre exceptionnel. Dans
presque tous les cas, des personnages humains avaient leur place dans les groupes.
Il s’agissait donc de scènes composées. Nous allons étudier maintenant une série
de dessins reproduisant des figures isolées dont un grand nombre donnent l’impres-
sion d’être des croquis d’après nature. On verra des études de mouvements, des
attitudes d’animaux retracées avec cette précision, cette justesse d’observation qui
caractérisent les dessins d’animaux dans tout l’art égyptien. Il n’y a pas eu de peuple
dans l’antiquité qui ait su, mieux que les Égyptiens, traduire d’une façon aussi
synthétique et décorative, mais en même temps aussi vivante et réaliste, les figures
d’animaux dans le caractère qui leur est propre et dans leurs différentes attitudes.
Ce peuple devenu sédentaire grâce à la merveilleuse fertilité de cette Vallée s’adonnait,
avant tout, à la culture et à l’ élevage. "Les hommes vivant en contact permanent avec
leurs animaux avaient tout loisir de les observer et de détailler leurs caractères, ce qui
explique la facilité, pour les artistes particulièrement doués qu’ils étaient, de devenir
des maîtres animaliers.
Le seul ostracon de cette série qui soit décoré d’une scène composée est fort inté-
ressant par la rareté de son sujet et par la façon dont il est traité (2 1 92). Il représente
un magnifique acacia « Sont», que des chèvres broutent, tandis que le berger, de l’autre
côté de l’arbre, coupe avec sa faucille les branches que ses animaux ne peuvent
atteindre. L’acacia est remarquablement dessiné, avec son tronc large et ses longues
branches sinueuses d’où tombent le feuillage léger et les fruits en forme de gousses
qui le caractérisent, les chèvres sont tracées d’une façon rapide, mais sure et l’une
d’elles, qui se dresse sur ses pattes postérieures pour atteindre les plus hautes bran-
ches, a malgré sa taille disproportionnée un mouvement très juste et bien observé.
A la droite de l’arbre, le chevrier tient une sorte de bâton assez long, au bout duquel
était emmanchée une lame courbe en métal, permettant de couper les branches élevées
des arbres et des arbustes W. C’est le bâton : | , 'wt, que nous avons déjà vu entre les
mains des bouviers ^ et qui est souvent employé comme signe-mot pour désigner
les chèvres, les moutons ou les troupeaux de petit bétail ( 3 L II était donc, par excellence,
s
Hartmann, L’Agriculture dans V Ancienne Égypte, p. 83 , fig. i 3 , 8 a.
(J) Cf. infra, p. ai.
(3) Newberry , Beni-Hasan, II, pi. XXX ; Davies, Deir el-Gebrawi, I, pi. XXIV, XXV ; Urkunden, IV, 1 1 2 A.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
39
l’attribut des bergers. On a remarqué qu aujourd’hui encore, certaines tribus no-
mades d Egypte, les Ababda et les Bisharîn, emploient ce même long crochet pour
abaisser les branches hautes des acacias ou d’autres arbres afin de permettre à leurs
chèvres ou à leurs moutons de brouter les feuilles W.
L’acacia représenté ici avec tant de précision et d’exactitude est un arbre originaire
d Egypte et d Asie, dont plusieurs espèces croissaient et croissent encore dans la
Vallee du Nil. Les deux variétés les plus connues sontTacacia Seyal et l’acacia Nibtica.
Ce dernier a le tronc trapu, les branches sinueuses et le feuillage pinné. Au prin-
temps, l’acacia donne des fruits en forme de petites grappes ( 2 ). Le dessin de cet os-
tracon reproduit donc avec exactitude un acacia Nilotica ou Sont . Le nom égyptien de
I acacia est : X } , snd, mot qui se retrouve en copte sous la forme ujant, ou ci^ONTe.
On reconnaît d’ailleurs que le même nïot s’est conservé dans l’arabe moderne pour
désigner cet arbre.
Les Égyptiens faisaient grand usage de l’acacia, ils se servaient de son bois en
ebenistene pour faire des coffrets, des meubles et des statuettes et surtout les bateaux.
La résiné était employée en qualité de gomme, mélangée à l’eau et aux couleurs pour
rendre celles-ci adhérentes W. Enfin, en plus de la gomme arabique, on extrayait de
l’acacia certaines huiles qui servaient en médecine, ainsi que le mentionnent quelques
papyrus médicaux (*).
Les chèvres, qui jouent ici un rôle important, étaient très répandues en Égypte
dès les plus anciens temps, puisqu’on en voit des représentations dès l’époque
prédynastique W.
Les Égyptiens élevaient plusieurs espèces de chèvres, dont beaucoup de momies
ont été retrouvées, particulièrement à Saqqarah. Les trois espèces principales qui
vivaient alors en Égypte, étaient : la chèvre au nez busqué (Hircus thebaicus ) («), qui a
» ^ es ore ^ es longues et/ tombantes et les cornes très courtes et souvent même absentes ;
la chèvre mambrine (Hircus mambrinus ) W, dont les cornes longues et contournées
chez le bouc sont courbes chez la chevre, avec les pointes légèrement relevées en
avant; les oreilles sont également longues et pendantes. Enfin, la troisième espèce
est celle des chèvres naines (. Hircus reversas) M, dont les cornes sont très courtes, les
oreilles petites et pointues et le menton orné d’une barbiche.
Ces descriptions, on doit le reconnaître, ne facilitent pas beaucoup l’identification
(,) Newberry, J. E. A., XV, 1929, p.. 84 .
m Keimer, Bull, de la Société royale de Géographie, t. XVIII, pi. II, fig. a .
m Lucas, Ancient Egyptian materials and industries, 2 e éd., p. 294.
W V - Loret > Recueil de Travaux, II, p. 64; Pline, Histoire Naturelle, XIII, 19 ( 9 ).
(5) J. de Morgan, Recherches sur les origines de l’Égypte, t. II (1897), p. 2 64 , pi. III.
<*> C. Gaillard et Daressy, La faune momifiée de l’Antique Égypte, p. fo4 et Bbehm, La vie des animaux
illustrée , p. 5 99.
(7) C. Gaillard, Les Tâtonnements des Égyptiens..., p. 4 ; Breiim, op. cit., p. 592.
(,) C. Gaillard et Daressy, La faune momifiée de l’Antique Égypte, p. 102; Brehm, op. cit,, p. 599.
$
6 .
60
J. VANDIER D’ABBADIE.
des chèvres qui sont dessinées autour de notre acacia. Elles ont en effet, toutes les
particularités des chèvres mambrines mais elles ont les oreilles bien dressées. Leur
taille et la longueur de leurs cornes nous empêchent cependant de les identifier à
des chèvres naines. On peut donc supposer qu’il s’agit ici d’une espèce provenant
de croisements, ou encore que l’artiste dessinant de mémoire a négligé l’exactitude
des détails ou les a confondus. Je crois cependant que là première hypothèse est plus
vraisemblable, car dans plusieurs représentations, les chèvres sont ainsi figurées avec
les oreilles pointues et bien dressées (h.
En égyptien ancien, plusieurs mots désignaient les chèvres. Sous l’Ancien Empire,
par exemple, dans la tombe de Mera, on trouve le mot : + (2) généralement employé
pour désigner les bœufs. Un autre mot : ^ “ % , particulier au vocabulaire de l’Ancien
Empire < 3 ), et de la Première Période Intermédiaire, ne se retrouve pas sous le Nouvel
Empire. Le mot : est à toutes les époques le plus fréquemment
employé pour désigner les chèvres, ainsi que le mot : j* ^ qui signifie plutôt :
«petit troupeau» ( 5) . Enfin, un autre nom qu’on trouve dans un papyrus médical :
( 6 ), désigne également les chèvres.
Cette petite composition, unique jusqu’à maintenant dans nos documents, n’est
cependant pas un sujet exceptionnel dans l’art égyptien. Ce thème était déjà en faveur
sous l’Ancien Empire. Dans une tombe de Zauiet el-Meïtin < 7 ), on peut voir des chèvres
à l’assaut d’un arbre, qu’un homme armé d’une hache s’apprête à abattre. C’est
le même sujet traité avec la symétrie et le style très pur, propres à l’art de l’Ancien
Empire. A l’époque qui nous occupe, c’est-à-dire à la XIX e dynastie, contemporaine
de ces ostraca, on remarque dans plusieurs tombes, des scènes semblables W, et entre
autres une fresque d’une chapelle bien connue de Deir el-Medineh W, qui présente
avec notre ostracon des analogies frappantes. Elle réunit également autour d’un acacia
des chèvres qui broutent les branches sous le surveillance d’un berger. Comme ici,
les chèvres, dont quelques-unes se dressent pour atteindre les basses branches de
l’arbre, ont des cornes longues et des oreilles bien droites; l’arbre, qui ressemble
beaucoup au nôtre, est couvert de longues gousses noires. C’est probablement cette
scène de la chapelle du scribe Ipouy, qui a inspiré la petite composition de notre
ostracon (fig. 17). Ces chapelles de tombes étaient ouvertes au public, et je suppose
Lepsius , Denkmâkr, II, pl. 111 ; Bruyère , Deir el-Medineh, 1 g 2 4 -i 9 2 5 , [). 35 , fig. 2 3 Wreszinski,
Atlas, I, 363 .
« W. B., I, 3 a 6 .
< 3 > W. B., I, 279.
W W. B., I, 2o5.
( 5 i Urkanden, IV, 11, 2 A; Newherry, Beni-Hasan , II, pl. XXX; Deir el-Gebrawi, I, pl. XXIV et XXV.
(•> Papyrus Ebers, 63 , 16; Paton, Animais II, E. 176.
(’) Leï»sius, Dënkmâler, II, pl. 111 b; Variiie, La tombe de Ni-Ankh-Pepi ( Mém . de VI. F. A. O.), pl. XVI
et p. i 5 = Lepsius, Denkmàler, II, 108.
< 8 > Wreszinski, Atlas, I, i28-i3o.
Davies, Two Ramesside Tombs, pl. XXX.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
41
que les jeunes dessinateurs s’exerçaient à reproduire de mémoire les scènes qu’ils
avaient remarquées ainsi, soit dans les chapelles, soit au cours de leurs promenades
dans les champs où ils pouvaient si souvent observer sur le vif les gestes des animaux.
Ce charmant sujet a été exploité aussi par les décorateurs pour orner certains objets.
C’est ainsi qu’on peut le relever à l’intérieur de coupes en terre cuite W, ainsi que
sur des coffrets funéraires en bois stuqué ^ (fig. 18). Mais il semble que rares
soient les décorations qui aient atteint la qualité de notre ostracon qui, par la vérité
des détails et la spontanéité du dessin, mérite
une place de choix parmi les pièces les plus
originales et les plus intéressantes de cette
collection.
Comme nous l’avons déjà dit les autres
dessins de cette série figurent un animal dans
une pose familière, mais seul et sans essai de
composition. C’est ainsi qu’on peut voir sur
deux ostraca (2190-2191) un moufllon à
manchettes ( Ammotragus tragelaphus ) dont
les cornes puissantes s’enroulent en s’écartant
d’abord l’une de l’autre, puis se rapprochent
d’ovidé sont extrêmement longs snr les pattes
et sur le poitrail. Ce moufllon souvent repré-
senté dès l’Ancien et le Moyen Empires ("b
était appelé : | J J (5) - ’ Fig. i 7 .
Un très joli exemple d’ibex ( Ibex Nubiana,
Cuvier), ou bouquetin Beden W, est également figuré sur un morceau de calcaire
(2193). Il est couché, les pattes repliées sous son corps. Ses longues cornes
recourbées ont des nodosités transversales notées avec soin. Les Égyptiens avaient,
dès l’Ancien Empire, tenté d’apprivoiser l’ibex dont la chair était, comme elle l’est
encore aujourd’hui, très appréciée. Oh peut en relever de nombreuses représentations
dans les mastabas de Saqqarah et dans les tombes de la Moyenne Égypte et de la
région thébaine C 7 ) où il figure dans des scènes de chasses. Ce bouquetin, dont le
(I) Bruyère, Deir el-Medineh , 1925, t, III, p. 35 , fig. 23 .
(a) Càpart, Documents, I, pl. 78 et Propos sur P Art égyptien, p. 122, fig. 85 .
(3) C. Gaillard et Daressy, La faune' momifiée de V Antique Égypte.
(4) Newberky, Beni-Hasan, II, pl. XIII; R. Hartmann, p. 2/1. A. Z. (1-8 64 ), p. 23 .
« W. B., I, p. 61.
Brehm , La vie des animaux illustrée , p. 584 ; G. Gaillard, Les tâtonnements des Égyptiens. . .,
p. 10.
(7) Wreszinski, Atlas, III, pl. 51-90; Newberry, Beni-Hasan, I, pl. XXX; II, pl. XIV, XXXVI, 1 ;
Wilkinson, Manners and customs..., II, p. 92, fig. 357; Wreszinski, Atlas, III, 109.
à leur extrémité. Les poils de cette espèce
42
J. VAND1ER D’ABBADIE.
nom égyptien était rs se trouve encore en Égypte, Schweinfurth ie signalait dans
les montagnes de l’est de Farchout. D’après Anderson, il habite également au Liban,
en Palestine, au S inaï et en Égypte entre le Nil et la mer Rouge ainsi qu’en Nubie.
Fig. 18 (cliché retourné afin de présenter les décorations d’une façon lisible).
Deux morceaux fragmentaires (2194-2195) représentent probablement des ga-
zelles. L’un d’eux figure l’arrière-train d’un animal à pelage tacheté de noir et de
brun. Sa queue courte ne peut être celle de l’addax, ni de l’oryx, mais seulement
celle d’un antilopidé; c’est peut-être une gazelle Dorcas. En Égypte, la gazelle était
aussi répandue que l’ibex; elle était désignée par le mot : •!P W - Il existait deux
0) W. B II, 202. — m W. B., V, 191 ; Paton, Animais, E 17 a , p. 11.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
43
espèces de gazelles : la gazelle Dorcas, figurée surtout sur les monuments d 'Ancien
Empire en Basse Égypte, et la gazelle Isabelle plus répandue en Haute Égypte. Elle
était un peu plus grande que la précédente et ses cornes sont fortement recourbées
en arrière (*>, tandis que les cornes de la gazelle Dorcas ont les pointes légèrement
redressées en avant. De nombreuses momies de gazelles ont été retrouvées au sud-est
d’Esneh en Moyenne Égypte W.
Les Égyptiens ont aimé à toutes les époques reproduire la silhouette gracieuse
de la gazelle. Le Nouvel Empire qui nous intéresse plus directement nous a laissé
dans de nombreuses scènes de chasses maintes figures de gazelles. Nous signalerons
tout spécialement la paroi d’une tombe inachevée de Gournah (fig. 19) sur laquelle
une scène ébauchée montre des jeunes chevreaux et des antilopes, les uns couchés,
les au t ne s courant ; la liberté du dessin et la justesse des traits rappellent beaucoup
les meilleurs de nos croquis sur ostraca. Cette peinture inachevée est particulièrement
intéressante parce qu’elle est due sans doute à ces mêmes artistes qui dessinaient
sur ostraca. M. Capart qui a publié cette scène la compare à une silhouette de gazelle
couchée datant de l’Ancien Empire et dont la pose est exactement semblable à celle
de la gazelle de l’esquisse inachevée. Il se demande même si les artistes ne se servaient
pas d’une sorte de « manuel de dessin» qu’ils se transmettaient d’âge en âge (3) . Cette
question mériterait d’être approfondie; en tous les cas ce ne sont pas les ostraca
Gaillard, op . ci/., p. 8.
W Lortet- Gaillard, La faune momifiée de V ancienne Égypte , i re série, p. 82, fig. 4 2 à 45 .
Capart, Documents pour servir . . . , I, pl. 19 b et p. 48 .
J. VANDIER D’ABBADIE.
kh
figurés qui, avec leur liberté, leur spontanéité et leurs imperfections ont pu servir
de «modèles».
Pour en revenir aux gazelles, on se doit de rappeler que les Égyptiens donnaient
volontiers la forme de ce charmant animal à certains de leurs plus jolis objets de
toilette; on pense surtout aux cuillers à fards sculptées en forme de gazelles couchées
ou d’oryx dont le corps évidé sert de cupule (fi ; le corps d’une gazelle décorait l’accou-
doir ajouré d’un fauteuil, d’autres objets encore, des vases, des harpes étaient ornés
de têtes de gazelles ( 1 2 3 4 5 L Les Égyptiens avaient su tirer parti des formes élégantes de ce
gracieux animal, non seulement en le reproduisant dans
les fresques mais encore sur de nombreux objets usuels.
G. — Tandis que les chèvres, les gazelles et les
ibex se trouvent représentés à toutes les époques de
l’art égyptien, les chats, en revanche, ne semblent pas
avoir été figurés sous l’Ancien Empire. Les premières
représentations de cet animal datent de la XII e dynastie
et se trouvent dans les tombes de Béni Hasan (fi ; il joue
plus tard un grand rôle religieux comme animal consacré
à Bastet, la célèbre déesse de Bubastis qui était elle-même
représentée comme une femme à tête de chat : son sanctuaire contenait une grande
quantité de statuettes de chat en bronze, en bois ou en pierres, déposées comme ex-
voto (fi. Ailleurs on a retrouvé des chats momifiés, ce qui indique la vénération dont la
population les entourait. D’autre part, certaines illustrations de scènes mythologiques
nous montrent le chat assimilé au dieu Rë' lui-même. C’est ainsi qu’un chapitre du
Livre des Morts commémore la lutte du chat (Rë') contre le serpent des ténèbres
(Apophis), dont il coupe la tête avec un couteau. Cette scène, qui est reproduite sur de
nombreuses vignettes de papyrus funéraires (fi, figure également dans certaines tombes
du Nouvel Empire (fi. Mais ce n’est pas seulement dans des scènes religieuses ou
mythologiques que les artistes égyptiens se sont plu à dessiner des chats : dans plu-
sieurs tombes thébaines, entre autres à Deir el-Medineh, le chat est représenté comme
un familier de la maison, attaché sous le fauteuil de son maître (fig. 20) (fi ou encore
caché dans les fourrés de papyrus où il chasse les oisillons réfugiés dans leurs nids.
(1) M. Fredericq, J. E. A., XIII (1927), p. i 3 , pl. IX.
(2) Le rôle de la gazelle dans les arts mineurs ne doit pas faire oublier le caractère sethien dont elle est
constamment marquée dans la mythologie.
(3) Newberry, Beni-Hasatiy I, pl. XXXIV ; II, pl. VI ; IV, pl. V. Cependant un nom de femme : Myt « la
chatte» est à signaler dès la XI e dyn. (Mentouhotep III), cf. Ranke, Die Personnennamen , p. i 45 .
(4) C. Boreux, Catalogue du Louvre 9 p. 3 g 5 ; Maspero, Guide du Musée du Caire , 4 e éd., 1916, p. 464 .
(5) Naville, Todtenbuchy I, chap. 17 pl. XXX; Hartmann, A. Z., II (i 864 ), p. u.
^ Davies, The Work of the Tytus Mem. Fund . ( Metr . Mus. Bull. y 1920-21, p. 28, fig. 11).
V. Scheil. Mém. Miss, au Cairey V, p. 552 ; Davies, Two Ramessi des Tombs, pl. XXVI a.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 45
Le chat qui était répandu dans l’Égypte entière était originaire de la Libye et des
pays du sud de 1 Égypte ; les Égyptiens en élevaient deux espèces un peu différentes :
le chat domestique, semblable a celui de nos pays et le chat ganté, un peu plus
fort que le précédent et possédant une queue très longue et un front bombé.
Son pelage gris cendré est strié de jaune et de noir sur le dos, sa queue est
ornée à son extrémité de deux an-
neaux et d’une tache noirs (fi. Des
individus de cette espèce vivent en-
core à l’état sauvage dans le Fayoum
et aux bords de la mer Rouge. La
célèbre figure de la tombe de Nakht
donne une excellente image d’un ani-
mal semblable dont beaucoup de mo-
mies ont été retrouvées à Stabel Antar
(Béni Hasan), à Saqqarah et à Thèbes.
Le nom ancien du chat : | ^ T ’
miw (en copte : eMoy)( 2 ), était cer-
tainement une onomatopée.
Un de nos ostraca (2201) repré-
sente un chat dont la tête est vue de
face ; il acquiert, par là même une
certaine valeur d’originalité. On sait,
en effet, que les Égyptiens avaient
1 habitude de dessiner de profil les visages humains ainsi que les têtes d’animaux.
Cependant cet ostracon ne constitue pas un cas unique. On connaît dans les
tombes égyptiennes d’autres figures de chats, vues de face; l’une d’elles dans la
tombe d’Ipouy (fi montre l’animal assis, tournant la tête vers le spectateur (fig. 21).
Visiblement l’artiste a été gêné par le nouveau de son entreprise : son dessin est
raide, linéaire, sans vie et la face ressemble à peine à celle d’un chat. Bien supérieure
est la petite figure de chat assis sous le fauteuil de son maître dans une autre chapelle
funéraire de Deir el-Medineh (fig. 20) (fi. Enfin dans la tombe de Neferrenpet (fi, un
chat, dont la tête est également vue de face, ronge un os (fig. 22). Cette fois-ci, le
dessin est plus souple et plus naturel. Dans le croquis sur calcaire, l’artiste, quoique un
peu gêné pour dessiner la tête de face, s’est tiré honorablement de cette difficulté.
t * Brehm, La vie des animaux illustrée } p. 282 ; Lortet et Gaillard, La faune momifiée de V Ancienne Égypte ,
p. 23 .
(2) W. B. y II, 42 ; Newberry, Beni-Hasany II, pl. VI; Paton, Animalsy p. 33 .
(3) Davies, Two Ramessides Tombs , pl. XXVI.
Bruyère, Deir el-Medinehy 1929, p. 72.
N. de Garris Davies, Aneient Egypüan paintingSy vol. Il, pl. XCV,
46
J. VANDIER D’ABBADIE.
Il semble que ce ne soit qu’après coup qu’il ait dessiné le mulot; le chat est censé
tenir ce petit animal entre ses mâchoires, mais son corps est visiblement esquissé
par-dessus le dessin de la tête du chat. Malgré ces menus détails, toute cette esquisse
est assez naturelle et vivante et la pose du mulot, avec ses pattes et sa tête pendantes,
est très expressive. Des accents de couleur rouge dans les yeux du chat et sur le corps
du mulot, sans doute pour simuler le sang, donnent à ce dessin une note naturaliste
assez originale.
Le rat qu’on voit ici doit appartenir à la même espèce que celui qui, à Beni-Hasan,
est désigné sous le nom : c’est-à-dire, une des deux espèces de rats
retrouvées en Égypte, le mus rattus ou le mus tectorum qui fréquentait plutôt la
campagne (2 L
Une petite composition moins originale que la précédente (2 202)r évoque une scène
du papyrus funéraire dont nous avons parlé plus haut et dans laquelle Rë c sous les
traits d’un chat, armé d’un grand couteau, tue le serpent Apophis. Cette scène se
passe sous le Perséa sacré ; or sur notre ostracon on peut voir un Perséa sous lequel
se tient le chat, dans l’attitude traditionnelle illustrée par les nombreuses vignettes
du chapitre XVII du Livre des Morts. Cependant, on ne voit devant le chat, au lieu du
serpent, qu’un petit oisillon. Ce fragment est à rapprocher de l’ostracon du Musée
de Berlin ( 3) , sur lequel un chat est figuré devant une sellette surmontée d’offrandes :
une aiguière, des fleurs, des objets oblongs qui sont peut-être des œufs, et un petit
oisillon qui se dresse devant le nez du chat, d’une façon belliqueuse. Notre fragment
semble appartenir à une scène semblable. Sur un autre document (2 20 3 ), un chat
dressé sur ses pattes postérieures, tient un bâton avec une de ses pattes antérieures.
Devant lui, se trouvent plusieurs oisillons et peut-être même un oiseau dont on ne
voit sur notre éclat qu’un fragment d’aile. Il est possible que ce morceau soit un essai
de dessin satirique. Il rappelle, en effet, les scènes satiriques (série M) dans lesquelles
(l) Newberry, Beni-Hasan y II, pl. VI.
(5) Anderson, Mammalia. p. 274.
(S] Schafer, Aegyptische Zeichnnngen . . p. 3 o* fig. 8.
OSTRAGA FIGURÉS DE DEIR EL-MED1NEH.
hl
un chat représenté debout sur ses pattes postérieures joue au berger en poussant
devant lui un troupeau d’oies. Quoiqu’ici la pose soit un peu différente, il y a cepen-
dant une certaine analogie entre cette scène et les compositions satiriques.
On voit donc que les chats au Nouvel Empire étaient souvent représentés aussi bien
dans les scènes religieuses et satiriques que dans les scènes familières, mais c’est sur-
tout dans les tombes thébaines qu’il est figuré comme un animal familier. Soit qu’on
le trouve sous le fauteuil de son maître, occupé à ronger un os W ou à déchiqueter un
poisson ou encore à jouer avec une oie ( 2 ). Les Égyptiens avaient trouvé pour le chat,
comme pour tous les animaux qu’ils dessinaient, la synthèse expressive et le caractère
saillant de leurs modèles.
H. — C est peut-etre dans certaines scenes de chasse retracées sur des ostraca
qu’on se rend le mieux compte des remarquables qualités d’animaliers que les Égyp-
tiens semblent avoir possédé naturellement. La chasse dans le désert est un thème
qui, de tous temps, a été traité par les aVtistes égyptiens. L’immense réserve d’animaux
sam âges que constituait le desert était une perpétuelle tentation pour les sportifs,
et la chasse était une distraction que les rois eux-mêmes ne méprisaient pas. On en a
de multiples preuves. On sait que le roi Amenophis III, devenu si puissant qu’il
n’eût guère l’occasion de faire la guerre, se vantait volontiers de ses exploits cynégé-
tiques W.
Au Nouvel Empire, les scenes de chasses sont si nombreuses qu’il n’est pas étonnant
que nous trouvions dans les dessins sur calcaire des réminiscences de ces grandes
compositions. Les chasseurs lançaient contre leurs proies des chiens spécialement
dressés, qui, d après les différentes représentations, appartenaient à des espèces
variées. Les plus répandues dès l’Ancien Empire paraissent être le lévrier, le chien
égyptien et le chien errant «. Le premier a le museau allongé, les oreilles droites
et la queue enroulee, Sa silhouette est facilement reconnaissable. Les deux autres
types de chien sont à peu près semblables: tête longue et forte, oreilles courtes et
droites, queue longue et touffue. Le pelage court est roux et quelquefois noir. Enfin,
une quatrième espece, décrite par Gaillard, semble se rapprocher des figures dessinées
sur les ostiaca. G est la race des chiens panas a la tete forte et allongée et aux oreilles
tombantes. Les dessins sur calcaire montrent tous des chiens assez solides et aux
oreilles rabattues, au poil ras et a la queue très longue. Un animal de cette espèce
fait partie des chiens du roi Antef II est visiblement plus fort que ses compagnons
V. Scheil, Mémoires de la Mission française au Caire, t. V, p. 552.
m Davies, Two Ramesside Tombs at Thebes, pl. XXXVI.
* * Toute une sérié de scarabées nous a conserve le souvenir de ses exploits, cf. Wiedemann, Aegyptische
Geschichte, p. 38i, n. 6 ; P. S. B. A., XXI ( 1899 ), P- i55.
(4) C. Gaillard et Daressy, La faune momifiée de l’Antique Égypte, p. 2 et seq.
t5) Lange-Schafer, II, Stèles du Musée du Caire. n° 2 o 5 i 2 .
J. VANDIER D’ABBADIE.
ué
quoique de taille plus petite. Sa queue longue et ses oreilles pendantes 1 apparentent
aux chiens des ostraca. Son nom inscrit au-dessus de lui : «le noir», faisait pro a-
blement allusion à la couleur de son poil ou à son origine, car cette espèce paraît
avoir été importée d’Éthiopie «. Ce sont des chiens de cette race qui étaient spécia-
lement dressés pour la chasse du gros gihier dans le désert. On les voit quelquefois
tenus en laisse par un serviteur et n’attendent que d’être lâchés pour courir sur leur
proie ^ '
Ce n’est pas seulement dans les chasses que les chiens de cette espece sont repré-
sentés dans les tombes égyptiennes. On les voit également assis ou couchés sous le
siège de leur maître comme des compagnons iidèles ou familiers W. Neanmo.ns ils
sont plus souvent figurés courant dans le désert à la poursuite des lions et des
U lévrier était appelé : m, mais le chien de chasse semble plutôt être
désigné par le mot <*'. dictionnaire de Berlin ne signale ce mot
qu’en composition avec des noms propres. ‘
Parmi les scènes de chasse figurées sur les ostraca, on verra donc plusieurs chiens
de cette espèce. II y en a trois, entre autres, dans une remarquable composition de
cette série : la poursuite de la hyène (* » 1 1 ) . B» sont tous les trois de couleurs diffe-
rentes mais leurs caractéristiques sont bien les mêmes : longues queues et oreilles
pendantes. La hyène est, elle aussi, admirablement bien observee et dessinee. e
dessin est certainement l’un des plus beaux de cette collection d ostraca. La hyene
(Ilyaenea striata , Zimm.) était connue et domestiquée en Égypte des 1 Ancien Empire.
On connaît en effet la célèbre représentation du gavage des hyènes de la tombe de
Kaeemmi à Saqqarah ( 5 >; c’est une scène assez surprenante, si on réfléchit que seuls
les animaux destinés à l’alimentation devaient être gavés, comme le fait très justemen
remarquer M. MontetW, ce qui n’est certainement pas le cas pour les hyènes Mais
comme d’autre part on sait que les hyènes apprivoisées servaient, comme les chiens
à poursuivre le gibier dans le désert, on comprend mieux avec quel soin elles étaient
entretenues et nourries.
L’hvène striée a le pelage raide et grisâtre, barré de raies noires transversales sur
tout le èorpsi’l. La queue est touffue et le train de derrière plus bas que la partie
antérieure du corps. Originaire du Soudan et de l’Abyssinie, la hyène se trouvait
communément dans le désert égyptien dès l’Ancien Empire, puisqu elle était déjà
ci T. S. B. A., IV (1878), p. 181.
Cl Wreszinski, Atlas, I, 53 a.
Ci Davies, Five Theban tombs, pl. XI, XXV à XXVIII.
(*> Wreszinski, Atlas, I, pl. 53 , 2 1 5 ; Carter-Mace, The tomb of Toutankhamon, II, pl. L, LI.
Cl Wreszinski, Atlas, III, pl- 87.
O Montet, Scènes de la vie privée..., p. n h.
C) Anderson, Mammalia, p. 53, ; C. Gaillard, Les tâtonnements des Anciens Egyptiens. . ., p. i5 , Faton,
Animais, E. 57, p. 3 .
49
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEII.
%
apprivoisée à cette époque. Les chasseurs devaient facilement se saisir de jeunes
sujets qu ils pouvaient, ensuite, élever et dresser. Aujourd’hui encore, les bédouins
capturent de ces jeunes animaux, dans le désert à faible distance de la Vallée.
Le nom égyptien de la hyène était : jj 8 ^ 3 hit G).
Dans l’admirable ostracon que nous étudions, la hyène est remarquablement des-
sinée. L’artiste ne s’est pas contenté de reproduire les caractéristiques extérieures
de la hyène ; il a certainement observé une hyène furieuse et il a rendu avec un rare
bonheur la tête de l’animal, tendue en avant sous l’effort, la gueule ouverte d’où sort
une langue pointue, son regard à la fois effrayé et cruel, sa queue, enfin, et son pelage
hérissés par la fureur. Les chiens qui poursuivent le fauve ne sont pas moins vivants.
Le chien brun qui attaque à l’arrière a une torsion du cou qui lui retourne complè-
tement la tete dans un- geste impossible à réaliser, mais extrêmement expressif. Lés
couleurs et les valeurs sont également très heureuses et bien distribuées ; toutes ces
qualités jointes a 1 élan plein de vie, à la spontanéité et à la sûreté du dessin que
présente cette composition, en font un véritable chef-d’œuvre. Ce sujet semble
d’ailleurs avoir tout spécialement inspiré les artistes, car une autre scène de chasse
(2212), bien que simplement dessiné^ et très effacée, est également remarquable. Ce
sont plusieurs thèmes variés de chasses dans le désert. On y remarque un veau courant,
deux chiens attaquant une gazelle dorcade, puis au-dessous, deux autres chiens
attaquant un ibex; devant cette scène se dresse la silhouette d’un lion rugissant. Le
dessin de c.es animaux est nerveux et bien observé. On ne peut qu’admirer la prodi-
gieuse habileté du scribe, qui, après avoir tracé d’un léger trait rouge l’ensemble de
sa composition, l’a reprise au trait noir d’un pinceau ferme et élégant, avec une
souplesse et une sûreté de lignes vraiment remarquables. Un autre dessin est d’une
qualité presque égale malgré la disproportion entre la taille du chien et celle de l’ibex
(2 21 3 ). Il est intéressant de remarquer que ce groupe est identique à l’un de ceux
qu’on vient de voir sur l’ostracon précédent. C’est un chien à longue queue bon-
dissant sur un ibex dont les pattes antérieures sont légèrement repliées dans une
attitude de chute. La position respective des deux animaux est la même dans les deux
dessins, quoique sur le premier ostracon, il y ait un autre chien qui attaque l’ibex
à la tête. Malgré cette petite différence, la similitude est si frappante, qu’il semble
qu’il y ait eu là un thème familier que les artistes s’entraînaient à reproduire, à moins
que ces deux dessins ne soient les esquisses d’un même artiste en vue d’une compo-
sition plus importante.
Une scène semblable se trouve sur un autre éclat de calcaire (2216) mais traitée
différemment et par un dessinateur plus inexpérimenté. Le chien qui est moucheté
de noir saute sur une gazelle bondissante, également mouchetée. C’est peut-être
une gazelle « Isabelle», étant donné ce pelage et la forme très recourbée des cornes.
<‘> IF. B., III, ao3.
Documents de fouilles , t, il, 3. n
50
J. VAND1ER D’ABBADIE.
Ailleurs (221 5 ), c’est un lièvre qui est poursuivi, mais on ne retrouve pas ici le
trait souple et tenue que nous avions admiré dans les précédentes composions.
Le corps du lièvre, trop long et trop gros, est visiblement l'œuvre d un dessinateur
malhabile. Enlin, signalons, pour terminer cette série, un fragment qui met. en pré-
sence un jeune veau et un redoutable lion, dessinés avec beaucoup de vérité et sans
lourdeur. f , ,
Ces quelques croquis donnent une idée des sujets de chasse les plus frequents :
la poursuite de l'hyène, de l'ibex, de la gazelle, du lion, du lièvre, qui se retrouvent
sur les murs des tombes thébaines du Nouvel Empire <■>. On peut voir dans ces fresques
des animaux galopant sur un terrain désertique : ce sont des bêtes sauvages tuyau
sous les flèches du chasseur. Une très belle scène montre, disposés sur trois registres,
des hyènes, des gazelles, des ibex et des lièvres courant dans le désert 1“ , poursuivis
par des chiens de la même race que ceux de nos ostraca. On , remarque un bouquetin
dans la même pose que ceux des dessins ssis et oüi 3 . Beaucoup d autres scenes
semblables peuvent être relevées à la XVIII e dynastie. Ce sont, par exemple, dans la
tombe d’Amenemhet»), le mort tirant à l’arc sur des animaux disposes sur deux
registres; dans celle de Mentouioui, un tableau à peu près semblable!»; .citons aussi
un fragment subsistant, d'une scène analogue dans sa disposition, de la tombe
d. î Aunâ (®)
Ce sujet tant apprécié à la XVIII e dynastie, pour l'illustration des tombes et de
maints objets, ne se trouve que fort rarement sur les parois des temples. Cependant
la XIX e dynastie nous a laissé le souvenir des grandes chasses de Ramsès . n se
rappelle les chasses aux fauves, avec tout le luxe déployé du char, des chevaux riche-
ment caparaçonnés, lancés au grand galop, tandis que le Pharaon perce de ses fléchés
des lions, qui tombent mortellement atteints W. Il est possible qu’une idee symbolique
ait ici motivé la scène et que les lions représentent les ennemis de l’Egypte que e
roi poursuit et écrase. Toutes ces scènes n’ont cependant qu’une ressemblance assez
lointaine avec les compositions sur ostraca. La parenté est incontestablement plus
proche, lorsqu’il s’agit de la décoration d’objets usuels. Le groupe en relief d une
coupe en bronze du Musée du Caire (fig. a 3 ) W, par exemple, rappelle, d une façon
très nette le dessin de l’ostracon 22 i 4 ; le sujet, dans les deux cas, représente un ion
(*> Wreszinski, Atlas, I, pi. I. Ce thème était d’ailleurs employé avant la XVIIP dynastie. On en relève
de très beaux exemples aussi bien au Moyen Empire (Dav,es-Gardiner, The Tomb of Antefoker, pl. VI) qu
'ATwauZr IhZ ^' JTcm^s P (Birch), p. 91, fig. 35 7 =Schâfer, Von aegyptischer Kunst,
p. 207, fig- 187.
,(*> Davies-Gardiner, The tomb of Amenemhat , pl. IX.
m Wreszinski, Atlas, I, 353 ; Davies, Five Theban tombs, pl. XII, XXII.
W Wreszinski, Atlas, I, a6a.
(®ï Rosellini, Monumenti Storici, I, pl. CXXIX.
(’) Bissing, Metallgefâsse, p. 61.
OSTRACA FIGURÉS DE DE1R EL-MED1NEII.
51
attaquant un veau. Faut-il citer le célèbre vase à onguent de Toutankhamon «, sur
les parois duquel des scènes à peu près semblables sont figurées? Sur des armes
de chasse, ces mêmes motifs trouvent naturellement leur place, et les artistes égyptiens
n’ont pas manqué de s’en servir; ainsi verra-t-on ce même sujet sur un fer de hache
ajouré de la XVIII e dynastie, tandis que sur d’autres
armes ce sont des chiens terrassant des gazelles, ou
des lions combattant des taureaux (fig. 2 4 ) î 2 ). On
remarquera aussi, provenant de cette inépuisable
tombe de Toutankhamon, un bel étui de poignard et
un carquois (V qui sont l’un et l’autre décorés de chiens
ou de lions s’attaquant à des veaux ou à des gazelles.
Enfin, on pourrait également citer plusieurs objets de
toilette décorés de scènes de chasses, où se reconnaît
souvent l’influence mycénienne ( 4 L Dans ce genre
d’objets les artistes reproduisaient volontiers le thème
du lion ou du chien poursuivant une gazelle (fig. 2 5)( 5 L
Ces scènes qui s’inspiraient d’un des passe-temps favoris des nobles égyptiens de
cette époque devaient être très appréciées et c’est sans doute la raison pour laquelle
Fig. a 3.
on les trouve si souvent reproduites. On a pu constater, par les comparaisons qui vien-
nent d’être faites, que les compositions des ostraca se rapprochent surtout de celles
qui ornent les petits objets usuels. Peut-on conclure que ces dernières ont servi d’es-
quisses à celles-là? Un des ostraca publié en supplément (2715) semble répondre
Carter-Mace, The tomb of Toutankhamon, II, pl. L.
{2) Wolf, Bewaffnung der Alton Aegypter , taf. 12 ; Steindorff, Die Blütezeit des Pharaonenreiches, p. 5 7 ,
abb. 5o.
l3) Carter-Mace, op. cit., II, pl. LXXXVIII ; III, pl. XXVIII-XXIX.
(4> Steindorff, op, cit,, p. i36, abb. 121.
(5) Capart, Propos sur TArt égyptien, p. i3o, fig. 91 ; Louvre. I.1711 b et I.1698; The Mac Gregor
Collection, pl. XV, n° 548 .
7 -
52
J. VAND1ER D’ABBADIE.
à cette question. Il présente, au-dessus et au-dessous de la scène, une bordure formant
encadrement. Cette bordure faite de lignes et de feuilles pointues, peut-être de pétales
de lotus, se retrouve gravée sur des objets de toilette en bois, particulièrement sur
des boîtes à fards semi-cylindriques. Ce dessin est donc visiblement un projet pour
la décoration d’une de ces boîtes Ù). ,, , ,
On pourra objecter que les objets de ce genre connus jusqu’à présent sont dates
de la XVIII e dynastie, alors que les ostraca datent de la XIX e dynastie. Il est permis
cependant de supposer que des boîtes à fards du même modèle ont pu exister à la
XIX e dynastie, mais qu’elles ne sont pas parvenues jusqu’à nous. Quoi qu il en soit,
les artistes de la XVIII e dynastie ont certainement transmis à leurs successeurs un
certain nombre de thèmes, que ceux-ci
conservaient pour les utiliser a bon
escient et transcrivaient sur ces éclats
de calcaire.
Si les scènes de la précédente caté-
gorie d’ ostraca sont particulièrement
intéressantes et bien venues, il n’en
est pas de même pour tous les dessins d’animaux; c’est ce qu’on peut malheureu-
sement constater pour les dessins de chacals qui sont pour la plupart assez détériorés
et peu caractéristiques.
J Le chacal, dont le nom égyptien est : ^ J >s> est originaire du nord de
l’Afrique, de l’Asie Mineure et de l’Inde. Depuis les plus anciens temps, comme de
nos jours, le chacal parcourt le désert en lisière de la Vallée du Nil et descend dans les
villages à la tombée du jour pour y chercher sa subsistance. Le chacal est à peu près
de la taille d’un chien moyen; ses oreilles sont pointues, son museau allongé et il a
une longue queue touffue pendant jusqu’au sol On a longtemps prétendu que le
chacal était consacré à Anubis, qui est, en effet, représenté sous la forme d’un camdé.
Mais il a été reconnu depuis que l’animal du dieu Anubis était un chien. Cette iden-
tification est confirmée par le nom de Cynopolis donné par les Grecs à la ville résidence
de ce dieu (cf. Kees, Gôtterglaube, p. !7^)*
Si on exclut les représentations du dieu Anubis, les figures de chacals ne se ren-
contrent pas souvent dans l’art égyptien. Signalons cependant une scène datant de
la VI e dynastie et dont l’ostracon 2218 semble être une réplique «. Ce dessin sur
P» Capart, Recueil de Monuments égyptiens, pl. XL = Louvre, I.1711 b et 1. 1 698 ; Petrie, Sedment, I.
pl. LVIII-LXXI, P . a5.
i*> Gardiner, Egyptian Grammar, p. 45 i, E. 17; W. B., III, Aao.
'(») Canis Emeus, Lortet et Gaillard, La faune momifiée de V Ancienne Egypte, 1” sene, p. 17; Brehm,
La vie des animaux illustrée, p. A99. vytt wvr
(*) Klebs, Die Reliefs und matereien des A. R., p. 61 =Davies, Ptah-IIetep, I, pi. XXli-XXVl.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 53
calcaire est surmonté d’une ligne de texte assez intéressante car on y trouve la signa-
y ^ en effet : J 2) * | Fait par fpouy. Cet Ipouy est peut-être
le scribe de la XX e dynastie dont la tombe est située au sud de la nécropole de Deir
el-Medineh.
En même temps que l’ostracon, fut trouvé un carré de toile 0) sur lequel était
dessiné un homme assis devant une table d’offrandes. Son nom inscrit derrière lui
était celui du Sdm-s , malgré la simultanéité des trouvailles et la ressem-
blance des noms, les deux personnages ne peuvent être confondus. En effet, le scribe
Ipouy, propriétaire de la tombe n° 2 1 7/n’est jamais mentionné comme un Sdm-s,
il portait, en effet, le titre de «Scribe de la Place aimée de Thot» et ne pouvait,
par conséquent, être Sdm-s m êt ml't. Ceci permet de supposer que si cet Ipouy
n est pas le propriétaire de l’étoffe, il est, en revanche, l’auteur de notre dessin.
•t • — Nous avons vu que les œuvres, qui ont été étudiées jusqu’ici, reproduisaient,
les unes, des groupes où figuraient des hommes et des animaux, les autres, des animaux
seulement. Nous avons vu egalement que chaque sujet avait été reproduit à plusieurs
exemplaires, ce qui permettait de les réunir et de les classer par séries. Ce nouveau
chapitre est consacré aux thèmes isolés : on ne veut pas dire par là que ces sujets
n ont jamais été reproduits par les artistes égyptiens, mais qu’ils ne se rencontrent
qu une seule fois dans la collection d’ostraca étudiés dans cet ouvrage. Quelques-uns
de ces sujets « uniques» sont des pièces de choix. Nous citerons tout d’abord un lion
dévorant un nègre agenouillé dont le crâne est complètement engagé dans la gueule
de 1 animai (2226). Ce motif bien connu dans l’iconographie royale est symbolique :
le lion représente le Pharaon, et le nègre, les misérables habitants du vil pays de
Koush. Ce dessin un peu conventionnel est d’un beau style, les lignes sont sûres et
fermes et la forme pleine et équilibrée ; la crinière du lion est bien indiquée
et les mèches artistiquement détaillées. Le nègre est vêtu d’une longue jupe blanche.
Ses deux coudes sont liés derrière son dos; il porte une ceinture de perles dont le
pan tombe devant lui entre ses jambes ; cet ornement semble être particulier aux
Nubiens car ceux de la tombe d’Horemheb ont les bras ornés de longs pendants
de perles semblables (cf. fig. 3).
Le nom égyptien du lion est : Après la XXII e dynastie, cette scène du
lion dévorant un homme était consacrée à un dieu qu’on appelait, par analogie, Mahès
et qui n’était autre qu’une forme de Nefertoum W. II était adoré dans le X e nome
comme fils de Rë' et de Bastet, la déesse lionne, et il fut également identifié parfois à
(1) Bruyère , Deir el-Medineh, 1980, p. 2 5 , fig. 9.
« Wreszinski, Atlas, I, pl. 2 4 7 ; Bull, of the Metr. Mus. of Art (New York), Eg. Eœp., 1922,
p, hk fig. 8.
<3) Pïankoff, Nefertoum et Mahès, in Egyptian Religion, vol. I, n" III, p, 99-1 o 5 et Revue d 3 Égyptologie, I,
p. 161, fig. 6.
8
54
J. VANDIER D’ABBADIE.
Shou. W Ces représentations dans la forme qu’on leur voit aux XIX e et XX e dy-
nasties symbolisent uniquement le roi si souvent comparé à un lion. Un ostracon
figuré du Musée du Caire est très probant à cet égard. Il représente le roi dans son
char, tenant par les cheveux un groupe de prisonniers syriens ( 2 L Sous les pattes des
chevaux royaux, un* lion tient dans sa gueule un autre prisonnier syrien (fîg. 26).
La similitude des mouvements et le parallélisme étudié sont ici intentionnels II ne
fait aucun doute que le lion symbolise le roi.
Les figures de lions terrassant des Asiatiques sont fort nombreuses, il en existe
même en ronde-bosse ( 4 L Ce motif est très ancien dans l’art égyptien puisqu’on le
trouve dès l’époque préhistorique décorant des
palettes de schiste I 5 ); il s’est maintenu pendant
tout l’Ancien Empire et le Moyen Empire et est
devenu extrêmement fréquent sous les Ramsès.
Cependant l’ennemi terrassé par le lion est plus
souvent un Asiatique qu’un nègre. A l’Ancien
Empire, les Égyptiens semblent n’avoir pas
connu les nègres < 6 L Ce n’est qu’à partir du
Moyen Empire que des expéditions de conquêtes
lancées au delà de la 4 e cataracte dans les régions
habitées par des nègres firent connaître aux
Égyptiens les peuples noirs. Cependant la prédominance des Asiatiques dans les
représentations du genre de notre ostacon vient de ce que ceux-ci, beaucoup plus civi-
lisés que les peuplades africaines, restaient pour les Égyptiens les véritables ennemis ( 7 L
Il n’y a dans cette collection d’ostraca que peu de représentations de lions. En
effet, en dehors de celle qui vient d’être mentionnée, on n’en compte que trois. Les
deux premières (2212-2214) sont des esquisses de chasses dans le désert; la troi-
sième est un dessin malheureusement très effacé, tracé sur un grand morceau de
calcaire (2227) et figurant un lion couché. Moins conventionnels que le lion royal,
ces dessins sont plus vivants et plus réalistes, les attitudes sont extrêmement naturelles.
Cependant on imagine facilement que les artistes égyptiens n’avaient guère l’occasion
de voir des fauves en liberté dans la Vallée du Nil. Ces animaux donnaient lieu à de
grandes chasses dans le désert mais ne devaient être que rarement capturés vivants ( 8 U
Fig. 26.
* l) Muller, Egyptian mythology, p. 187, fîg. i 83 .
Dàressy, Ostraca, pl. XXIV, n° 26124.
^ M. Hamza, Annales du Service des Antiquités , XXX, p. 49 - 5 0, fîg. 7 à 10.
(4) M. Hamza, op. cit XXX, p. 47-48, fîg. 5 et 6 .
(5) Capart, Les débuts de T art, p. 222, pl. 1, p. 226, fîg. i 56 .
w Junker, Journal of Egyptian Archaeology (1921), p. 121.
(7) En 1940 fut trouvée à Deir el-Medineh une statue de lion en calcaire. Il est assis et tient entre ses
pattes une tête d’Asiatique.
(8) Davies, Ptahhetep, I, pl. ai, 24 ; Hartmann, U agriculture dans l’Ane. Égypte , p. 198.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
55
Il semble pourtant, d’après les représentations, que le roi ait eu un lion apprivoisé
qui suivait son char en temps de guerre Ù) et qui provoquait parmi les ennemis une
panique bien compréhensible. Le fauve accompagnait également le char royal pendant,
les grandes chasses. Enfin si l’image du lion est assez rare dans nos ostraca, elle est
assez fréquente dans l’art égyptien où ce fauve est représenté, soit comme animal
symbolique, soit comme animal divin.
Une autre composition très originale (2229), est également difficile à classer dans
une catégorie particulière. Le sujet autant qu’on peut dire est une discussion entre
une hyène et un crocodile au sujet d’un petit poisson. La hyène, les poils hérissés,
regarde avec colère le petit poisson qui paraît immobilisé de terreur sous la patte du
crocodile. Cette scène curieuse et amusante ne se retrouve à ma connaissance sur
aucun autre ostracon et je ne vois non plus rien de semblable sur les parois des tombes
de la région thébaine. Il est donc difficile, en l’absence de parallèles, de donner une
explication à cette scène qui n’est sans doute en dernière analyse que l’illustration
d’une fable, dont le thème n’aurait pas été écrit, mais seulement transmis ora-
lement, ce qui devait être l’usage courant. Le poisson appartient probablement à
cette espèce si commune dans le Nil: le Chromis du Nil (Tüapm Nilotica ) ( 2 ) ,
si souvent représenté dans les scènes de pêche des beaux mastabas de Gizeh et
de Saqqarah, aussi bien que dans les tombeaux thébains. Le nom égyptien du
Chromis était : i»t*L
Quant au crocodile, on sait combien son rôle a été important dans la religion où
il incarnait un des plus anciens dieux égyptiens, Sobek, adoré, non seulement à
Sais, dans le Delta, et à Ombos en Haute Egypte, mais surtout dans le Fayoum,
comme dieu de la végétation ( 4 L II était aussi considéré comme un animal séthien,
et il figure sur les parois des temples, harponné par le roi, dans une scène qui sym-
bolise le triomphe d’Horus sur Seth < 5 U Sa silhouette se trouve donc fréquemment
représentée dans les scènes religieuses ( 6) , mais elle figure aussi dans des scènes plus
familières telles que le passage à gué où le crocodile apparaît, menaçant le bétail W,
et la pêche où on l’aperçoit nageant sournoisement entre deux eaux W. Il est donc
# *
Carter-Mace, The tomb of Tutankhamon, I, pl. L à LUI; Daressy, Ostraca , pl. XXIII, n° 26122,
26123, 26124; Wreszinski, Atlas, II, pl. 128, i 34 , i 4 i a, i 43 , i 5 o a et b. Un texte prouve
d’ailleurs que les lions étaient spécialement dressés pour la guerre (poème de Pentaour), cf. Hartmann,
op. cit., p. 194.
Gaillard, Recherches sur les poissons. . ., p. 85 ; Boulenger, Zoology of Egypt. The fishes of tleNile( 1 90 7)*
p. 523 , pl. XCIII.
(3) Gaillard, op. cit., p. 89 ; Montet, Les poissons employés. . . (Bull, de TI. F. A. O., XI, 1918, p. 89).
W Erman, Religion, (trad. Wild) p. 68.
{5) Nàville, Le mythe d’Horus, pl. XVII.
W Lefébure, Mém. Miss, au Caire , t. 2 , pl. IV ; Bûcher, Textes des tombes de Thoutmosis III et d’ Amenophis II,
pl. III; Guilmant, Le Tombeau de Ramsès IX, pl. LXXIII.
Wreszinski, Atlas, III, pl. 69, 52 .
(8) Wreszinski, op. cit., I, pl. 2 a , 106,, 4 oi.
%
8 .
56
J. VAND1ER D’ABBADIE.
tout naturel de trouver parmi ces ostraca des figurations de crocodiles. On en verra
plusieurs, représentés comme dieux (pj— et d’autres qui figurent dans des
scènes variées (2236, 2287, 22^7).
Plusieurs mots existaient pour désigner le crocodile; il est couramment appelé
entre autres : mzh, ou : ^ \d, c’est-à-dire : «le furieux». Enfin dans
sa forme divine, il est appelé : p J — ébk. C’est sous ce nom qu’il est désigné sur
un grand ex-voto représentant le dieu et couronné de la coiffure Atefù).
"ta hyène, dont on a déjà vu un magnifique dessin (2211), est ici bien esquissée
et sa forme est expressive, mais on ne peut la comparer ni comme précision ni comme
style à l’admirable exemple de la chasse. Deux autres figurations de cet animal publiées
ici (228 0-2 281) sont d’un dessin beaucoup moins nerveux et moins sûr, le trait
est lourd et hésitant. Le premier dessin est particulièrement pesant et mal indiqué.
Les pattes sont épaisses, les stries et les poils sont tracés avec négligence. Sur le
second ostracon (2281), le dos et l’arrière-train de l’animal semblent avoir été des-
sinés après coup sur une partie de la pierre où un éclat avait été enlevé. Ils sont, en
elfet peints à l’ocre-rouge, alors que le reste de la figure est noir. Il s’agit certainement
d’une restauration, peut-être même moderne. Le dessin d’ailleurs est inexact en ce
sens que l’arrière-train de l’animal est plus haut ici que les épaules, ce qui est
contre nature, la caractéristique de la hyène résidant précisément dans cet abaissement
de la ligne du dos, de la tête à la queue. On est souvent tenté, devant une erreur de
ce genre, de croire qu’on se trouve en présence d’un faux, tant les artistes égyptiens
avaient un don merveilleux d’observation et savaient saisir dans une seule ligne la
particularité d’une figure. Quelques traits, souvent, leur suffisaient pour saisir
le caractère d’un animal. Ainsi cette vivante esquisse d’une chauve-souris si légère-
ment et si sûrement tracée sur un morceau de calcaire gris (2 282). Ce rapide croquis
est un des mieux venus, peut-être, parmi les représentations d’animaux : quoique ex-
trêmement linéaire cette figure est complète, car l’essentiel y est indiqué avec une
précision et une sûreté de main remarquables.
La rareté des représentations de chauve-souris dans l’art égyptien est si grande
que j’ai été tentée il y a plusieurs années de publier cette petite pièce à part < 2 b Je ne
répéterai donc pas ici les détails de cette étude. Je rappellerai seulement qu’en dehors
de cette silhouette de chauve-souris on n’en connaît que trois exemples. Le plus ancien
est constitué par les deux chauves-souris peintes sur les parois de la tombe de Baki à
Beni-Hasan (XI e dynastie) et qui sont bien connues. De la XIX e dynastie date une
petite amulette en terre émaillée bleu-vert, figurant l’animal avec les ailes repliées
et enfin un bronze ptolémaïque niellé d’or représentant la chauve-souris debout, les
ailes fermées autour de son corps, ce qui est une pose très peu naturelle et très peu
représentative de cet animal.
<*> Cf. n° a65o, pl. LXXXVI. — <*) B. I. F. A. O., i 9 36, t. XXXVI, p. 117 .
57
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
Les chauves-souris sont en si grand nombre en Égypte qu’on est surpris que les
artistes ne les aient pas représentées plus souvent. Sans doute les animaux qu’ils
peignaient sur les parois des tombes et des temples répondaient-ils à un souci uti-
litaire. C’étaient des olïrandes au dieu ou au mort, ou encore des apports d’animaux
utiles à la vie du mort dans l’autre monde, ou enfin des animaux divinisés. Les chauves-
souris ne répondent à aucune de ces conditions, car elles ne sont, en effet, ni comes-
tibles, ni utiles à quoi que ce soit, et il ne semble pas que les Égyptiens les aient
jamais considérées comme des animaux sacrés :
Le nom égyptien de la chauve-souris est connu par la tombe de Béni Hasan. L’une
des deux figures était accompagnée du mot : et l’autre par le nom :
3 M • Il y avait donc deux noms pour désigner la chauve-souris. Si les textes
égyptiens ne les mentionnent pas, les textes coptes les désignaient par le mot :
ceNffexo et préconisaient leur emploi en médecine dans certains remèdes.
Plus poussée que ce croquis de chauve-souris est la charmante figure représentant
une girafe ( 2233 ). Le dessin est élégant et nerveux, mais malheureusement si effacé
que la tête a complètement disparu. De tout temps, la girafe semble avoir été connue
dans la Vallée du Nil. Les artistes la représentaient dès l’époque préhistorique bien
qu’elle ne soit pas d’origine égyptienne. Des graffiti de Haute Égypte datant de cette
époque attestent l’ancienneté de cet animal sur les bords du Nil Û). A l’époque pré-
historique, on connaît les palettes de schiste ( 2 ) sur lesquelles sont représentées des
girafes étirant leurs longs cous pour atteindre les premières feuilles des hauts palmiers.
Dans ces figurations'la forme si caractéristique de la girafe est admirablement observée
et rendue. L’Ancien et le Moyen Empires semblent presque avoir ignoré les girafes,
car c’est à grand’peine qu’on peut relever une représentation de cet animal dans les
reliefs et les peintures de cette époque W. En revanche, au Nouvel Empire, on peut
en relever de nombreux exemples sur beaucoup de monuments. Rappelons, entre autres,
l’excellente figure du temple de Deir el-Bahari (4) , dont la tête a malheureusement
disparu (fig. 27). Cette girafe était apportée ici comme tribut du riche pays de
Pount. Les girafes figurées dans les tombes de Houy et de Rekhmirë' sont également
des tributs des peuple! du Sud amenés par des nègres avec d’autres animaux étrangers
à l’Égypte (fig. 28) ( 5) . A cette époque les conquêtes des Pharaons et leurs relations
avec les pays du Sud contribuèrent à amener en Égypte toutes sortes de produits
et d’animaux exotiques. La girafe devait être d’autant plus appréciée des Égyptiens
qu’elle était de provenance lointaine; elle était originaire des montagnes de Dendor,
(t) Capart, Les débuts de Y Art , p. 196, fig. 1 44 .
^ Ibid. , p. 23 1 et 2 33, fig. 162-164 ; Bénédite, Une nouvelle palette en schiste [Mon. et Mêm. publiés par
Y Académie des Inscriptions et Belles- lettres y t. X, fasc. II).
(3) Blackman, Meiry t. II, pl. VIII et XXXII ^Klebs, II, p. 53, fig. 35.
<*> Naville, Deir el Bahariy III^pI. LXXX.
(6) Davies, Paintings from the tomb of Rekh-mi-Rè c at Thebes, pl.VII ; Champollion, MonumentSy t. II, pl. 1 7 6 ;
Roseluni, Mon , Ç., II, pl. 72 ; Ann. du Servi t. VII, p. 61 -63 ; Roedeil, Bet el-Wali, pl. 32.
58
J. VAND1ER D’ABBADIE.
de la Nubie et du Kordofan, c’est-à-dire de toute la région du Haut Nil W. Il semble
que deux mots aient servi pour désigner la girafe : ~T~ \ ^ (2) , qui paraît avoir été
le plus fréquemment employé et : \ qu’on trouve auprès d’une représentation
de cet animal dans le tombeau de : | ^ iTl ^ Golénlschelî rapproche ce nom
Fig. a 7 .
du mot : , relevé dans le récit du Naufragé. Parmi les présents que le naufragé
reçoit du maître de l’île figurent des : |1— - que M. Golénischeff
propose de traduire «queues de girafe» par analogie avec le mot du tombeau
Anderson, Mammalia, p. 35 a ( Girajfa Camelopardalis) .
(5 > Paton, Animais, E. 65 ; W. B. -, p. i 65 .
<*> Viret, lire. Trav., VII, p. A», et Ment . Miss, au Caire, t. V, p. 3 h 7 .
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
59
d ’limw-rulh (Ranke, Personennamen, p» 6, 27), tout en se demandant à quoi pou-
vaient servir les queues de girafes Pf
Cet animal n’a jamais été considéré en Égypte comme un animal sacré et l’intérêt
que lui ont prêté les scribes n’est que celui de simple curiosité pour une espèce rare
dans leur pays et> provenant de contrées qui devaient être à leurs yeux des pays de
richesses et de rêve.
Si la girafe a été importée en
Égypte des pays du Sud, le griffon,
au contraire, qui figure sur un de
nos ostraca (2 2 34), est un animal
fantastique qui fut d’abord conçu
dans les pays asiatiques. Un animal
fabuleux à corps de lion, à tête d’aigle
et à ailes d’oiseau, mais qui n’est pas
exactement un griffon 12 f se rencontre
dans l’art égyptien à partir de la XI e
dynastie, c’est-à-dire au moment où
se développent entre Byblos, la Syrie
et l’Égypte des relations amicales et
des échanges administratifs et com-
merciaux de toutes sortes. Les grandes
guerres du début du Nouvel Empire
ont encore développé les contacts
entre les deux pays et c’est sans
doute la raison pour laquelle certains
motifs décoratifs, tels que le griffon, se
trouvent beaucoup plus fréquemment
dans l’art égyptien du Nouvel Empire.
Le pseudo-griffon figure dans les tombes de Béni Hasan avec d’autres animaux
étranges et fantastiques! 3 ). Le mot qui au Nouvel Empire désigne le griffon
est : 'M- O n le trouve dans les textes, entre autres dans un passage
du poème de Pentaour où le roi est comparé à un griffon poursuivant ses
ennemis (les Khets^) vaincus : — I iri jH ®ï> ^ (4) * ^ e R e image n’était
(1) M. Golénischeff fait remarquer que la lecture : de Virey est fautive ; Rec. Trav., XXVIII (1 906),
p. 68,1. i 63 -i 6 A.
W Montet, Les reliques de VArt syrien 9 p. 111.
l 3 )' Newberry, Béni Hasan , II, pl. IV, XIII, XVI; Paton, Animais y p. 36 . En dehors des représentations
dans les tombes, les griffons étaient représentés sur les bâtons magiques (P. S . B. A., vol. XXVII
[1905], pl, I à XVI, p. 139, vol. XXVIII [1906], p. 159. pl. II à V).
<*> Sallier, III, IV, 1 . 11 ; W. B v I, 226; Wilkinson, Manners and customs, 111.(1878), p. 3 12,
n° 678; II, p. 293.
Fig. a8.
O ,
60 J. VANDIER D’ABBADIE.
pas nouvelle, même à cette époque, car les orfèvres l’avaient déjà employée dès
la XII e dynastie où nous' la voyons figurant le roi sous les traits d’un pseudo-
griffon aux ailes repliées et étendues sur le dos, terrassant un ennemi (fig. 29) Ù).
Par la suite le griffon fut assez souvent choisi comme motif décoratif sur des bijoux,
des scarabées ou d’autres objets!' 2 ). C’est ainsi
qu’un bracelet du Musée du Louvre, est orné de
deux figures de griffons! 3 ). Un griffon ailé forme
également le motif décoratif d’une hache d’apparat
datant de la XVII e dynastie! 4 ). Citons également
un petit coffret! 5 ), sur le couvercle duquel un
griffon court au galop au milieu de plantes,
ce qui rappelle la composition de notre ostracon
(fig. 3 o). Un relief de céramique, datant de la
XX e dynastie, représente un prisonnier syrien à
genoux dont la longue robe est brodée, ou peinte, d’une figure de griffon! 0 ). Il est
probable que cet animal était considéré comme invincible ët c’est pourquoi les Égyptiens
l’avaient assimilé au Pharaon dans
bien des représentations, le substi-
tuant parfois au lion traditionnel.
Dans notre dessin, d’ailleurs très
effacé, la représentation est assez
sommaire. L’animal, les ailes dé-
ployées, semble se soucier bien peu
d’un chien qui l’attaque au poitrail.
Autour de ce groupe, pendent des
feuilles et des tiges, qui provien-
nent peut-être d’une autre scène
à laquelle on aurait superposé celle
du griffon , toutes deux restant ina-
chevées et effacées. Les restes, cependant, sont suffisants pour qu’on puisse discerner
un dessin souple et habile. Ce croquis adroit était vraisemblablement un dessin de
mémoire d’après un motif que l’artiste avait remarqué sur un objet, ou bien un projet
de motif décoratif destiné à un objet, bijou ou arme, comme ceux que nous venons de
signaler et qu’on trouve en nombre relativement important dans l’art du Nouvel Empire.
(l) Erman-Ranke, Aegypten , pl. 37 ; Vernier, Bijoux , II, pi. I (52.002).
( * } Bisson de la Rocque, Fouilles d’ Abou-Roasch (1924), pl. XXII ( 364 ).
, (3) Boreux, Catalogue-Guide du Musée du Louvre , II, pl. XLV, p. 34 1,
Vernier, op. cit. } pl. XLIII.
Montet, Les reliques de Vart Syrien dans V Égypte du Nouvel Empire , p. 11 4 , fig. 1 5 5 ; Wilkinson,
Manners and Customs, III, p. 3 i 2 (678). Cf. aussi Keimer, Et. d’ Égyptologie , VII, fig. 4 (XXI e dyn.).
w Wallis, Egyptian ceramic art (1900), pl. VI.
Fig. 3o.
OSTRACA FIGURÉS DE DE 1 R EL-MED 1 NEH.
61
A ce choix d’animaux plus rarement figurés dans l’art égyptien, il faut ajouter
une figuration de caméléon ( 2235 ). La silhouette de ce saurien est également peu
fréquente dans la peinture, la sculpture ou le bas-relief égyptiens. Keimer, qui a
cherché à réunir les différents exemples de caméléon, n’en a trouvé que v trois dans
toutes les représentations égyptiennes M. Parmi ces trois figures se trouve notre
ostracon. Les deux autres sont, l’un, un joli bas-relief coloré conservé au British
Muséum et provenant sans doute d’une tombe de la V e ou de la VI e dynastie de
Saqqarah, l’autre, une petite sculpture en calcaire d’époque vraisemblablement
tardive. L’auteur de l’article conclut que ce caméléon appartient à l’espèce chamaeleon
vulgaris, qu’on rencontre encore aujourd’hui dans la région d’Alexandrie. Cet animal
ne devait pas être rare en Haute Égypte où abondent les tamaris, les acacias et d’autres
arbres et arbustes indispensables à sa vie. Le dessin de cet ostracon, poursuit
Keimer, remarquablement observé et véridique, a très bien pu être tracé d’après
nature par l’artiste qui dut avoir souvent l’occasion d’observer lui-même des camé-
léons. Au terme de son article, Keimer signale 'que le mot copte : Aujipx 1 *, désigne *
le caméléon, il le rapproche du mot : asar, asi, qui, en nubien désigne le gecko,
et il se demande si ces deux noms ne dérivent pas de la même racine : si qui, en
égyptien ancien, désigne un lézard ou un gecko. Par extension ou confusion, les
Arabes se seraient servis de ce mot asar pour désigner le caméléon. Quoi qu’il en
soit le nom ancien du caméléon reste inconnu.
Les recherches de Keimer amènent à cette constation que le caméléon a été aussi
rarement figuré dans l’art égyptien que la chauve-souris, et probablement pour des
raisons semblables, sans qu’on puisse être, sur ce point, plus affirmatif que sur
l’autre.
Les mêmes questions ne se posent pas en ce qui concerne le crocodile. Nous avons
déjà vu quelle était son importance dans les représentations religieuses et autres.
Nous avons dit que de nombreux ostraca portaient l’image du crocodile (cf. p. 55 );
ici (2236-2237), ^ es d ess i ns sont assez sommaires et assez peu significatifs, ils
n’offrent pas un intérêt particulier, si ce n’est que, comme tous les dessins d’animaux
de l’art égyptien, ils sont le fruit d’une observation juste et d’une stylisation vivante
et précise.
Ce sont les mêmes qualités qui se retrouvent sur l’unique croquis de grenouille
que nous ont conservé les ostraca. La tête est à moitié effacée, mais l’attitude générale
est bien observée. Ce dessin donne l’impression, comme plusieurs autres de cette
série, d’un croquis hâtif fait d’après nature. Les Égyptiens considéraient les grenouilles
comme les plus anciens animaux de la création. Ils croyaient, en effet, que, lorsque
la terre n’était encore que le chaos, l’Égypte était uniquement peuplée de serpents
et de grenouilles. C’est pourquoi ces batraciens comptent parmi les plus anciennes
o B. I. F. A. O., t. XXXVI, p. 85 - 9 5 ,
62
J. VANDIER D’ABBADIE.
divinités du panthéon égyptien, et composent, avec les serpents, les huit dieux pri-
mordiaux del’Ogdoade hermopolitaine. Quatre serpents, représentant les dieux femelles
et quatre grenouilles les dieux mâles, étaient les créateurs du monde h). De même
que les grenouilles avaient présidé à la naissance du monde, de même, plus tard,
la déesse Héket à tête de grenouille, parèdre de Ghnoum, présidait à la naissance des
enfants en leur donnant le souffle de vie C’est dans cette importante fonction que
la déesse est représentée dans les tableaux qui illustrent la naissance divine d’Hatshep-
sout à Deir el-Bahari, ou celle d’Aménophis III à Louxor ( 3 h Maintes petites amulettes
consacrées à la déesse Héket ont la forme de grenouilles, ainsi que des chatons de
bagues datant de la XVIII e dynastie. Il faut signaler également un jeu en forme de
grenouille conservé au Musée du Louvre. La règle de ce jeu n’est malheureusement
pas connue
Les grenouilles en Égypte sont de deux espèces différentes, l’une (Ram masca -
reniensis), est brune et tachetée de marron; elle semble avoir plutôt vécu en Haute
* Égypte, tandis que la rainette verte [Hyla arboreas, Linné), qui se rapproche de la
rainette de nos pays, est plus rare en Égypte < 5 L
Quoi qu’il en soit, cet animal, malgré sa haute antiquité dans les croyances égyp-
tiennes et sa pullulation dans la Vallée du Nil, ne semble pas avoir beaucoup
inspiré les dessinateurs d’ostraca puisque ce dessin hâtif et imparfait est le seul
exemple que nous connaissions.
Plus hâtif et plus sommaire encore est un dessin de lézard tracé d’un trait lourd à
l’encre noire (2289). La représentation est trop peu intéressante pour que nous
nous y attardions. Rappelons seulement que cet animal, employé comme signe hiéro-
glyphique ('«;) signifie : nombreux, ce qui exprime assez dans quelle proportion les
lézards devaient pulluler en Égypte.
Les scorpions ne sont guère moins nombreux que les grenouilles et les lézards dans
la Vallée du Nil. Ils furent consacrés à la déesse Selkit, qui est représentée avec un
scorpion sur la tête. D’autre part cet animal venimeux était craint à l’égal du crocodile
et du serpent et les textes nous font connaître des formules magiques contre les mor-
sures du scorpion. Des stèles magiques connues sous le nom de « stèles d’Horus sur
les crocodiles» ( 6 ), figurent le dieu tenant dans une main trois serpents et dans l’autre
trois scorpions. Les deux dessins (2 24 o -2 24 i), qui sont reproduits dans le catalogue,
donnent deux beaux exemples de scorpions admirablement observés. Le premier
montre l’animal la queue dressée, prêt à attaquer. Le second n’est que fragmentaire,
W Erman, Religion, (trad. H. Wild) p. 86.
Muller, Egyptian Mythology, p. 5 i.
(s) Nayille, Deir el-Bahari, II, pl. XLVIII, XLIX ; Gayet, Le temple de Louxor, pi. LXV.
W Reisner, Amulets, 1 88 à 192, pl. XXIII-XXIV ; C. Boreux, Catalogue-Guide, II, 5 9 3 .
(5) Lortet et Gaillard, La faune momifiée de l’ Ancienne Égypte, p. 1 44 ; Anderson, Zoology of Egypt, I,
p. 346 , pf. 4 . fig. 1.
1<I) Chabas, Â. Z., VI, 1868, p. 99 à 106.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEII.
63
mais il détaillait avec minutie le dessin des pattes, du dos et de la queue annelée de
l’animal. Une telle précision, qui est presque celle d’un dessin anatomique, fait
regretter la disparition de la partie antérieure et de la pince de ce scorpion.
La même minutie et la même finesse se retrouvent sur un autre croquis, également
fragmentaire, et figurant üne sauterelle (2242); ces qualités rappellent celles de
l’ostracon précédent et permettent de supposer que ces deux croquis sont dus au
même artiste.
Les représentations de sauterelles ne sont pas très rares, cependant on n’a retrouvé
dans cette importante masse d’ostraca que ce seul fragment. Il existe pourtant un
autre exemple de sauterelle dessinée sur un ostracon, il est conservé au Musée de
Berlin et provient également de Deir el-Medineh ; l’insecte y est figuré mangeant la
plante sur laquelle if est posé W.
On sait le rôle que la Bible attribue aux sauterelles dans le pays d’Égypte. En effet,
dès les plus anciens textes, il est question de champs ravagés par un animal : f \
qui désigne, croit-on, la sauterelle ( 2 b Le même mot symbolise également la multitude
et la faiblesse. Ces trois traits caractéristiques : fléau des récoltes, multitude et fai-
blesse, permettent à Keimer d’identifier l’animal snfym avec le criquet pèlerin (schisto-
cerca gregaria, Forskal). En effet, ces insectes s’abattent en masses épaisses dans les
cultures, mais ils s’y laissent massacrer sans résistance. Cependant une autre espèce
de sauterelles, indigène en Égypte (Anacridium Aegyptum, L.) est plus inofîensive.
C’est celle-ci qu’on voit représentée en pendeloques, en amulettes, en ornements
ou dans les fresques. C’est de cette espèce aussi que parlent généralement les textes.
Keimer n’a relevé, en effet, qu’un seul texte mentionnant les snhmw comme fléau
(. Pyramides ) .
Les sauterelles sont assimilées, dans les textes du Livre des Morts, et dans ceux des
Pyramides, à l’âme. C’est la forme que prendrait parfois l’âme du roi pour gagner, en
sautant, l’autre monde. Petrie pensait qu’une déesse appelée Snhm exerçait une
protection contre les sauterelles, mais cette hypothèse semble être douteuse. Quoi qu’il
en soit, cet insecte a dû jouer un rôle important en Égypte et dans les conceptions
religieuses des anciens Égyptiens. Ses représentations sont assez nombreuses dans les
tombes où il figure dans les fresques, posé sur des bouquets, des épis de blés, les
branches d’un sycomore sacré ou encore en motif ornemental sur des plafonds, des
cercueils, des peignes et aussi, à Basse Époque, sur des lampes. On connaît également
un grand nombre de pendeloques, de colliers et d’amulettes en forme de sauterelles W;
Avant de clore ce chapitre concernant des animaux un peu exceptionnels, il faut
signaler un intéressant ostracon publié dans le supplément et qui est malheureusement
Schàfer, Aegyptîsche Zeichnungen . . . , p. 28 (22), inv. 21 45 2.
{t) Sethe, Pyramides , 8g 1 d., 1772.
(3) Tous ces renseignements sont tirés de l’article de Keimer dans Annales du Service des Antiquités d'Égypte,
t. XXXII, p. 129 à 1 5 o et XXXIII, p. 97.
64
J. VAND1ER D'ABBADIE.
très effacé (27 1 ?)* ^ représente un hippopotame curieusement perché dans les
branches d’un sycomore dont il mange les fruits. Un corbeau partage ce festin. Il
semble, autant que les traits extrêmement effacés permettent d’en juger, qu’une
échelle soit dressée dans les branches. Cette composition rappelle une scène du papyrus
satirique de Turin *ù, dans laquelle on retrouve un animal ayant la forme d’un hippo-
potame, perché dans les branches d’un arbre très stylisé qui doit être un sycomore,
tandis qu’un oiseau (qui semble être
ici une hirondelle) monte dans l’arbre
au moyen d’une échelle (fig. 3i).
L’ostracon, bien que différent dans
sa composition , est certainement
inspiré du même sujet puisqu’on y
retrouve les mêmes éléments dans
une disposition quelque peu variée.
Que signifie cette étrange représen-
tation et quelle idée critique ou
satirique se cache dans cette curieuse
composition? On peut penser qu’il
y a là une caricature de la scène qui figure Nout dans le sycomore, accueillant
aux portes de l’Hadès les morts, souvent représentés sous forme d’oiseaux à tête
humaine * 2 ). Le sujet, en tous les cas, ne manque pas d’originalité car on s’attend
peu à voir ce pesant animal perché dans un arbre où il a dû avoir le plus grand mal
a se hisser. Il n est d’ailleurs pas moins original de voir un oiseau monter dans ce
même arbre en gravissant une échelle ! Mais tout est permis dans le domaine de la
fantaisie, et cette qualité ne manquait certes pas aux dessinateurs sur ostraca.
K. — Les poissons du Nil sont nombreux et variés de formes et de couleurs et,
dès l’époque préhistorique, les Égyptiens ont su tirer parti de leurs silhouettes
décoratives : les belles palettes de schiste en forme de poissons en font foi* 3 ).
Les nombreuses scènes de pêche qui décorent les mastabas de l’Ancien Empire
aussi bien que les tombeaux du Moyen Empire et de la région thébaine montrent
une infinie variété de poissons, dessinés avec une telle exactitude et une telle précision
de details qu il a été possible de les identifier avec les espèces qui vivent encore de nos
jours dans le Nil W.
(l) Lepsius, Auswahl, pl. XXIII, À.
^ J Sur le papyrus de Turin la tête de 1 animal ressemblerait assez à celle d’un porc, ce qui confirmerait
cette hypothèse puisque Nout était souvent représentée sous la forme d’une truie.
{3) Petrie, Prehistoric Egypt, pl. XLIII, XLV.
(4) Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire naturelle des poissons du Nil , t. XXIV, 1829 , p. 1 4 1-2 44 ; Gaillard-
Loret-Kuentz , Recherches sur les poissons représentés dans quelques tombeaux égyptiens de V Ancien Empire (Mém.
de VI. F. A. O., vol. LI).
I
1
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
65
Grâce à cet admirable sens de l’observation que possédaient les artistes égyptiens et
grâce aux identifications qui ont été faites, il sera facile de reconnaître les quelques
poissons représentés sur nos ostraca et dont quelques-uns ont déjà été identifiés* 1 ).
Le grand dessin en noir et rouge (2 2 48 ), sur calcaire, figure un Tilapia Nilotica,
dont le nom vulgaire est : « Chromis du Nil». Son nom égyptien était : ( Il appar-
tient à une espèce assez grande qui peut mesurer jusqu’à o m. 46 de long* 2 ).
Sur l’ostracon un détail s’ajoute à l’étude minutieuse du poisson : c’est une épaisse
ligne noire qui s’enroule autour du corps de l’animal après avoir été nouée autour de la
nageoire. Ce détail semble avoir été ajouté après coup par un pinceau différent. Peut-
être le dessinateur a-t-il voulu figurer la corde avec laquelle le poisson aurait été har-
ponné. Le dessin très élégant et très précis est certainement l’œuvre d’un artiste de
grande valeur; il suffit, pour se convaincre de l’exactitude de cette opinion, de regarder
l’admirable tête royale qui orne le verso de l’ostracon et dont l’élégante beauté est
due sans aucun doute au même artiste.
Un autre dessin, plus imprécis et plus rapide, groupe sept poissons différents (2 2 4 g);
le premier à gauche semble appartenir, par sa forme générale, à l’espèce Lubeo Niloti-
cus, Forskal * 3 ) ; la présence de deux nageoires dorsales au lieu d’une seule nageoire
assez large serait une erreur du dessinateur, erreur assez excusable d’ailleurs dans un
dessin qu^n’est qu’une rapide esquisse. Le nom ancien de ce poisson était : 1 1 ♦A 4 ),
en copte : xxbhc. Il semble qu’on ait préconisé l’emploi du fiel de Labès contre la
cécité * 5 ).
Sous ce premier poisson se trouve, sans aucun doute possible, un Mormyre nilo-
ticus * 6 ). On le reconnaît à sa forme caractéristique très allongée, à sa tête très mince et
à la longue nageoire dorsale qui s’étend sur tout le dos. Les très fines écailles sont tra-
duites ici par un réseau serré de lignes diagonales croisées. Le nom égyptien du Mor-
myre est : m- ♦c* 7 ). Le gros poisson noir qui est en bas et à gauche est difficile à
identifier, ses caractéristiques n’étant pas suffisamment marquées. Sa forme l’apparen-
terait au Tilapia Nilotica, mais sa nageoire dorsale serait beaucoup plus longue, ou
au Barbus Bynni, qui n’a qu’une nageoire dorsale placée au milieu du dos, une na-
geoire anale et une nageoire ventrale. Les individus de cette espèce ont, lorsqu’ils
vieillissent, une couleur jaune foncé, olivâtre sur le dos, ce qui a peut-être incité le des-
sinateur à noircir d’un ton général tout le corps du poisson. Ce pourrait être également
un « Barbus» qui est dessiné à droite. Le nom égyptien du «Barbus» est :
tl) Cf. Catalogue , p. 5 o.
(5) Gaillard-Loret-Kuentz , op. cit., p. 86-89 ? Boulenger, Zoology of Egypt , The fishes of the Nile, p. 525 .
(3) Gaillard-Loret-Kuentz, op. cit. ? p. 39 ; Boulenger, op. cit., pl. XXVI.
(4) Pap. Anastasi , IV, i 5 / 8 .
(5) Chassinat, Un papyrus médical copte (Mém. de VI. F. A. O., t. XXXII), 19.
(6) Gaillard-Loret-Kuentz, op. cit., p. 29 ; Boulenger, op. cit., p. 68.
Montet, Bulletin de VI. F. A. O., XI, 1913, p. ko.
(8) Montet, Bull, de VI. F. A. O., XI, 1913, p. kk ; Boulenger, op. cit., pl. XXXIV.
Documents de fouilles, t. 11, 3.
9
66
J. VANDIER D’ABBADIE.
Le second poisson à droite, dont les écailles sont indiquées par des lignes quadrillées,
est également mal caractérisé et difficile à identifier. Au contraire, les deux derniers
poissons sont facilement reconnaissables, celui qui est au-dessus est un Mugil Cepha-
lus M, au corps allongé et à la tête effilée. Le mulet qui vit dans la mer est également
abondant dans les estuaires et remonte assez loin puisqu on le trouve en Egypte jus-
qu aux cataractes d Assouan. Son nom ancien était * ^ Enfin le dernier
poisson au-dessus de ce mulet est un Synodontis Schall ( 3 ), dont la forme est si par-
ticulière. On reconnaît les details bien indiqués de la nageoire adipeuse sur le dos et du
bouclier céphalique. Les barbillons assez longs, qui sont si bien marqués sur les figu-
rations de cet animal dans les tombeaux de Saqqarah, manquent ici, mais néanmoins
sa forme générale est parfaitement reconnaissable. Le nom ancien du Synodontis
Schall était : Dans un très intéressant article sur un poids de poisson,
trouve a Deir el-Medineh et sur lequel figurait un Synodontis accompagné de son
nom en hiératique, Cernÿ montre que ce poisson avait un autre nom : p A ^ ^ qui
devait être le nom courant et populaire que lui donnaient les ouvriers de la région de
Thèbes sous la XIX e dynastie < 5 ).
D’autres dessins incomplets sur des fragments d’ostraca permettent néanmoins
d identifier le museau allonge et releve d un mulet (2 245), puis une queue fourchue
et une partie de nageoire anale, allongée sous le ventre d’une sorte de mormyre (2 246).
Un autre dessin est trop imprécis pour qu’on tente une identification quelconque
(2247). Enfin un très joli dessin, malheureusement fragmentaire, lui aussi, montre
une nageoire caudale munie de cinq épines et des nageoires dorsales et anales qui pa-
raissent bien appartenir à un Tilapia (2 248 ). Cependant quelques signes hiérogly-
phiques, qui semblent donner le nom de ce poisson, accompagnent ce dessin et au lieu
d y trouver le nom du Tilapia ^ on y lit le mot : J On lit dans les « chants
d amour »( 6 ) : « Je descends avec toi dans l’eau et tu te transformes en poisson rouge
(î e '"A) »• Ce mot : j « ^ ou f * < «s r , qui désigne un poisson de couleur rouge, fait
peut-etre allusion ( Wôrt , 2 68-3 g g) sur notre ostracon à la couleur rouge du Tilapia,
car, d après la description de Boulenger, le Tilapia a souvent le ventre rouge-sang jus-
qu’aux ouïes et les nageoires ourlées de rouge vif D).
(l) Gaillard-Loret-Kuentz, op. cit., p. go; Boulenger, op. cil., pl. LXXX.
<’> W. B., aAo.
(3) Gaillard, op. cit., p. 67 ; Bodlenger, op. cit., pl. LXIV.
(4) Gaillard-Loret-Kuentz, op. cit., p. 67-70.
(5 > Cernÿ, Deux noms de poissons au Nouvel Empire (B. I. F. A. O., t. XXXVII, p. 35 -Ao). Ce mot
devait se prononcer : «sal», qui ressemble au nom moderne «sâl».
<*> Müller, Die Liebespoesie der alten Àgypter ( 1 9 3 a ) , p. Ai. Pap. Anastasi, III, 2,6.
m M - Bruyère me signale des poids de poissons trouvés à Deir el-Medineh ( Deir-el-Medineh , 19 34-
1935, p. 22 i) sur lesquels on relève le mot : comme épithète d’un nom de poisson : § ,
poids de poissons frais Peh. ou : ^ , poids de poissons Shena frais ; cependant je ne pense pas que
ce soit ici le meme mot, car yÿ est une epithète appliquée à un nom de poisson tandis que J « est
le nom du poisson lui-même (Wôrt. I, 399). •
~r
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH. 67
On a dit combien lesÉgyptiens aimaient , dèsl’Ancien Empire, à représenter les scènes
de pêche dans lesquelles figuraient des poissons de toutes espèces dessinés avec une
exactitude remarquable. Dans les tombeaux thébains, on retrouve de nombreuses
scènes du même genre dont les couleurs vives et fraîches sont ravissantes. Les étangs
des jardins étaient remplis aussi de poissons aux tons brillants et chatoyants qui con-
tribuent à faire de ces tableaux les parties les plus agréables à regarder de ces fresques (v) .
Néanmoins, il est évident que les études sur ostraca n’ont aucun rapport avec ces scènes,
elles sont de simples exercices de dessin. Si elles ont servi de modèles, ce ne peut être,
à la rigueur, que dans les décorations de petits objets tels
que ces jolies coupes en émail bleu( 2 ), dont le fond était orné
de poissons et de nénuphars (fig. 32 ), ou encore ces cuillers
à fards en bois dont la cupule est décorée de poissons gravés
et peints. Maintes figurines religieuses prouvent que les pois-
sons étaient considérés comme des animaux sacrés. Entre
autres, le Mormyre ou Oxyrrhinchos, qui était mêlé à la légende
d’Osiris. Le Bynni et le Latès étaient également adorés. On a
retrouvé à Thèbes des momies de poissons W. Enfin, de nom-
breuses statuettes à leur effigie montrent l’importance et le rôle religieux que les
Egyptiens leur accordaient.
M
L. — Il n’y a que peu d’oiseaux figurés sur les ostraca. Ces quelques esquisses sans
précision et sans importance ne sauraient rappeler la magnifique abondance des repré-
sentations d’oiseaux qui ont leur place dans tant de tombes à toutes les époques de
l’art égyptien. Dès l’Ancien Empire, les artistes ont excellé dans les dessins d’oiseaux
dont la remarquable précision rend presque toujours l’identification possible et même
certaine. Parmi les ostraca publiés dans ce catalogue, les dessins sont peu caractéris-
tiques et beaucoup sont incomplets ou effacés. Cependant on reconnaît la silhouette
d’un canard (2249), dont le dessin est joli : ses deux ailes sont déployées au-dessus
de son dos; sa tête, son gros bec et son long cou sinueux permettent d’identifier cet
oiseau à un canard, mais le reste du corps est malheureusement très effacé. Les Egyp-
tiens élevaient plusieurs espèces de canards, mais celle qui semble avoir été la plus
répandue est celle du canard pilet (. Dafila acuta ) M ou canard à longue queue, qui figure
CI Wreszinski, Atlas, I, pl. 92, 222, 3 oo ; N. M. Davies, Ancient Egyptian painting, pi. LIV, LXV,
LXIX ; Davies, The tomb of Puyemrê at Thebes, I, pl. IX.
(*> Bissing, Fayencegefâsse , p. 21 ; Wreszinski, Atlas , I, pi. 90 b.
( 3 ) Gaillard et Daressy, La faune momifiée de Vantique Égypte ( Cat . gén. du Musée du Caire ), p. 70 et seq.
Il faut signaler cette curieuse tombe de Deir el-Medineh dans laquelle un gros poisson, étendu sur un lit
funéraire, remplace la momie osirienne pendant la cérémonie de l’embaumement (tombe n° 2 B, de
Khabekhnet).
( 4 > Lortet-Gaillard, La faune momifiée de V ancienne Égypte , Lyon 1909, P* 1 ^° sec L ? H Boussac, Rec.
Trav . (1911), 33 , p. 59 à 63 .
9 -
68
J. VANDIER D’ABBADIE.
si souvent dans les représentations. Cette espèce est reconnaissable, comme son nom
l’indique, à sa queue assez longue se terminant par deux plumes effilées. Sa tête est
petite et son cou allongé. Il vivait surtout en Basse Égypte et au Fayoum où il était
chassé au filet dans les étangs et les marécages. Mais les Égyptiens l’avaient également
domestiqué et l’élevaient en basse-cour, si on en juge par la célèbre représentation
du tombeau de Ti, montrant le gavage des canards pilets W. Boussac fait remarquer
que ces canards jouaient un rôle dans la grande panégyrie de Min. On a dit que ces
volailles étaient assimilées au dieu Set et que ce serait la raison pour laquelle ils sont
désignés par le mot : mais l’hypothèse est peu vraisemblable.
On trouvera sur un de nos ostraca une excellente représentation du canard pilet
(225 1). Il est ici très simplifié et figuré tout à fait dans la forme de l’hiéroglyphe p’, :
^ ; cette silhouette est donc plutôt un hiéroglyphe agrandi qu’un dessin inspiré par
la nature; on le retrouve également tracé au verso de la pierre. Deux autres esquisses
figurent aussi des canards pilets (2257-2258) et il est regrettable que la première
de ces esquisses ne soit qu’un fragment et ne montre qu’une patte et une partie de
queue et d’aile, car le dessin semble assez détaillé et assez bien observé.
Un oiseau indiqué en noir et rouge seulement (2 2 5 o) est d’une identification bien
difficile; en effet, le dessin n’est pas d’une exactitude zoologique remarquable.
Le mouvement du volatile est saisi en plein vol, il a les ailes déployées et les
pattes pendantes, un bec long et fort. C’est probablement un oiseau de la famille
des passereaux, peut-être un étourneau ou une grive, tous deux très abondants
en Egypte ( 2 L
Ces quelques représentations d’oiseaux paraissent bien pauvres et bien fantaisistes,
quand on évoque les ravissantes figurations de Tell el-Àmarna, des tombes et des
temples du Nouvel Empire elles-mêmes inférieures à celles de l’Ancien Empire, qui
sont si remarquablement dessinées et d’une observation zoologique si sûre.
M. — La plupart des scènes réunies ici sous le titre « satiriques » ont pour acteurs
des animaux dans des attitudes humaines. Ce sont des sujets très originaux, peut-être
plus comiques que satiriques et dont on ne trouve de répliques sur aucun monument
égyptien, tombes ou tombeaux, ni sur aucun objet décoré. Cependant quelques figu-
rines en ronde-bosse, en terre émaillée et provenant d’ El-Amarna ( 3 ), reproduisent des
sujets semblables. Enfin ces scènes se retrouvent sur les papyrus dit «satiriques»;
il y a certainement un rapport entre ces papyrus et nos ostraca, mais il est difficile
(L’affirmer dans quel sens s’est exercée l’influence. Nous aurons l’occasion de revenir
plus loin sur ce point.
l ' ! Montet-Eperon, Le tombeau de Ti, fasc. I, pl. VII, VIII ( Mém . de l’I. F. A. O., t. LXV).
(s) Je dois au regretté V. Loret plusieurs renseignements précieux pour l’identification de ces
oiseaux.
p) Franckfort and Pendlebury, The city of Akhenalen, part I, pl. XXXI.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
69
Ces sortes de caricatures sont tracées sur le modèle de scènes bien connues qui appa-
raissent dans l’iconographie des tombes de la région thébaine, mais jouées par des
humains et non parodiées par des animaux. Ainsi, le chat berger d’un troupeau d’oies
rappelle, dans la disposition générale et le sujet, le jeune garçon conduisant au pâtu-
rage ses oies ou ses bœufs Û). De même, le chat qui, devant la table d’offrandes bien
garnie, apporte des fleurs à un défunt , rat ou souris, parodie sans aucun doute la scène
rituelle de l’offrande au mort, C’est donc dans ces représentations classiques et si
fréquentes que les dessinateurs ont puisé les idées comiques et les dispositions de
ces scènes satiriques. D’après les papyrus conservés au British Muséum, au Caire ou
à Turin < 2 ), on peut supposer que chacun des sujets qu’on retrouve sur les ostraca
Fig. 33.
était destiné à faire partie d’un ensemble plus important parodiant les papyrus
funéraires ou bien illustrant un conte, dont l’argument nous reste malheureusement
inconnu puisque aucun texte n’accompagne ces images.
Le papyrus de Londres présente la scène du chat berger menant ses oies au pâturage.
Cet ancêtre de notre Guillot, sa houlette à la patte, marche gravement derrière son
troupeau d’oies (fig. 33 ). On y trouve également la parodie de l’offrande funéraire
dont les ostraca nous donnent de nombreux exemples. Le rat, comme nous l’avons dit,
remplace le défunt, assis sur la chaise devant la table d’offrandes, tandis qu un chat
faisant l’office de prêtre funéraire apporte des fleurs ou des victuailles. La plupart des
ostraca, qui dans notre collection traitent ce sujet, sont extrêmement fragmentaires;
le seul qui présente une scène complète (2298) est malheureusement assez effacé.
On peut y remarquer cependant que le rôle du défunt, ici, est joué par un renard et
celui du dédicant par un chat qui, un grand éventail à la patte, rafraîchit les offrandes
ou le bénéficiaire des offrandes lui-même.
( l ) Davies, The Tomh of Puy entre ai Thebes , I, pb XII; Papyrus du Caire 382 2 Af
W Lepsius, Aumahl, pl. XXIII; Oluvier-Beauregard, La caricature dans l Lgypte ancienne, pl. 22 , 23 ,
28, 29.
1 0
70
J. VANDIER D’ABBADIE.
Sur un autre dessin très sommaire (2810), le défunt est de nouveau figuré par un
rat, mais ce sont, cette fois-ci, deux personnages, un chat et une chèvre, qui lui ap-
portent les offrandes. A travers toutes ces variantes, on retrouve la parodie de cette
meme scene funéraire, qui était dans les tombes et sur les stèles le thème favori du
répertoire classique h). On s étonné a juste titre que cette représentation funéraire
ait été si souvent caricaturée par des artistes qui, ce faisant, se montraient bien peu
respectueux des plus anciennes traditions de l’Égypte. Un autre papyrus cependant
en donne un exemple encore plus complet et détaillé c’est le fragment qui est conservé
au Musee du Caire (fig. 34 ) ' 2 ). Une souris figurant la défunte reçoit les hommages
de toute une famille de chattes. L’une lui présente des offrandes, la seconde joue le
rôle de nourrice et tient dans ses bras un jeune
souriceau encore au maillot, une troisième en
flabellifère bien stylée rafraîchit avec des palmes
le front de la dédicatrice, tandis qu’une esclave,
une chatte encore, coiffe sa maîtresse avec autant
d’adresse que d’empressement. Tous ces détails
charmants, familiers et ironiques, nous font entrer,
sous couvert de caricature, dans le harem, dans
F %- 3i - l’intimité d’une grande dame à sa toilette. Dans
cette composition, le dessinateur a réuni la scène
de l’offrande à celle de la toilette dont plusieurs des ostraca de ce catalogue ont
fourni de jolis exemples (pl. XLIX à L 1 V). Ces scènes de gynécées qui devaient être
charmantes sont maintenant très rares et ce n’est plus guère que sur les- ostraca
qu’on peut les retrouver. Leur parodie, en tous les cas, orne non seulement le
papyrus du Caire, mais encore quelques fragments de calcaire. C’est ainsi que deux
d’entre eux (2806-2807) montrent une rate assise sur un siège, vêtue d’une jupe
P lissée et procédant à sa coiffure aidée d’une servante à laquelle on prête la forme
d’un renard ou d’une guenon, debout derrière elle. Sur un de ces dessins (2807),
l’artiste, soucieux de vérité, a montré la rate se mirant dans un miroir rond à manche,
que la coiffeuse vient de lui tendre et dont 1 etui est pendu à son bras. Ces esquisses
sont assez effacées et fragmentaires, mais celles qu’on peut voir dans plusieurs musées
reproduisant les mêmes thèmes sont heureusement mieux conservées. C’est ainsi qu’à
New York' 3 ) une scène très complète montre une rate assise sur un siège pliant; devant
elle un chat tend une oie troussée et un grand éventail. Un de nos petits fragments
(2800) devait appartenir à une scène tout à fait analogue. Au musée d’Hildesheim,
on peut voir un ostracon absolument semblable dans sa composition et ses détails < 4 >,
(,) Lacau, Stèles du Nouvel Empire ( Cat . gén. du Musée du Caire), pl. XXXIII, XLIV, XLVII, XLVIII.
m Gauthier-Laurent, Mélanges Maspero (Mémoires de.l’I. F. A. O., t. LXVI), p. 673, pl. II d.
,5 > Catalogue of Muséum and Gallery of Art, New York H. S., 1903, p. 5 a.
(4) Hildesheim, n° d’inv. : 3988.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
71
ainsi qu’à Munich où une réplique de cette scène est admirablement conservée' 1 ).
Le musée de Bruxelles possède également deux exemplaires de ce même sujet ; mais
l’un d’eux se complique de plusieurs autres personnages ( 2 ). C’est une jolie compo-
sition où l’on voit, suF une estrade, une rate, assise sur un pliant et un cortège de
trois personnages s’avançant vers elle : une chatte, d’abord, qui lui présente une
coupe d’onguents et un éventail, puis deux renards ; le premier, qui porte des fleurs,
pousse l’incongruité, sous l’effet de l’émotion, ou par facétie, jusqu’à s’oublier dans
ce lieu élégant, et le second joue de la harpe. Produits de beauté, fleurs et musique,
voilà une grande dame comblée ! Une guirlande de feuilles orne la partie supérieure
de cette scène dont la verve humoristique et l’observation satirique se passent de tout
commentaire .
Si la scène de l’offrande funéraire dont nous venons de voir les parodies est
fréquente dans les tombes thébaines, il est beaucoup plus rare d’y rencontrer, tout
au moins à cette époque, la scène de la coiffure et de la toilette d’une dame. Le
meilleur exemple de cette scène gracieuse semble être celui qui décore le sarcophage
de Kaouit de la XI e dynastie. La princesse boit un bol de lait; derrière elle, une
servante la coiffe et natte sefe cheveux tout en plantant avec des gestes précis des
épingles dans sa chevelure' 3 ). De petits groupes en ronde-bosse datant de la même
époque reproduisent également des scènes de coiffure ; mais on peut difficilement les
comparer aux esquisses sur calcaire dont ils diffèrent totalement par la composition
autant que par le style.
Il est certain que ces parodies semblent n’avoir eu pour modèles que les scènes de
toilette peintes sur les ostraca qui seront publiés plus bas.
On pourrait supposer que ces scènes d’offrandes, dont on trouve des répliques sur
papyrus, avaient été composées et tracées sur ostraca d’abord et que ces premiers essais
avaient servi de modèles pour décQrer les papyrus. Cependant beaucoup de ces compo-
sitions sur ostraca semblent bien avoir été peintes sans but pratique, et elles forment,
indépendamment de toute influence, un tout. L’ostracon de Bruxelles, par exemple, pa-
raît bien être une œuvre indépendante adaptée à la forme du morceau de calcaire sur
lequel elle figure, et composée spécialement pour cette forme. Tout l’intérêt de la scène
est au centre et la courbe des deux personnages extrêmes, de la harpe, et de la guirlande
de feuilles, l’encadre en suivant la courbe du morceau de calcaire lui-même. C’est une
constatation qu’on peut faire souvent à propos de ces esquisses sur calcaire, qui, dans
bien des cas, étaient composées avec le souci de la surface à décorer, tout comme s’il
s’agissait d’une grande paroi, prouvant ainsi qu’elles avaient une fin en elle-même et
qu’elles n’avaient pas été composées pour servir de projet à une autre décoration.
. (l) Scharff, dans W. Otto, Handbuch der Archdologie , II, pl. 92, &.
P) Bruxelles , n° d’inv. :E. 6 4 4 2 et E. 6379; Capart, Documents pour servir à V élude de VArt égyptien ,
II, pl. 73.
Benedite, Objets de toilette (Cat. gén. du Musée du Caire). Frontispice.
10.
72
J. VANDIER D’ABBADIE.
Pour en revenir aux thèmes communs aux ostraca et à certains papyrus satiriques, un
des plus audacieux est celui qui représente un animal debout dans un char ( 2 3 o 4-2 3 o 5 ) .
Ces deux croquis très mutilés et très effacés n’auraient rien de bien significatif en eux-
mêmes si le développement de cette scène ne se retrouvait dans toute son ampleur et
son ironie sur le papyrus de Turin (fig. 3 5) W. On y constate l’esprit moqueur et fron-
deur des scribes qui n’hésitaient pas à s’attaquer même au roi. En effet, sur le papyrus,
le rat, monté sur un char attelé de deux chiens lancés au galop, tire à l’arc sur une for-
teresse défendue par des chats, et à l’assaut de laquelle se rue toute une armée de rats.
On reconnaît facilement dans cette parodie, la scène traditionnelle du r.oi combattant
ses ennemis, qui décore certains monuments comme à Karnak, à Louxor ou au llames-
seum par exemple, et où sont représentées la fameuse bataille de Kadesh et la prise de
Dapour ( 2 ). Sur le papyrus, la parodie est si évidente que la comparaison avec ces glo-
rieux modèles s’impose tout naturellement à l’esprit. C’est la même composition, le
même groupement de combattants et la même reproduction exacte de la forteresse. Il y a
d’ailleurs sur ce papyrus une autre composition qui semble être une autre caricature du
roi : c’est celle où le lion joue aux échecs avec une gazelle assise devant lui à une table de
jeu. C’est le sujet d’une scène de Medinet Habou figurant Ramsès IV jouant aux échecs
avec ses concubines ( 3 L Si étonnant et si peu respectueux que cela puisse paraître, ces
caricatures royales, quoique peu nombreuses, ne sont cependant pas uniques, et nos
fragments d’ ostraca ont certainement appartenu à des scènes semblables à celle du pa-
pyrus de Turin. Un petit objet trouvé à Tell el-Amarna reproduit également la caricature
de ce motif guerrier, c’est un petit char en terre cuite coloriée, tiré par deux chevaux et
conduit par un rat W. Le sujet, quoiqu’un peu différent de celui du papyrus, semble
comporter, lui aussi, une intention satirique. C’est le cas également pour d 'autres pièces
W Lepsius, Auswahl, pl. XXIII = Prisse d’Avennes, Histoire de U Art égyptien d’après les monuments , Atlas ,
t. i er , pi. 71.
(2) Wreszinski, Atlas , II, pl. 34 , 45 , 107/8; Lepsius, Denkmâler, III, 166.
(3) Rosellini, Monumenti Storici, I, pl. CXXII.
Franckfort-Pendlebury, The city of Akhenaten, part I, pl. XXXI.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
73
du même genre trouvées aussi à Tell el-Amarna, dont les thèmes s’apparentent à ceux
de certains ostraca. C’est ainsi qu’une petite figure en ronde-bosse représente un singe
jouant de la harpe M, sujet qu’on retrouve sur l’ostracon n° 2 2 8 1 . Le harpiste est assis
sur un tabouret rembourré d’un coussin dont l’épaisseur est ornée d’un motif en
forme de serpent aux replis onduleux ; -ce même motif figure autour des matelas qui
recouvrent les lits des scènes de gynécées que nous verrons plus loin (Série N). Devant
la guenon musicienne, on aperçoit la tête d’un jeune garçon prosterné. Cette partie très
mutilée ne permet pas déjuger si l’enfant s’incline simplement ou s’il dépose quelque
chose aux pieds de l’animal. Ce geste est assez vraisemblable car le texte tourné vers le
jeune garçon lui fait dire : « Voici de l’eau pure ! » Il est donc probable qu’il verse une
libation devant la guenon. Celle-ci, d’après la légende prononce les paroles suivantes :
« Je suis une aimée de son maître, une louée de ...(?) » L’artiste a-t-il voulu parodier la
scène du harpiste aveugle dont la guenon reproduit la pose habituelle, ou a-t-il voulu
caricaturer ces jeunes musiciennes qui charment de leurs accords harmonieux les ban-
quets funéraires si souvent reproduits sur les parois des tombes? Le fragment est trop
mutilé pour qu’on puisse répondre d’une façon satisfaisante à cette question, mais l’in-
tention caricaturale ne saurait être niée W. Les mêmes remarques sont valables pour un
autre tableau qui met encore un singe en scène. Celui-ci debout devant un tas de blé
s’incline légèrement en avant dans la pose habituelle des scribes occupés à écrire sur
leurs tablettes ; malheureusement les mains étant effacées il est impossible de voir si ce
singe tient réellement le calame ou le rouleau, cependant le geste et l’ensemble de la
scène justifient une telle hypothèse. Un second singe faisait face à ce scribe supposé ; il
ne reste plus aujourd’hui que l’avant-bras de l’animal et sa main qui s’appuie sur une
haute canne. Entre les deux acteurs, au-dessus d’un tas de blé, une inscription donne
un titre : « Scribe du double grenier» qui, bien que l’écriture soit dirigée vers le per-
sonnage fragmentaire, ne peut s’appliquer qu’au premier singe dont l’attitude géné-
rale est certainement celle d’un scribe. Le sens de la scène devient ainsi très clair : il
s’agit d’un scribe qui, au cours d’une tournée de son maître, inscrit dans son inventaire
les entrées des céréales. Les tableaux figurant le maître faisant l’inspection des récoltes
de son domaine et les scribes inscrivant les produits de ces récoltes, sont assez fréquents
dans les décorations murales des tombes de toutes les époques et notamment au Nouvel
Empire. Pourquoi l’artiste a-t-il représenté ici le scribe sous l’aspect d’un singe?
Faut-il y voir une allusion à Thot, dieu de l’écriture, généralement adoré sous la forme
d’un babouin? Quoi qu’il en soit, il est certain qu'e les singes, avec leur malice, leur
vivacité et leur aptitude à imiter les hommes, devaient inspirer tout particulièrement
les scribes humoristes et leur donner l’idée de leur faire jouer maint rôle humain. C’est
pour cette raison que ces animaux ont une part si importante dans les ostraca satiriques
Franckfort-Pendlebury, The city of Akhenaten, part I, pl. XXXI. Un petit groupe semblable est
conservé à University College, Londres. — m De nombreuses statuettes de calcaire représentant un
singe harpiste ont été retrouvées à Deir el-Medineh.
74
J. VANDIER D’ABBADIE.
ou simplement humoristiques. En effet, les nombreuses scènes figurant un ou deux
singes s’attaquant à un gros paquet enveloppé d’un filet et posé devant eux semblent
repondre a une intention plus comique que satirique, mais comme ils représentent
des animaux exécutant des mouvements humains, nous les avons néanmoins fait figurer
dans cette série.
La scène se compose généralement d’un ou de deux singes debout de chaque côté
d’un gros sac en filet sur lequel ils frappent comme s’ils voulaient l’éventrer. Le contenu
de ce filet est indiqué sur quelques-unes de ces compositions (2 2 7/1-32 7 5) par des
points noirs. Le dessin 2278 montre que ces points noirs sont des noix de palmiers
«doum». Sur cet ostracon, en effet, le singe mange une de ces noix dont il a réussi à
s’emparer, tandis qu’une grappe de ces fruits et uhe grande feuille pendent encore
devant le sac, indiquant ainsi l’arbre sur lequel la récolte venait d’être faite. Cette iden-
tification est rendue certaine par la découverte, faite à Deir el-Medineh dans la tombe
de l’architecte Khâi 1 ), d’un vrai filet de grosse corde rempli de ces noix de palmier-
doum. On a déjà vu que les singes, friands des fruits du « Doum» étaient employés à la
récolté de ces fruits. Aussi est-il permis de supposer que ces scènes sont des épisodes
de la récolte des noix et que les gestes comiques de ces grands singes avaient amusé les
dessinateurs qui s’étaient exercés à les fixer. Ils ont, en effet, observé avec la même
acuité l’animal entêté à garder son butin (22 7 4-2 2 76-2 2 78) ou frappant violemment
sur le filet avec un bois recourbé (2276-2277-2279) dans l’intention d’en faire
sortir un fruit. Sur 1 une de ces compositions, un petit texte indique que l’animal est
une guenon : «La belle guenon (kft), aimée de son maître.» Ce détail montre à quel
point cet animal était domestique a cette époque et considéré comme faisant partie
des choses et des êtres de la maison.
Quelques-uns des ostraca de cette série sont plus vivement colorés que beaucoup
d autres, avec une plus grande variété de tons. C’est ainsi que le pelage des singes est
indiqué par un ton vert assez soutenu, tandis que les rubans, les visages et les mains
sont d un rose vif. Le filet est peint à deux ou trois reprises en jaune clair ou en vert et
les noix sont marquées à travers les mailles par des points marrons. Il est regrettable
que ces petites peintures aient eu à subir l’injure du temps car elles devaient, dans leur
fraîcheur, constituer, avec leurs couleurs brillantes et leurs détails spirituels, des petits
tableaux charmants et originaux.
A ma connaissance ce sujet n a jamais été reproduit dans la peinture égyptienne. Un
petit groupe en terre émaillée et provenant de Tell el-Amarna, comme le char conduit
par un rat assis, dont il a ete question plus haut, rappelle ce thème. Un singe assis en-
toure de ses bras un sac de noix de « doum», comme un précieux butin qu’il cherche à
protéger (fig. 36 ). Cet objet était probablement un jouet comme les autres groupes du
meme genre trouves sur ce site et na, par conséquent avec nos ostraca, qu’une'
Schiaparelli, La tomba intatta dell’architelto Cha , nella necropoli di Tebe, 1937, p. i65, fig. i5o.
75
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
communauté d’inspiration. De nombreuses statuettes ou ébauches de sculptures du
même genre ont été retrouvées également à Deir el-Medineh ; elles représentent aussi
un singe assis tenant un gros sac de noix de « doum» W.
On a vu que les renards, comme les singes, étaient appelés à jouer leur rôle dans ces
scènes comiques. C est un renard qui se trouve être le principal acteur d’un des plus
charmants et des plus intéressants dessins de ce
genre. Ce petit tableau représente un renard
debout sur ses pattes de derrière, une besace jetée
sur son épaule. Il tient entre ses pattes de devant
une double flûte, dont il tire des sons mélodieux
pour faire danser le jeune chevreau qui saute
devant lui, et qui, debout, exécute visiblement un
pas de danse. Le dessin est excellent et très
expressif. J’ai déjà eu l’occasion de signaler com-
bien était grand l’intérêt de cette scène ( 2 ), qui semble être l’illustration exacte d’une
fable d’Esope ( 3 >; le chevreau, se voyant pris, demande au renard de jouer de la flûte,
pour montrer ses talents avant de périr. Le berger attiré par le bruit de la flûte s’aper-
çoit du danger que court son chevreau et se précipite à son secours mettant en fuite le
ravisseur. Il y a une telle parenté entre le début de cette fable et cet ostracon qu’on ne
peut s’empêcher de faire le rapprochement et de se demander si Esope n’a pas fixé
dans cette fable un apologue très ancien, transmis oralement à travers les siècles et que
les habitants de la région thébaine, sous la XIX e dynastie, auraient déjà connu. Il n’y
aurait donc pas dans ce dessin une intention satirique mais seulement un essai d’illus-
tration d’un apologue à conclusion morale.
La tombe d’Apouy, si riche en scènes familières et pittoresques, offre un groupe qui
rappelle un peu celui de notre ostracon bien qu’il ne soit pas traité en parodie. On y
voit un berger qui joue de la double flûte en menant au pâturage un troupeau de
chèvres et de chevreaux folâtrant devant luD 4 ). Dans le papyrus de Turin, c’est au con-
traire la figure du renard musicien qui réapparaît, mais dans une scène différente qui
ne saurait être mise en parallèle avec celle-ci ( 5 b Cette figure du renard musicien semble
{l) Dans une tombe de Deir el-Medineh, une scène esquissée en rouge montre un bateau sur lequel on
aperçoit un singe qui danse sur un amoncellement de sacs de noix de « doum». Un harpiste accompagne
la danse de l’animal. Ce bateau de commerce revient sans doute de l’Éthiopie, pays des singes (Bruyère,
Deir el-Medineh , 1927, p. 29, fig. 20).
(2) Chronique d’Égypte, n° 28, juillet 1989, p. 34 o.
W Ésope, Fables (Coll. G. Budé), p. 4 9 , n° 107.
(4) Dàvies, Two Ramesside Tombs at Thebes, pl. XXX, XXXIV ; Une charmante scène qui, bien que
datant de la VI e dynastie, rappelle le sujet de la tombe d’Àpouy en même temps que celui de notre
ostracon, mérite d’être signalée. On y voit deux chèvres qui dansent gracieusement au son de la flûte
d’un berger (Blackman, The rock tombs of Meir , IV, pl. XIV).
{5) Lepsius, Auswakl pl. XXIII.
76
J. VANDIER D’ABBADIE.
etre très ancienne dans 1 art égyptien puisque, dès l’époque prédynastique, on en
trouve des représentations (fig. 37) (»). On voit que dès les premiers temps de l’histoire
notre maître Isengrain était appelé à jouer un rôle dans les fables.
Un dessin, dont le sujet est unique dans les ostraca et qui est un des plus originaux
de cette série, est celui du buveur au siphon. Le personnage principal est assez mal ca-
ractérisé. J’avais tout d’abord pensé qu’il s’agissait d’un cynocéphale,
J™*. mais le museau très allonge et surtout les pattes, quoique maladroitement
dessinées semblent plutôt appartenir à un chien qu’à un singe. L’animal,
li kV x| dont le haut du corps est humain, est assis pompeusement sur un siège
y/)) \ rec °uvert d’une peau de bœuf, les pattes appuyées sur un petit tabouret.
Devant lui, deux amphores sont posées sur une sellette ; dans l’une d’elles,
Fl S- 3 7 - plonge la branche verticale d’un siphon dont le chien tient la branche
horizontale ; c’est par ce moyen qu’il boit le liquide contenu dans l’amphore.
Le siphon était d’un usage courant au Nouvel Empire. On voit sur certaines
représentations des amphores tenues au frais sous des
feuilles ou dans des kiosques et dans lesquelles plonge un
siphon (fig. 38 ) {*). Une scène montre qu’on se servait du
siphon pour transvaser les liquides d’un récipient dans un
autre ce qui évitait de remuer les lourdes amphores ( 8 >.
Un coude de siphon en bronze a été retrouvé dans les
fouilles de Tell el-Amarna (4 >. C’est un tube à angle droit,
dont les tiges sont réunies par une barre; dans l’espace
triangulaire ainsi formé, se loge un décor floral ajouré.
D’après Erman, le siphon à boire serait une importation
d’origine syrienne. En effet, une représentation très inté-
ressante, sur une stele, montre un soldat syrien buvant dans une grande amphore au
moyen d’un siphon (fig. 39) ( 5 L Ce monument qui provient aussi de Tell el-Amarna
semble avoir inspiré notre ostracon car le dédicataire de la stèle est assis, comme
le chien, sur un siège à coussin et se désaltère dans de grands vases posés devant
lui sur des sellettes. Un ostracon de Munich, que nous avons déjà signalé dans les paro-
dies de scènes de toilettes (cf. p. 1 o 4 ), met en scène une souris assise dans un fauteuil
et buvant, comme ici, au moyen d’un siphon, On peut ajouter à ces scènes l’image d’un
dieu Bès qui se sert du même instrument pour puiser dans un grand vase et deux
autres Bès qui, de chaque côté d’une grande amphore posée sur une sellette, se désal-
tèrent également à l’aide de siphons. Ces deux scènes sont gravées au dos de deux
, (l) Capart, Les débuts de V Art, p. 226, fig. i 56 .
(2) Davies, 'ïwo Ramesside Tombs at Thebes , pl\ XXXIV; Two sculptors at Thebes , pi. XIX.
(3) Klebs, Die Reliefs des N . R., I, p. 59.
F. Ll. Griffith, Journal of Egyptian Archaeology , XII r p. 22.
(5) Klebs, op. cit,, p. 69, abb. 43.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
77
(1) W. Max Muller, Egyptian mythology, p. 62, fig. 65 = Grenfell, P . S. B. A. (1902), p. 32 ,
fig. XXXVIII, XXXIX.
(2) Garstang, Burial customs of Ancient Egypte p. 64 , fig. 5 o- 5 i, p. 74-76, fig. 61-62; Wreszinski,
Atlas y I, 22, 86 a t 299.
scarabées (fig. 4o)ô). Ces compositions sont, à ma connaissance du moins, les seules
qu’on puisse rapprocher de notre ostracon ; il n’est pas besoin de souligner davantage
l’intérêt de ce sujet exceptionnel.
L’illustration des tombeaux du
Moyen et du Nouvel Empire com-
porte fréquemment des scènes de
brasserie ( 2 h Elles sont générale-
ment composées d ’un gros homme,
debout devant une grande am-
phore ; il brasse le grain qui se ‘
trouve dans un large tamis posé
sur l’amphore ; autour de lui s’ac-
tivent des aides qui apportent
l’eau ou les grains dans de grands
vases suspendus à des palanches.
Cette scène bien connue est
traitée d’une façon humoris-
tique sur le papyrus satirique du
British Muséum où le gros bras-
seur est figuré sous les traits d’un
hippopotame et ses serviteurs sous
ceux de chèvres. Nous retrouvons
parmi les ostraca quelques frag-
ments d’esquisses reproduisant le
même sujet. Sur l’un d’eux (a 3 1 3 ), on voit les mains et la panse du brasseur devant
lequel une chèvre se tient debout portant deux am-
phores suspendues aux deux bras d’une palanche.
| Sur un autre fragment (2 3 1 4 ) , une partie de la tête,
! le tamis, les pattes du porteur d’amphore et l’am-
j ^ ^ Jy phore elle-même sont les seuls éléments subsistants
^ de cette scène.. Quoique incomplets, ces fragments
Fig- 4o. peuvent facilement être identifiés à la scène de
brasserie du papyrus du British Muséum.
Si certains fragments comme ceux que nous venons de voir sont manifestement ap-
parentés à des sujets connus, d’autres, au contraire, semblent ne pouvoir se rattacher
à aucune série de scènes. C’est le cas de certains morceaux tel que celui représentant un
Fig. 3g.
J. VANDIER D'ABBADIE.
78
grand singe debout devant une haute sellette supportant une corbeille. Ce singe est-il por-
teur d’offrandes? C’est possible, quoique son geste soit assez difficile à définir (2289).
Trois autres fragments semblent appartenir aux scènes de parodies de musiciens. Deux
d’entre eux figurent des singes jouant de la double flûte (2291-2292) et un troisième
met en scène un chevreau debout occupé probablement au même passe-temps (2295).
Ces trois esquisses étaient peut-être destinées a faire partie d un de ces orchesties
burlesques dont le papyrus de Turin montre un si remarquable exemple.
Enfin, plusieurs fragments présentent des personnages ou des parties de person-
nages qu’on peut rattacher aux scènes d’offrandes ou d’adoration. On voit ainsi un
rat, remarquablement dessiné, habille d un pagne plisse (2808). Il est assis sur une
belle chaise à dossier retourné et figure bien le grand personnage auquel des servi-
teurs et des parents viennent apporter des offrandes. Une scène très effacée et de mau-
vais style montre un chien suivi d’une chèvre (2810), tous deux font un geste d’ado-
ration devant un rat assis sur un siège en X, surélevé par une estrade W.
C’est également un porteur d’offrandes que parodie un chien debout vêtu d’un
pagne et portant un vase (2 3 16-281 7). Au verso de cet ostracon, est un autre chien
également debout, mais orné seulement d’un collier autour du cou. Il monte majes-
tueusement un petit escalier au haut duquel se trouve l’entrée d’un temple ou d’un
tombeau. Il portait sur son épaule un objet que l’état fragmentaire du morceau em-
pêche d’identifier.
Après avoir examiné ces dessins réunis sous le titre « satiriques», on comprend que
leurs sujets rares et nouveaux aient intéressé et intrigué beaucoup d archéologues ;
ils restent néanmoins difficiles à interpréter et il n’est pas sûr que l’épithète «co-
miques » ne leur conviendrait pas mieux que celle de « satiriques » qui leur a été donnée
ici, car la satire y est souvent malaisée à définir.
Quoi qu’il en soit, ce lot de dessins, s’il fournit un grand nombre de répliques à des
thèmes déjà connus, ajoute à ce répertoire beaucoup de sujets inédits. Il permet de
constater qu’à cette époque la verve satirique ou comique des scribes, loin de con-
stituer des cas isolés, peut être rattachée, au moins dans cette région de l’Egypte, à
la manifestation spontanée d’un esprit général assez goûté. Ce ne sont évidemment
pas les premières manifestations de l’esprit comique et moqueur des scribes égyptiens ;
à toutes les époques, ils ont laissé fuser leur gaîté moqueuse en posant parfois au milieu
d’une scène sérieuse un détail amusant. C’est, dans une scène de repas funéraire,
deux singes se disputant avec âpreté sous l’œil pacifique d’un chien < 2 ) ou bien un
singe qui, comiquement, imite la danse gracieuse d’une ballerine W. Mais ce ne sont
là que des détails isolés et non pas comme dans nos ostraca un ensemble dénotant
un courant d’idées nettement marqué. Cette liberté de pensée et d’expression étonne
cependant un peu de la part d’artistes dont l’activité, était consacrée, en grande partie,
(>) L e fragment a3i8 devait représenter un sujet analogue. — (,) Mackay-Petrie, Ilemamieh, pl. X. —
W Davies, The rock tombs of Sheikh Saïd, pl. IV.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
79
à reproduire des scènes d’un caractère religieux ou funéraire. Ces dessins révèlent
chez leurs auteurs un esprit affranchi et indépendant qu on ne s attend pas a trouver
chez ces hommes qui paraissaient, d’autre part, si respectueux de leurs rois, de leur
religion et de leurs traditions.
Les manifestations formelles de cet esprit ne se rencontrent guere avant la deuxieme
moitié du Nouvel Empire 0 ) . On doit toutefois signaler qu’on peut relever certains signes
avant-coureurs de cet état d’esprit à une époque qui fut exceptionnelle pour l’art,
parce que toutes les libertés y furent autorisées, je veux dire à l’époque amarnienne.
Après l’effondrement du schisme amarnien, les anciennes traditions artistiques qui
avaient été abandonnées pour la plupart furent reprises, mais il semble que quelques-
unes des esquisses sur calcaire aient gardé, sinon le style, du moins un peu de 1 esprit
de Tell el-Amarna. On a vu d’ailleurs que quelques-uns des sujets traités sur ostraca,
comme le char attelé de chats, le singe harpiste, furent créés dans la ville d’Akhnaten
et exécutés en ronde-bosse sous la forme de petits jouets en terre cuite. D autre part,
le chien jouant le rôle du buveur au siphon semble avoir été inspiré directement d’une
stèle de Tell el-Amarna.
Il se peut donc que l’esprit comique et libre qui se manifeste dans nos documents
ait été une survivance ou un legs de 1 esprit amarnien. Il est vraisemblable que les
artistes qui avaient travaillé sous Akhenaten avaient émigrés après la mort du roi, et
on peut supposer qu’ils étaient venus s’installer dans cette région de la nécropole
thébaine où ils auraient apporté ce genre d’esprit. D’autre part, on a vu que l’un de
ces dessins (2 2 9 A) évoquait une fable d’Ésope à un tel point qu’il aurait pu lui
servir d’illustration. Il est regrettable qu’on n’ait pu retrouver d’autres exemples de
ce genre, nous aurions ainsi connu, sans aucun doute possible, une des raisons d’être
de ces compositions sur ostraca. En effet, cet unique exemple est insuffisant pour
prouver d’une façon formelle que ces dessins étaient inspirés par des fables d’animaux.
Cependant l’apologue est si naturel à l’esprit oriental qu’il ne devait pas être ignoré
des Égyptiens ( 2 ). Si les papyrus du Nouvel Empire ne nous ont conservé aucune fable,
i‘> Un des seuls exemples antérieurs à nos dessins et qu’on puisse signaler est une scène gravée sur
un cylindre acquis par le Musée de Bruxelles. M. Capart, quia publié et commenté ce document ( Comptes
rendus de T Acad, des Inscriptions et Belles-Lettres, i 9 36, p. *3), le date de l’époque hyksôs. On y voit au
milieu d’une succession désordonnée d’animaux et de signes hiéroglyphiques une petite scène comique :
un âne assis par terre joue de la harpe devant un singe ( ? ) debout, dont la tète est ornée d une
plume.
P) Les Sumériens devaient avoir eux aussi leurs fables : une décoration de harpe trouvée dans les
tombes royales d’Our pi outre des scènes où des animaux sont représentés dans des occupations humâmes,
c’est ainsi qu’un chien porteur d’une table d’offrandes est suivi par un lion tenant une coupe et une
amphore. Plus loin un animal joue de la harpe et un autre semble danser. M. Contenau se demande s il
s’agit de fables ou de représentations satiriques comme en Égypte. Contenau, Manuel d’ Archéologie orientale ,
fil, p. 1 53 7 -i 538. Cet exemple et celui du cylindre hyksôs du Musée de Bruxelles (cf. Comptes rendus
de l’Acad. des Inscriptions et Belles-Lettres, i 9 36, p. 3o, fig. 5) montrent que ces mêmes motifs étaient
répandus dans tout l’Orient à des dates extrêmement anciennes.
80
J. VANDIER D’ABBADIE.
c’est sans doute paxce que les Egyptiens se les transmettaient oralement de génération en
génération. La basse époque, sur ce point, se montre plus généreuse : des papyrus démo-
tiques relatent des contes qui mettent en scène des animaux G). Ces récits qui font parler
et agir des lions, des souris et toutes sortes d’animaux, sont bien dans l’esprit des
dessins satiriques et remontent certainement à une époque beaucoup plus ancienne * 2 L
Les contes n’ont pas été les seuls à inspirer les artistes égyptiens : un ostracon
conservé au Musée de Berlin est probablement l’illustration d’une de ces vieilles
légendes religieuses où les dieux et les déesses sous
forme d’animaux participent à des aventures terrestres.
La légende, dont il est question ici, serait celle d’Ha-
thor métamorphosée en chatte et qui, en grande
colère contre Rë', se retire en Nubie* 3 ). On lui envoie,
• r
pour la calmer et la convaincre de rentrer en Egypte,
le dieu Thot sous l’aspect d’un petit singe. L’éloquence
de celui-ci calme la chatte, et le dieu réussit à la
ramener dans la Vallée du Nil. L’ostracon représente
le singe exerçant son éloquence devant la chatte
courroucée (fig. 4i)W.
Cet exemple, comme le précédent, confirme 1 hypo-
thèse que beaucoup de ces dessins humoristiques ont
puisé leur inspiration dans la littérature, les fables ou
les légendes. Enfin, dans plusieurs de ces dessins, il est possible qu’on doive tenir
compte de l’esprit moqueur et critique des Egyptiens, développé encore par l’in-
fluence et le souvenir de l’époque amarnienne.
N. — Les dessins groupés sous le titre : «Scènes de gynécées», peuvent compter
parmi les plus charmants qui soient figurés sur les ostraca. Ils donnent des détails
(1) Brugsch, Papyrus démotique, À. Z. (1878), p. 47. On doit signaler également à la Basse Époque un
groupe en ronde-bosse de la même veine humoristique que les ostraca et les papyrus, c’est un combat
de boxe entre un chacal et un chat arbitré par un coq qui domine la scène, A. Z. (1921), p. 87.
Enfin on ne saurait passer sous silence un très curieux bas-relief de la XXV e dynastie, trouvé et publié
par M. Bisson de la Roque ( Medamoud , 1980 p. 78-74, fig. 54 - 55 ), et sur lequel sont sculptées des
scènes dont la parenté avec les ostràca satiriques est indéniable. On y voit une rate assise sur un
siège très élevé respirant une fleur de lotus ; au pied de son fauteuil s’avance un chat, tandis qu’un
renard, dans la pose bien connue du brasseur, plonge ses mains dans une grande amphore. Plus loin,
un crocodile couché joue du luth accompagné par une harpiste qui se tient debout sur son dos. Sur un
autre bloc, des animaux debout sur leurs pattes, semblent plumer une oie gisant sur une sellette. C’est
le seul exemple que je connaisse d’une semblable scène décorant les parois d’un temple et, bien qu’il
ne semble pas qu’il s’agisse d’un «mystère» comme le suggère M. Bisson de la Roque, on ne voit pas
la raison qui motive une scène de ce genre dans un temple.
(S) Roeder, Altâgyptische Erzàhlungen und Mârchen, p. 3 o2-3i4.
Junker, Onurislegende, p. 162, VI (Leyde pap., I, 884 ).
(4) Schafer, Aegyptische Zeichnungen . . .. abb. 6.
OSTBAGA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
81
sur la vie familière des dames de qualité dans la société égyptienne. Ces détails sont
d’autant plus précieux qu’on ne les retrouve dans aucune tombe, sur aucun objet, a
peine peut-on citer quelques rares stèles du Nouvel Empire sur lesquelles on voit des
scènes vaguement apparentées à celles que nous étudions dans ce paragraphe
D’autre part, il n’est pas impossible que des tableaux du même genre aient orné les
parois des maisons d’habitation de Deir el-Medineh. Les fouilles, en effet, ont permis
de reconnaître sur des parois, malheureusement presque entièrement détruites, des
fragments de fresques décoratives reproduisant les sujets les plus variés. Générale-
ment, ces compositions réunissent dans un tableau intime une scène de toilette et
une scène reproduisant l’allaitement ou la naissance d’un enfant, mais plusieurs
dessins représentent seulement des femmes à leur toilette. Sur l’un d’eux, par exemple
(2336), une jeune femme assise sur une chaise tient une fleur de lotus dans sa main
gauche et une coupe dans sa main droite qu’elle élève à la hauteur de son visage.
Debout devant elle, une servante verse l’eau d’un petit vase dans la coupe tenue par
sa maîtrésse. Derrière cette servante, se dresse une sellette sur laquelle sont posées
trois grandes amphores. Sur un autre dessin (a 34 i), la servante apporte à la fois
la coupe et le vase plein d’eau, et la femme est assise sur un lit. Une autre scène plus
complète est aussi plus intéressante, quoique très effacée ( 2343 ). On y voit une femme
vêtue d’une longue robe plissée et transparente comme celles que portent tous les
personnages de ces scènes. Elle est assise sur un lit soutenu par des pieds en forme
de dieu Bès, dont la silhouette est ici mal définie, mais qu’on remarque très nettement
sur d’autres dessins ( 234 o, 2346 , 2347) * 2 >. Derrière cette jeune femme on aperçoit,
bien que très effacée, la silhouette d’une servante qui la coiffe; devant elle, une autre
servante lui tend une coupe contenant un de ces cônes de graisse parfumée qu’on
voit à l’époque thébaine sur la tête des femmes et même à partir d’une certaine époque
sur la tête des hommes; bien rangés sous le lit, on aperçoit l’étui à kohol, le pot à
onguent et quelquefois le miroir (2337). Cette composition se retrouve avec la même
disposition, à peu de chose près, sur plusieurs ostraca ou fragments d’ostraca ( 2335 ,
2346 , 2349). La scène de la coiffure a été parodiée, comme on l’a vu, par les
(»> On peut citer des scènes de parures datant de l’Ancien Empire : Wreszinski, Atlas , I, 86 a ou du
Moyen Empire : Wreszinski, op. cit., 85 0; Erman-Ranke, Aegypten, fig. 101, mais elles sont extrêmement
rares. Il faut aussi signaler une scène semblable dans un modèle de barque de la XII* dynastie. Sur
cette barque est un kiosque fermé dans lequel une femme est assise et regarde dans un miroir. Derrière
elle, une servante lui apporte des instruments de toilette. Garstang, Burial Customs of ancient Egypt,
p. 97.
(«) Bès, on le sait, est une divinité tutélaire dont l’image grotesque se trouve sur de nombreux
objets usuels : chevets, étuis à kohol, manches de miroirs, pieds de lits enfin; mêlé ainsi à la vie
des «harems» il semble étendre' sa protection au sommeil aussi bien qu’à la beauté et aux menus faits
de la vie quotidienne. On a retrouvé des images de Bès en bois découpé et colorié qui n’étaient
autres que des pieds de lits exactement semblables à ceux qui sont représentés sur ces ostraca, cf.
à ce sujet : M. Werbrouck, Bulletin des Musées royaux , n° 4 , juillet-août 1 9 3 9 (Bruxelles), p. 78-82,
fig. 9-10.
Documents de fouilles , t. It, 3.
82
J. VANDIER D’ABBADIE.
dessinateurs de cette époque, non seulement sur les ostraca, mais aussi sur le
papyrus satirique du Musée du Caire W.
Ce sujet est assez exceptionnel dans l’art égyptien, il a été étudié par M me Gauthier-
Laurent < 1 2 ). L’auteur montre que ce thème n’apparaît dans l’art égyptien qu’à partir
de la première période intermédiaire (X e -XI e dyn.). A l’époque qui nous intéresse,
c’est-à-dire entre la XVIII e et la XX e dynastie, l’auteur a pu réunir plusieurs exemples
de cette scène ; l’un des plus expressifs provient d’une tombe de Tell el-Amarna et un
autre de Drah aboul’ Neggah. Une troisième scène, humoristique, celle-là, est peinte
sur ostracon et provient certainement de Deir el-Medineh. En commentant l’ostracon
2335, M me Gauthier-Laurent fait remarquer qu’il réunit deux thèmes différents :
celui de la coiffure, la servante qui est derrière la dame, lui arrangeant les cheveux,
et celui de la parure, l’autre servante lui apportant un cône destiné à huiler et à par-
fumer les cheveux. Je pense que ces deux thèmes n’en forment qu’un seul au con-
traire, puisque le cône était posé sur les cheveux une fois la coiffure terminée. S’il faut
voir un second thème dans cette scène, c’est plutôt celui de la naissance ou de l’allai-
tement. On remarque, en effet, que la femme, au lieu de tendre la main vers l’objet
que lui apporte sa servante, tient les deux bras repliés contre elle, parce qu’ils sou-
tiennent un nouveau-né dont on n’aperçoit plus, sur le dessin, qu’une partie du crâne.
Ce détail apparenterait donc cette scène à celle des ostraca 233g et 2344, qui, eux,
figurent nettement une scène de naissance. On peut par conséquent distinguer parmi
ces «scènes de gynécées», le thème de la toilette (2336, 234 i, 2342[?], 2346,
235 1 , 2352), celui de la coiffure (2335-2343-2358, 2377 ) et e nfi n celui de
la «nursery» proprement dite ( 2337 , 2338, 2344, 2355, etc.), qui accompagne
parfois, soit une scène de coiffure (2335, 234o), soit une scène de toilette ( 2339 ).
On a vu que les lits, dans ces compositions, étaient presque tous soutenus par des
pieds en forme de Bès, l’un d’eux (2338), qui fait exception à cette règle, est soutenu
à chaque extrémité par trois fleurs de lotus ouvertes et superposées. Ces lits étaient
généralement ornés sur leurs côtés d’une longue bande sinueuse et colorée en forme
de serpent (234o-234i-2347-2348). On en a retrouvé plusieurs de ce modèle,
précisément à Deir el-Medineh fi). Un des lits de Sennedjem, maintenant au Musée
du Caire, est également décoré, de chaque côté, de serpents aux plis onduleux, dont
les têtes se réunissaient au chevet. On peut faire la même remarque au sujet de petits
objets en terre cuite coloriée, représentant la concubine du mort, couchée sur un lit
bas et qui provenaient également de Deir el-Medineh. Dans ce dernier exemple,
les têtes des serpents se rejoignent au-dessus de la tête de la femme couchée.
Pourquoi choisissait-on cet animal pour orner les lits? Lui supposait-on, comme à Bès,
(1) E. Brugsch-bey, A. Z., 35 (1897), p. i4o, pl. I et Moret, Histoire de la nation égyptienne , II, Égypte
pharaonique , p. 543.
Mélanges Maspero , Mém. de VL F. A. O., t. LXVI, p. 678.
{3) Bruyère, Deir el-Medineh , ig3o, p. i3.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
83
des qualités prophylactiques? L’hypothèse n’est pas invraisemblable et on sait qu au-
jourd’hui dans les maisons arabes la présence d’un serpent est considérée comme un
porte-bonheur.
Parfois à côté de la concubine, on voit un enfant couché sur le matelas. La présence
de cet enfant nous ramène à nos scènes de naissance. Soulignons une différence im-
portante : sur nos ostraca la femme n’est jamais couchée et 1 enlant est assis sur ses
genoux ou tenu dans ses bras comme nous l’avons déjà remarqué (2 335).
Un de nos documents est d’une composition légèrement différente; il représente
une fe mm e qui, assise sur un tabouret, allaite son enfant. Son attitude ne laisse aucun
doute à ce sujet. Alors que dans les scènes précédentes
les femmes étaient vêtues de longues tuniques plissées,
celle-ci est nue, quoique son bras gauche semble être
entouré d’un voile. Sa coiffure très volumineuse est
particulièrement en désordre et retombe en lourdes
mèches irrégulières de chaque côté de la tête. Une fillette
également nue se tient debout devant elle et lui tend le
miroir et l’étui à kohol. La coiffure de cette jeune ser-
vante est, comme celle de sa maîtresse, très curieuse et
consiste en une grosse mèche liée au sommet de la tête
et retombant sur l’épaule. Cette scène se passe sous un
petit kiosque soutenu par des colonnettes à chapitaux
papyriformes, autour desquelles s enroulent des con-
volvulus. Tous ces détads sont originaux et différencient
ce petit tableau des autres ostraca du même sujet. Le
dessin est raide et sommaire et la couleur sans charme ;
l’ensemble est un peu étrange et morbide. Le geste de cette femme, ce geste éternel,
qui évoque la pose des Isis allaitant l’enfant HorusW, n’est certes pas nouveau dans
l’art égyptien; cependant la disposition de ce sujet se rencontre rarement < 2 ). C’est
sur des stèles du Nouvel Empire qu’on retrouve des groupes formés a peu près de la
même façon et où une femme est représentée nourrissant son enfant fi), ce sont des
stèles de particuliers d’un modèle courant (fig. 42) fi). Ainsi, ces scènes, qu on ne
rencontre pas sur les parois des monuments ni sur celles des habitations civiles connues,
Fig. Ua,
O) Erman, La religion des anciens Égyptiens (trad. H. Wild), p. 100, fig. 45.
m Le thème du jeune roi allaité par une déesse n’est pas rare dans les décorations murales des temples
(Cafart, Le temple de Ski I' r à Abydos, pl. XI, XIV), mais la disposition est tout autre que sur ces ostraca.
(’> H faut signaler cependant que ce groupe ne se retrouve pas seulement sur des stèles mais aussi sur
des monuments ; ainsi peut-on voir, sur un bas-relief, une femme qui, assise dans un bateau a voile
mené par quatre marins, allaite son enfant (Bull. Metr. Mus. of Art [New York],£g. Exp., i 9 34-i 9 35,
P '(‘) Bruyère! B. I. F. A. O., XXII, 1928, p. 126, fig. 3 ; Lacau, Stèles du Nouvel Empire, n* 34 o 79 ,
34117, 34i 25.
84
J. VANDIER D’ABBADIE.
figurent sur des stèles. Un ostracon conservé à Londres reproduit à peu près la
composition de cette dernière peinture et provient également de Deir el-Medineh
(fig. 43) M. L’ostracon le plus intéressant de cette série est, sans aucun doute, celui
qui représente les réjouissances qui suivent la naissance d’un enfant (2 344). On y
voit une femme assise sur un lit à pieds sculptés en forme de Bès, et serrant un petit
enfant dans ses bras. Derrière ce groupe se tiennent quatre femmes debout, vêtues de
longues robes transparentes. Elles battent des mains en cadence et chantent pour
célébrer la naissance de l’enfant. Une guirlande de feuilles lancéolées, probablement
des convolvulus, s’enroule élégamment autour du lit. Au-dessus de la tête du nouveau-
né, on aperçoit un petit personnage qui se tient debout, un bras
levé et qui est complètement colorié en noir, de sorte qu’il paraît
être une ombre. C’est peut-être l’ombre du nouveau-né, son ka,
qui se détache de son corps au moment où il commence à vivre et
qui le « dédoublerait», en quelque sorte, pendant tout son séjour
sur la terre pour se joindre de nouveau à lui après sa mort. Dans les
scènes de naissances des grands temples , à Louxor ou à Deir el-Bahari ( 1 2 )
par exemple, on voit le Dieu Chnoum façonnant l’image de l’enfant
royal et divin, en même temps que celle de son ka, et la reine ac-
couche à la fois de l’enfant et de son ka. Moret fait remarquer que le
roi était considéré comme d’origine divine et que c’était un privilège
exclusivement royal que d’être accompagné dès sa naissance par son ka ( 3 ). Les simples
particuliers avaient aussi leur ka, sinon pendant leur vie, ce qui restait un privilège
royal, mais après leur mort. La scène de notre ostracon représente donc probablement
une naissance royale. Les scènes de ce genre sont extrêmement rares; on n’en connaît
aucune dans les monuments religieux ou funéraires en dehors de celles qui ont été
mentionnées dans les temples de la région thébaine.
Une autre composition très originale et unique dans son genre est celle qui figure
une femme étendue sur un lit, la tête appuyée sur son bras replié. Sous le lit on voit
le miroir, l’étui à kohol et une corbeille contenant deux objets coniformes, probable-
ment des cônes de graisse parfumée. Cette femme est vêtue d’une robe longue extrê-
mement transparente. Un dais en forme de fronton surmonte le lit. Il est évident que
ce sujet ne se rattache en rien aux sujets précédents. Cette femme est-elle seulement
une dormeuse? ou bien le dessinateur s’est-il amusé à représenter, dans cette toilette
légère, une courtisane? On serait tenté de le croire en regardant les détails de ce des-
sin : ce lit d’apparat, cette femme parée de bracelets et de fleurs sur le front et
(1) Birch, Inscriptions in hieratic characters, pl. VI, n° 85 o 6 et Bruyère, B. I. F. A. O XXII, 1928,
p. 124 , fig. 2; Muller, Mitt. Kairo, IV (1988), pl. 80.
(2) Gayet, Le temple de Louxor , i er fasc., pl. LXXI dans Mém, de la Miss, Caire 1, t. XV, fasc. i er ; Naville,
Deir el-Bahari , II, pl. XLVIII.
(3) Moret, Le Nil, p. 861, n. 1.
OSTRAGA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
85
couchée dans cette pose alanguie. Peut-être y a-t-il aussi quelque analogie entre cette
représentation et les petites figurines de terre cuite, images de la concubine du mort,
étendue sur le lit et dont on a retrouvé, comme nous l’avons vu, un si grand nombre
à Deir el-Medineh W.
Nous avons souvent remarqué que les sujets qui décorent nos ostraca ne se retrou-
vaient généralement pas dans les tombes de la région thébaine. Le thème du harem
ne s’y trouve pas davantage. Cependant certains indices nous permettent d’affirmer
que les maisons d’habitation aussi bien à Deir el-Medineh que dans d’autres villages
(à Tell el-Amarna, par exemple) étaient souvent décorées de fresques et que celles-ci
reproduisaient certains des sujets figurés sur nos ostraca. Ces fresques sont presque
totalement détruites aujourd’hui, cependant il en reste quelques fragments qui ont
été mis au jour au cours des fouilles, telle cette danseuse jouant ‘de la flûte W et ce
fragment d’une grande fresque qui représentait, dans la mesure où l’état fragmen-
taire du tableau permet d’en juger, une scène analogue à celle que nous venons d’é-
tudier ( 3 h
Sur les scènes qui figurent des femmes allaitant leur enfant, la composition de la
scène et la disposition des acteurs s’écartent un peu de celles des ostraca, mais il
est évident que l’inspiration était la même.
Enfin les fresques civiles, si on én juge d’après celle qui a été retrouvée par
M. Bruyère, se rapprochaient davantage des scènes figurées sur les ostraca. Quoi
qu’il en soit, ces tableaux charmants et pleins de vie, riches en détails sur les cou-
tumes et les occupations des femmes dans les harems, nous renseignent sur la vie*
et l’esprit de la société de cette époque et de cette région, mieux peut-être que ne
le peuvent faire les textes et les grandes fresques religieuses et officielles de la Vallée
des Rois ou même des tombes civiles.
O. — Certaines des tombes civiles qu’on vient d’évoquer nous offrent cependant
des scènes variées et charmantes et un des thèmes les plus séduisants qu’on relève
fréquemment, dans les tombes de la XVIII e dynastie particulièrement, est celui des
musiciennes et des danseuses qui accompagnaient, soit les funérailles, soit le repas
funéraire. Naturellement les ostraca reproduisent quelques figures inspirées de ces
scènes gracieuses; quoique souvent fragmentaires et peu nombreuses, ces silhouettes
sont intéressantes et pleines de charme. Ces dessins sont réunis ici sur la planche LV,
auxquels il faut ajouter le très joli fragment 2390 de la planche LXIII, ainsi que les
danseuses et les danseurs des planches LVI et LVIII (2 4o3). Le dessin le plus inté-
ressant, sur le plan artistique, bien que malheureusement incomplet, figure le
haut du corps d’une musicienne dont le torse nu est légèrement incliné vers la droite.
(1) Bruyère, Deir el-Medineh, 1984 - 1935 , fig. 58 - 59 , P* * 89 - 1 4 a.
W Revue d’Égyptologie (1988), t. III, p. 27, pl. III.
Bruyère, B . I. F. A. O., XXII, 1928, p. 121,
86
J. VANDIER D’ABBADIE.
La tête dont le visage manque est tournée du même côté. Elle tient une sorte de luth
et porte sa main gauche à son oreille. Une lourde chevelure frisée tombe sur les
épaules et les encadre. Ce fragment est d’un dessin si ferme et si élégant, la composi-
tion en est si originale qu’il pourrait passer pour une œuvre moderne. La couleur
rose du luth égaye l’ensemble d’une note vibrante et souligne encore, avec le noir
profond de la chevelure, le modernisme de cette œuvre. On regrette d’autant plus
qüe cette pièce soit aussi fragmentaire et que le visage, en particulier, soit perdu. Il
est certain que le peintre, .qui a pu tracer ces lignes d’un pinceau si ferme et composer
cette pose harmonieuse, est plus qu’un artisan campagnard, c’était un véritable ar-
tiste plein de dons et en complète possession de son métier. Plusieurs pièces, parmi
ces ostraca, s’élèvent visiblement au-dessus du niveau ordinaire et sont dues certai-
nement à des maîtres et à des artistes beaucoup plus doués que les dessinateurs ordi-
naires dont les esquisses, pour intéressantes et pittoresques qu’elles soient, sont
cependant d’un art très nettement inférieur.
Une très jolie figure, d’un aspect moins original que la première, mais d’un dessin
extrêmement adroit, souple et gracieux, est celle de la joueuse de luth agenouillée
(2391), dont le visage et les épaides sont encadrés par de longs cheveux frisés.
Elle tient un plectre dans la main droite et soutient de l’autre main le manche de son
luth. La boîte sonore du luth a été omise par le dessinateur, soit volontairement pour
être plus libre de dessiner le torse, soit par maladresse, mais je crois la première hy-
pothèse plus plausible, car le dessin n’est pas celui d’un artiste maladroit, bien au
contraire; les lignes sont fermes et élégantes et on peut rapprocher cette figure de
celle qui, dans la même pose de joueuse de luth, est gravée sur une boîte de toilette „
cylindrique en bois, conservée à Berlin lû. Nous retrouvons sur un autre ostracon une
silhouette de joueuse de luth, mais celle-ci est debout et d’un dessin un peu raide et mal
proportionné, la tête étant un peu forte pour les jambes (2892). Un texte hiératique
d’une signification assez obscure occupe le bas de cette pierre. Il est composé de
trois phrases courtes qui semblent n’avoir aucun rapport entre elles : « De la viande de
bœuf. Des branches (?) d’acacia. Des chanteurs et des chanteuses agréablement oints. »
Faut-il voir dans cette énumération de choses disparates des paroles que réciterait
la musicienne? Cela semble, au premier abord, assez invraisemblable. Cependant si
on i ma gine qu’elle chante les charmes d’un banquet (où toujours figuraient des chan-
teuses et des danseuses), on conçoit qu’elle énumère, ce -qui fait l’attrait du banquet
dans lequel elle a un rôle à jouer : les mets qui paraissent sur la table, les plantes qui
l’ornent, les chanteurs et les chanteuses parfumés qui charment de leurs harmonies
les oreilles des convives. Si fantaisiste que paraisse cette hypothèse, elle est cependant
très tentante, car le texte tourné dans le même sens que la figure semble bien l’ac-
compagner; on remarquera aussi le soin qu’a pris l’artiste de ne pas déborder sur
Steindorff, Die Blütezeit, fig. 1 kk ; Davies, The tomh of two sculptors at Thehes, p] . XXVIII et Paintings
from the tomh of Rekh-Mi-Rë ' ai Thebes, pi. XXVI.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
87
la figure. Ces lignes auraient donc été écrites au moment même où fut dessinée cette
silhouette et elles auraient été destinées à l’accompagner.
D’autres musiciennes sont représentées jouant de la grande harpe (2895-2896-
2897), mais ces dessins sont malheureusement très fragmentaires ou effacés. La
harpe et le luth étaient, avec la flûte simple ou double et la guitare, les instruments
de musique les plus fréquemment représentés dans les scènes profanes, tandis
que dans les scènes religieuses on remarque les sistres, les cymbales et les
castagnettes.
Il y avait différentes formes de harpes; celle que représente notre ostracon 2896
est une grande harpe posée sur le sol et dont la caisse de résonance est longue et ver-
ticale ; la partie supériçure, courbée, supporte les clefs de deux coiffeurs alternées cor-
respondant aux tons et aux demi-tons des cordes. Un autre instrument très fréquent
était la harpe trigone courte de forme et portée dans les bras. La caisse de résonance
formait un angle droit aux deux branches duquel étaient tendues les cordes. Le luth
ou la guitare comportait une boîte de résonance ovale sur laquelle était tendue une
peau. Les cordes étaient soulevées au moyen d’une petite pièce indépendante posée
sur la boîte, un petit plectre de bois servait à faire vibrer les cordes ô). Un iûstrument
de ce genre retrouvé au cours dçs fouilles de Deir el-Medineh M, dans une tombe de
la XVIII e dynastie, est fait d’une carapace de tortue sur la partie plate de laquelle
était tendue une peau teinte en rose, d’une coiffeur qui rappelle exactement celle de
la guitare de l’ ostracon.
Deux autres dessins figurent des joueuses de flûte (2898-2899). L’une des musi-
ciennes semble, tout en jouant de la double flûte, esquisser un pas de danse ; elle est
vêtue d’une longue robe plissée transparente et ses longs cheveux, retenus autour
de la tête par un bandeau, tombent sur ses épaules. Elle se tient devant un autel
supportant une grande vasque remplie de fruits et de végétaux. L’autre joueuse de
flûte est également une danseuse qui exécute un pas de danse dans un mouvement
vif et plein d’envol. Ses voiles, déplacés par la rapidité de ses gestes, s’enroulent au-
tour de son corps et flottent derrière elle. Le mouvement est vivant et assez peu ha-
bituel. D’autres fragments proviennent également de silhouettes semblables ( 2 h o o-
2Ûo 1-2/102). C’est à tort qu’on a rangé parmi ces ostraca Je fragment d’une poterie
sur laquelle est dessinée une double frise de danseurs simplement esquissés. Cette
scène devait décorer une grosse amphore de terre cuite (2Ûo3). Les personnages des-
sinés de façon très schématique sont cependant très vivants et très expressifs.
Ce si séduisant thème, des danseuses et des musiciennes est extrêmement fréquent
dans les tombes de la XVIII e dynastie, soit que ces danseuses figurent dans les
banquets funéraires, soit qu elles fassent partie du cortège dans les cérémonies de
Sachs, der alte Orient , 1930, 3 / 4 , Musikinstrumente, p. 1 5 ; Loret, Les flûtes égyptiennes antiques
( Journ . asiatique , 1889, 8 e série, t. i 4 ), p. 11 1-1 42 , 197-287.
Bruyère, Deir el-Medineh, 1 934-1 935 (Le Caire 1987), p. 116, fig. 61.
1 2 .
88
J. VANDIER D’ABBADIE.
l’enterrement (*). D’autres part quelques stèles funéraires! 2 ), ainsi que des petits objets
tels que des boîtes de toilette, des manches de cuillers à fards, sont décorés de figures
de danseuses. Mais ce sujet fut certainement en honneur au Nouvel Empire pour orner
les maisons puisqu’on a retrouvé, au cours des fouilles de Deir el-Medineh, sur la
paroi d’une chambre, dans une maison de village, une très intéressante peinture re-
présentant une danseuse nue jouant de la double flûte ( 3 ).
La danse et la musique figurent à toutes les époques parmi les passe-temps fa-
voris des Egyptiens. Déjà dans les tombes de l’Ancien Empire, on trouve des dan-
seurs et des musiciens, sans parler des acrobates qui exécutent de savants mouve-
ments d’assouplissement. On connaît le magnifique ostracon provenant de Deir
el-Medineh, figurant une danseuse acrobatique faisant le «pont» et connu sous le
nom de «Ballerine du Musée de Turin»! 4 ). Ce dessin hardi et souple peut certai-
nement être classé parmi les plus beaux et les plus intéressants de ces fragments de
calcaire.
P. — Les scènes d’adoration et les personnages provenant de ces scènes n’offrent
ni la même originalité ni le même charme que les précédentes. La composition et les
gestes sont si connus et si souvent répétés sur les parois des hypogées et des temples
à toutes les époques, que les esquisses inspirées de ces scènes ne provoquent plus
aucune surprise. A Deir el-Medineh les tombes et les chapelles de la XIX e dynastie
principalement, ont leurs parois recouvertes de peintures figurant de nombreuses
scènes religieuses ou d’adoration. Tantôt, le possesseur de la tombe qui reçoit l’hom-
mage des membres de sa famille ou de ses enfants qui déposent devant lui des monceaux
de victuailles ou de fruits 'et des guirlandes de fleurs. Tantôt, c’est le mort lui-même
qui est représenté en adoration devant les dieux ou le roi divinisé. Les esquisses de
ce genre, figurant sur les ostraca, sont, en quelque sorte, comme la monnaie de ces
grandes scènes. On y retrouve des personnages dans les mêmes positions que ceux
qui jouent leur rôle dans les décorations murales. Les attitudes sont presque toujours
semblables : ce sont celles du fidèle, les deux bras levés dans le geste rituel de l’ado-
ration; il est tantôt debout, tantôt incliné, un genou en terre. Ce sont des prêtres au
crâne rasé, vêtus de longues robes ou de peaux de panthères ou encore de simples
particuliers portant, selon la mode de la XVIII e dynastie, d’amples tuniques plissées,
ornées de franges. Leurs lourdes perruques sont surmontées du cône de graisse par-
fumée et sont souvent fleuries, chez les femmes, d’un calice de lotus ouvert, tombant
sur le front.
Wreszinski, I, ioa , 3 $ a, 419; Brunner-Tràut, Der Tanz im alten Aegypten ( Agyptologische
Forsckungen, Heft 6 ), p. 61. Capart, U Art égyptien , Choix de documents , Les arts graphiques, pl. 58 g.
Ledrain, Les Monuments de la Bibliothèque nationale, pl. LV, n° 29.
Revue d’Égyptologie 1988, t. III, pl. III.
(4) Brunner-Traut, op. cit p. 5i, fig. 2 5.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
89
Il n’y a pas de dissemblance marquante entre la plupart des personnages ou des
fragments de personnages esquissés sur les ostraca de cette série et les figures classiques
que nous venons d’évoquer. On remarque, parmi ces dessins, celui d’un personnage
à genoux (2A06), tenant devant lui un bloc, peut-être un naos, devant lequel est
placée la figure d’un roi debout . Ce croquis semble avoir été fait d’après une statue
naophore, ou d’après un groupe figurant la statue d’un dieu protégeant un roi. Ce
dessin pourrait être aussi un projet en vue de l’érection d’une statue. Il serait inté-
ressant de savoir si les sculpteurs égyptiens cherchaient d’abord la composition de
leurs œuvres en esquissant un dessin ou s’ils travaillaient à même la pierre, en taille
directe, sans esquisse préétablie! 1 ). Un dessin assez effacé figure un orant (2407),
un prêtre, sans doute, incliné devant des personnages juchés sur des pavois. Une
ligne de texte nous renseigne sur l’identité de cet "homme : un « Serviteur dans la
Place de Vérité» s’appelant : Méry (?) ( 2 ).
Une scène plus intéressante, mais malheureusement assez détériorée ( 24 oA), re-
présente une femme faisant ses dévotions à Hathor. Elle est agenouillée, les bras levés,
et la déesse est assise sur un trône tenant Yankh dans une main ; elle est coiffée d un
disque solaire, enserré entre les deux cornes de vache. Entre ces deux figures, se dresse
une table d’offrandes, chargée, entre autres, d’offrandes végétales. Un texte très
mutilé occupe la place derrière l’orante et nous donne son nom. Elle est appelée :
la dame « nb-ij-tj, ^ J u ,] » » ■
Un dessin d’un très vilain style, dû sans doute à un débutant (2Ûo8), représente
un orant devant la déesse-serpent Meresger. Celle-ci, qui n’est probablement qu’une
forme locale d’Isis ! 4 ), avait, à Deir el-Medineh, un temple et un culte particuliers ( 5 ).
La déesse est dressée sur les anneaux lovés de sa queue, et sa tête est surmontée de
la haute coiffure à doubles plumes, habituelle aux déesses ; devant elle, se tient 1 orant
debout, très mal dessiné et mal proportionné. On verra plus loin plusieurs représen-
tations de cette déesse-serpent si familière à Deir el-Medineh, mais ces représentations
sont plutôt des ex-voto que des ostraca proprement dits.
Quelques fragments de cette série (2429-243 1 - 2433 ), sur lesquels on aperçoit
une partie d’un personnage assis, proviennent de scènes d’offrandes classiques dans
lesquelles le mort est assis devant une table d’offrandes que sa famille vient de garnir
de toutes sortes de victuailles; sur un de ces fragments, on voit, détail fréquent dans
les tombes depuis la fin de l’Ancien Empire, le chien du mort, couché sous sa chaise.
(') Anthes, Mitteilungen Kairo, 10, heft 3, p. 79, taf. 17, 18, 19 ; cf. aussi dans Chronique d’Égypte ,
juillet 1 938, p. 330, l’article de M m * Bille de Mot, Comment les Égyptiens faisaient leurs statues.
P) Bruyère, Deir el-Medineh, ig 33 -ig 34 , p. 1A1, fig. 66; Ranke, Personennamen, 190, 7.
(*) Ce nom signifiait sans doute : la dorée (Hathor) vient (N bit ij.tj). Un cercueil marqué à ce nom a été
trouvé au cours des fouilles de Deir el-Medineh, cf. Bruyère, Deir el-Medineh, 1 9 3 h - 1 g 3 (Caire 1987),
p. 187.
Erman, Religion (trad. H. Wild), p. 177.
( s ) Bruyère, Mert-Seger à Deir el-Medineh ( Mém . de l’I. F. A . 0 ., t. LA III, 3 9 3 o ) .
90
J. VANDIER D’ABBADIE.
Parfois, à la place du chien, se tient un singe ou même (mais pas avant le Nouvel Em-
pire) un chat, et il semble que les animaux favoris du défunt aient été intentionnelle-
ment associés à cés scènes funéraires.
Q. — A la suite de ces compositions si classiques et d’un genre si courant, on relève
quelques thèmes plus rares, dont on n’a ici qu’un seul exemplaire. Chaque dessin
montre une scène ou un personnage différent. Parmi ces représentations souvent
assez curieuses et difficiles à expliquer, il faut signaler un dessin figurant un homme
à moitié agenouillé, une main devant son visage et l’autre étendue vers une sauterelle
d’une taille énorme en proportion de celle du personnage (24/16). Cet insecte, admi-
rablement dessiné ici, est quelquefois représenté dans les tombes thébaines;
nous l’avons déjà signalé en rappelant l’article de Keimer, qui a étudié tout spécia-
lement cet insecte à propos des pendeloques de colliers (h. L’auteur y relève une grande
quantité de représentations de sauterelles, ce qui permet de supposer que cet animal
jouait un rôle dans les croyances religieuses des anciens Egyptiens. Cela ne nous auto-
rise pas, cependant, à interpréter notre ostracon comme une scène d’adoration ou
d’incantation à une déesse sauterelle. Le jeune garçon est représenté dans une attitude
active : il fait un mouvement en avant vers la sauterelle en tenant dans sa main une
longue tige qui paraît se terminer par un cercle ; on pourrait, à la rigueur, y voir un
fdet à papillons. Tous ces détails sont trop imprécis pour qu’on puisse en tirer une
conclusion valable. D’ailleurs la disproportion que nous avons signalée entre le per-
sonnage et l’insecte ferait plutôt supposer que les deux figures sont indépendantes
l’une de l’autre et n’ont pas été dessinées en même temps. Quoi qu’il en soit, ce
dessin est original et d’un tracé vivant et élégant.
On ne saurait en dire autant d’une autre composition, qui cependant ne manque
pas de caractère (2247). Elle est certainement l’œuvre d’un ignorant ou d’un débu-
tant, qui, bien qu’inhabile, possédait d’évidentes qualités de franchise et d’énergie.
On voit une femme se penchant vers une fillette tournée vers elle, tandis que derrière
elle s’avance une autre petite fdle. Cette scène paraît être l’exercice d’un élève qui se.
serait appliqué à reproduire de mémoire une représentation vue dans une tombe.
En effet, on ne peut s’empêcher de penser, devant ce maladroit essai, au défilé d’es-
claves syriens de la tombe de RekhmirëL Des femmes y sont vêtues de longues robes
enroulées en spirales et bordées de galons ; or la femme de l’ostracon est vêtue d’une
robe qui semble s’inspirer maladroitement de ce modèle. On peut également expliquer
la présence de la tête d’enfant qui apparaît isolée au milieu du buste de la femme,
comme le souvenir mal interprété de l’esclave qui, dans la tombe de Rekhmirë', porte
dans ses bras un enfant dont le corps est caché dans la robe de telle façon que seule
la tête apparaît (fig. 44 ) W. Ce n’est pas la seule tombe thébaine où l’on trouve des
(1 > Keimer dans les Annales du Service des Antiquités d’Égypte, t. XXXIII, p. 97.
Bulletin of lhe Metrop. Mus. of Art (New York), Eg. Exp. 1927-1928, p. Ai, fig. 2.
9t
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
défilés de ce genre, citons, entre autres, celle de Sebekhotep t 1 ) et celle d’Amenemhat M ;
on y voit des Syriens portant des jupes formées de bandes enroulées, bordées de galons.
L’un des personnages tient un enfant par la main, d’une façon raide, qui rappelle
le style primitif de notre ostracon , auquel nous revenons après cette courte digression.
Parmi les détails étranges, on remarque les coiffures formées de longues mèches tom-
bantes. Celle de la petite fille, en particulier, dont le crâne est complètement rasé,
à l’exception de quatre mèches frisées tombant les unes sur la nuque, les autres sur
le visage, est assez originale. Les hiéroglyphes qui sont disséminés au milieu de cette
scène semblent être aussi fantaisistes que le dessin. Au-dessus de la petite
fille, les signes : raan^j, donnent probablement son nom, qu’il faut
lire : htp-nb(w), ou encore : Nbt hlp.tj («Hathor est satisfaite»)! 3 ).
D’autres signes devant la femme sont tournés, le premier dans le
même sens qu’elle, et les autres dans le sens inverse et il est bien
difficile de préciser leur signification. Enfin, l’autre ligne verticale
indique le nom de l’enfant : sa fille Nefer-Noub W, ou : Nb-nfr.t(j)
« Hathor est belle».
D’autres dessins sont heureusement d’un style moins rude et moins
primitif que celui-ci. Une des esquisses les mieux venues parmi ces
scènes rares est celle qui figure un duel au bâton entre deux soldats F %- kh -
( 2448 ). Lorsque cet ostracon fut publié dans ce catalogue il était le
seul que nous connussions représentant un tel sujet. Depuis cette époque un très joli
ostracon figurant une scène semblable m’a été communiqué et a fait l’objet d’une
étude spéciale ( 5) . Nous nous contenterons donc, pour le commentaire de cette scène,
de résumer l’essentiel de cet article.
Cette parade de duel au bâton est connue par plusieurs scènes qui décorent les
parois des temples ou des tombeaux du Nouvel Empjre et qui ont été publiées par
Wilson W. L’une d’elles se trouve au temple de Médinet Habou. Deux couples de
soldats se livrent à ce jeu sportif, au cours d’une fête à laquelle assiste lé Pharaon.
A Tell el-Amarna, une autre scène se déroule devant le roi, au-milieu d’une foule où
se mêlent lutteurs et boxeurs. Ici, les deux combattants n’ont- pas encore commencé
leur joute et ils font un geste de salut vers le Roi. Enfin la troisième scène, qui décore
les parois d’une tombe de DralY Ab ou!’ Neggah, montre les combattants en pleine
action brandissant leurs bâtons au-dessus de leurs têtes. Les deux ostraca viennent
donc, avec quelques variantes de détails, compléter cette série de combats de parade.
Wreszinski, Atlas, I, pl. 56 a.
W Id., ibid., pl. h a,
Ranke, Personennamen , p. 192, 1 etp. 268, 19.
W Id., ibid., p. 191, 1 3 et p. 197, 5 .
( 5 Î Deux nouveaux ostraca figurés de Deir el-Medinek , Annales du Service des Antiquités, t. XL, 19^0,
p. 45 7 , pl. XLIII.
m 3 ■ É- A -> *7 (» 98 l), P- 211.
92
J. VAND1ER D’ABBADIE.
Celui qui est reproduit à la planche LXII de ce catalogue figure deux soldats, casqués
et vêtus du pagne triangulaire habituel aux soldats. Ils brandissent tous deux leurs
armes, mais tandis que l’un se protège au moyen d’un bouclier fixé à son avant-bras
gauche, l’autre tient dans sa main gauche un second bâton. On retrouve le même
usage sur notre second ostracon : les combattants sont tous les deux dépourvus de
boucliers et tiennent un bâton dans chaque main, l’un pour porter les coups, l’autre
pour les parer. Ce bâton est désigné dans plusieurs textes sous le nom de : — ifed'h
Ce nom étant également celui du genévrier, on en déduit tout naturellement que le
bois de cet arbre servait à fabriquer les bâtons ' wnt . Leur bout était garni de fer, ce
qui en faisait une arme redoutable; une sorte de boucle de cuir fixée à la poignée
et qui servait à passer la main était quelquefois remplacée par un petit éperon de
bois fixé à 10 ou 1 5 centimètres de l’extrémité supérieure et destiné sans doute à
arrêter la main.
Un quatrième exemple de cette scène si vivante se retrouve sur le papyrus satirique
du Musée de Turin, mais traité en caricature. En effet dans ce papyrus dont nous
avons déjà eu l’occasion de parler, on remarque un chat et un rat, debout sur leurs
pattes postérieures, qui combattent en tenant un bâton. Ils croisent leurs armes au-
dessus de leurs têtes dans un geste qui semble plutôt une parade qu’un duel et qui
est peut-être celui de l’engagement ( 2 ).
Ces combats, d’après les textes qui, à Médinet-Habou et à Drah Aboul’ Neggah,
accompagnent des représentations, semblent avoir un caractère symbolique (*). Les
duellistes incarnent, en effet, les uns les Egyptiens, les autres, les étrangers syriens
leurs ennemis; ceux-ci, au terme de la lutte, doivent fatalement être vaincus. Ainsi
étaient prouvées la supériorité du soldat égyptien sur ses ennemis et aussi la gloire
et la puissance du Pharaon. Ces parades avaient généralement lieu en présence du
Pharaon au cours des fêtes religieuses, comme à Drah AbouU Neggah ou des fêtes
civiles ou militaires, comme à Médinet-llabou et à Tell el-Amarna.
Ce jeu du duel au bâton s’est conservé en Egypte dans les fêtes religieuses, non
seulement jusqu’à une époque assez tardive, puisque Hérodote le mentionne en dé-
crivant les fêtes de Paprémis W, mais encore jusqu’à nos jours; en effet, on peut voir,
encore dans les villages, au cours de certaines fêtes, de ces joutes dont parlent quelques
voyageurs anciens (5) . Les combattants se servent du nabbut, gros bâton fort lourd que
possède chaque fellah, et font, avec cette arme, des moulinets et des parades étudiées,
soumises à des règles. II est intéressant de constater que la tradition a conservé, jusque
dans l’Egypte moderne, cé jeu de l’Egypte pharaonique.
Anastasi, I, XIX, 3 , IV, XVIII, 3 . Papyrus Mallet, I, 7. Papyrus Harris, 5 oo, 2, h.
W Ollivier-Beauregard, La Caricature égyptienne , pl. 23 .
(3) Wilson, J. E . A., ig 3 i,.p. 212, textes i- 3 .
(4} tlÈRODOTE, Histoires p. 109 (éd. G. Budé), 63 II.
Niebijhr, Voyage en Arabie et en d’autres pays circumvoisim, t. I (1776), tab. XXV, B, p. 4. 3 7 •
93
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
Un autre ostracon nous offre un sujet, certes moins original, mais d’une jolie qua-
lité de dessin. Tout à fait dans le style de la XIX e dynastie, il représente un homme
allongeant la main vers une figue de sycomore (2 44 g). On sait combien ce fruit était
apprécié des anciens Egyptiens qui en déposaient toujours dans leurs tombeaux. On
voit aussi sur les tables d’offrandes, représentées sur les parois des monuments fu-
néraires, des pyramides de ces fruits, qui apportent leur note colorée et décorative
à l’ordonnance des victuailles entassées devant le mort. Les figues de sycomores sont
plus petites que les véritables figues et reconnaissables à l’entaille pratiquée sur leur
panse, pendant la croissance pour faciliter leur maturité. Keimer a étudié d’une fa-
çon détaillée et pertinente cette particularité de la culture des figues de sycomore W.
Ce fragment de dessin devait faire partie d’une composition représentant le mort de-
vant une table d’offrandes, on ne peut que regretter que ce joli dessin ait été mutilé.
D’autres fragments plus petits rappellent certaines scènes que nous avons déjà
vues ( 245 o- 2452 ). Ce sont sans doute des conducteurs de bœufs ou de singes,
mais ils sont trop fragmentaires pour qu’on puisse déterminer avec certitude à quelle
catégorie ils appartiennent. L’un d’eux, cependant, est plus original et représente
sans doute une danseuse (2 45 1). C’est une femme nue parée de bracelets et de col-
liers et tenant à bout de bras dans sa main gauche un objet, trop effacé maintenant
pour qu’on puisse l’identifier. Ce petit croquis, sans grande importance, est un bon
exemple cependant de l’intérêt de ces ostraca : en effet, ce dessin libre, cette pose
animée et peu courante dans les scènes habituelles de l’iconographie égyptienne,
montrent combien les scribes se sentaient plus libres et affranchis quand il s’agissait
de dessiner sur de simples morceaux de calcaire. Une petite esquisse ( 2453 ), qui
devait être très intéressante, est malheureusement plus fragmentaire encore et d’une
indication encore plus sommaire que les dessins précédents. On y voit deux fusaïoles
suspendues à un fil qui passe dans un anneau attaché à une barre horizontale.
Un personnage, dont seuls les mains et l’extrémité d’un pied subsistent, tenait
l’extrémité inférieure du fuseau, sur lequel s’enroulait le fil, à la laveur d’un
mouvement de rotation (2) . Ce fil sortait d’une coupe, assez effacée sur ce dessin. Cette
coupe, dont plusieurs exemplaires ont été retrouvés dans les fouilles de Deir el-Me-
dineh, était un mouilloir. M. Nagel, dans son étude sur la céramique de Deir el-Me-
dineh M a très bien identifié ces mouilloirs et précisé leur emploi. Ces scènes de fi-
lage et de tissage devaient être extrêmement fréquentes dans l’ancienne Egypte où
cette industrie était si développée. Au Moyen Empire, des modèles bien détaillés W
nous font entrer au centre même de ces ateliers de tissage; d’autres représentations
Keimer, Sprachliches und Sachliches zu carcd « Fruckt der Sykomore» dans « Acta Orientalia », VI,
p. 288 à 3 oA.
W Mac kay, Ancient Egypt, 1921, p. 9 7 .
W Nagel, La céramique du Nouvel Empire à Detr el-Medineh, p. i 83 à 188.
W Gomme celui de Meketrë c trouvé par Winlock.
94
J. VANDIER D’ABBADIE.
sur les parois des tombes sont assez nombreuses, l’une d’elles, particulièrement inté-
ressante (>), provient d’une tombe de Thèbes (fig. 4 5 ). Cette scène reconstituée par
Davies semble avoir servi de modèle à la scène dont faisait partie notre fragment, ce
qui nous permet de l’expliquer. La femme accroupie semble avoir été dessinée de mé-
moire d’après cette scène. La position des pieds et des mains est absolument iden-
tique. Les anneaux attachés à une poutre horizontale et les deux fils s’enroulant sur
les fusaïoles sont également disposés de la même façon. Cette femme tordait donc
le fil et l’enroulait sur le fuseau afin qu’il puisse être utilisé dans le tissage.
Ce fragment, qui rappelle de si près une scène connue,, est, comme nous l’avons fait
remarquer, très vraisemblablement un dessin de
mémoire, inspiré par le tableau vu dans cette tombe
ou dans une autre semblable ( 2 >.
Parmi les fragments qui complètent ce chapitre
de sujets variés, il faut signaler le dessin élégant
d’une esquisse de pied (2457), une belle sandale
à pointe retroussée et une curieuse guêtre en filet
qui entoure le bas d’une jambe ( 2458 ). Enfin
une scène, qui semble être une pêche au filet
( 2465 ), autant qu’on en puisse juger sur ce dessin
extrêmement effacé, se déroule sur un fond de fourré
de papyrus. Trois hommes font le mouvement de
tirer la corde qui doit resserrer le filet. Le sujet est
intéressant et bien connu dans le répertoire iconographique des tombes, malheureu-
sement le mauvais état de ce fragment ne nous permet ni de l’étudier ni de le juger.
Nous retiendrons aussi comme digne d’être signalé à l’attention l’ostracon 246 o,
qui nous offre un détail intéressant : il est signé ; son auteur est le peintre Rë'-Hotep
ou Pa-Rë'-Hotep . Son petit croquis de personnage, sur ce fragment, est assez effacé et
ne présente aucun caractère particulier ; s’il n’avait que cette œuvre à son actif le peintre
Rè'-Hotep mériterait d’être oublié. Heureusement pour lui le hasard a permis de lui
attribuer plusieurs autres peintures plus intéressantes. Ce sont tout d’abord des es-
quisses murales au trait noir, parmi lesquelles on reconnaît une figure d’Aménophis I,
trouvées dans la maison appartenant à cet artiste Puis quelques-uns des plus jolis
ostraca de cette collection qui furent mis au jour dans le déblaiement de cette mai-
son : la belle tête de roi (2 56 o), dont le verso porte un grand poisson in, et le joli
fragment de poisson (2 248 ). On doit pouvoir ajouter pour les mêmes raisons la
magnifique chasse à la hyène (2211) dont il a été question plus haut et qui a été trouvée
Fig. 45.
(,) Mackay, Ancient Egypt (1916), part IV, p. 170.
( 8 ) Comme le sont également les dessins du duel au bâton (a 448 ) et celui de la reine de Pount de
Deir el-Bahari reproduit dans Schafer, Agyptische Zeichnungen auf Scherben, abb. 17, p. 38 .
Bruyère, Deir el-Medineh, 1934 - 1936 , p. 3a 1 et seq., fig. 192.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
95
à la même date et dans la même région. Rien que ces dessins ne portent pas de « si-
gnature », je pense que la place où ils ont été trouvés nous autorise à les attribuer à
Rê'-Hotep, mais on regrettera néanmoins que ce soit sur un petit dessin sans valeur
que le peintre ait laissé son nom. Cela prouve combien l’idée de possession artis-
tique était étrangère à l’esprit des peintres égyptiens. Les œuvres signées sont très
rares en effet, et il est difficile de préciser la part qui doit revenir à chacun des nom-
breux artistes qui ont vécu à Deir el-Medineh et qui y travaillèrent. La fouille de la
maison de Rê'-Hotep a donc été particulièrement intéressante à ce point de vue.
Enfin, pour terminer cette série de personnages ou de fragments de personnages
dans des poses différentes, on a réuni sur une même page (pi. LXV), trois ostraca sur
lesquels sont dessinées trois figures dans une attitude à peu près semblable. Les deux
plus grandes (2469-247 1 ) sont représentées de profil, assises par terre sur un coussin,
l’avant-bras droit appuyé sur le genou droit, tandis que la main gauche semble porter
quelque chose à la bouche. Ce geste est expressif et bien observé. Le premier croquis
offre cette particularité de niontrer le visage de profil sur un corps également de profil,
ce qui est plus rare dans l’art égyptien que les visages de profil sur les épaules de
face M. D’ailleurs, l’artiste s’est assez mal acquitté de sa tâche, on le sent gêné pour
indiquer l’emmanchement du bras sur le torse ; il en résulte un dessin raide malgré
les soins du dessinateur qui a indiqué avec bonheur les détails du collier et des bra-
celets dont est orné son modèle. Le dessin 2471 est plus souple : les mains sont parti-
culièrement expressives et la tête est d’un joli dessin. Malheureusement, l’effacement
et la cassure nous privent d’une partie de cet adroit et élégant croquis. Le troisième
personnage (2470) est beaucoup plus petit que les deux autres et sa pose n’est pas
tout à fait la même. L’artiste a négligé d’indiquer le siège sur lequel est assis ce petit
garçon, mais ce ne peut être un coussin bas comme dans les deux ostraca précédents,
car les jambes du jeune personnage sont pendantes et les deux pieds ne sont pas sur
le même plan. Quant aux bras, le gauche s’élève et la main se porte à la bouche dans
le geste de manger quelque chose, mais le bras droit manque et on se demande si
l’artiste, embarrassé pour traduire sa position normale, ne l’a pas purement et sim-
plement supprimé. Le dessin est joli et tracé par un pinceau sûr et délicat. Ces per-
sonnages, par leur pose et leurs gestes, rappellent quelques figures assez nombreuses
de Tell el-Amarna ^ et particulièrement celle, si connue, de la petite princesse qui
mange un pigeon W. D’autre part, plusieurs représentations du Pharaon enfant, fi-
guré sur des ex-voto, ont exactement la même pose que nos personnages W. L’un de
!') On peut évidemment trouver quelques exceptions à cette règle, cf. Capart, Arts graphiques, pl. 520 ;
Wreszinski, Atlas, I, pl. 5, 8, i3, 36, 44, 23 i.
Davies, El-Amarna , VI, pl. XXVIII.
(3) F. G. Newton, Excavations at El-^Amarnah, 1928-192/1 dans J. E. A., X, 192/i, pl. XXIII, p. 289.
t 4 > Capart, Documents pour servir à E Étude de l'Art égyptien , I, pl. 54 ; Boreux, Catalogue- Guide, II,
p. 4 80, pl. LXVI.
96
J. VANDIER D’ABBADIE.
ces ex-voto, conservé au Louvre, est sculpté sur une plaque de calcaire. Capart fait re-
marquer que la forme du vêtement du jeune prince est amarnienne et il rappelle qu’on
a trouvé à Amarna une grande quantité de petites amulettes figurant le roi dans cette
attitude. Il est possible que ces esquisses sur ostraca aient été faites comme projets
pour des ex-voto dans le genre de celui qui est conservé au Musée du Louvre (fig. 46 ).
Cette pose n’étant pas très courante dans les représentations égyptiennes de cette
époque, il nous a semblé intéressant de signaler les
quelques monuments qui l’évoquent de près ou de
loin.
R. — Une quarantaine de dessins de têtes humaines,
entiers ou fragmentaires, fait partie de cette collection.
Ils n’olfrent ni une très grande originalité, ni un très
grand intérêt artistique. Beaucoup de ces études trop
hâtives apparaissent comme des esquisses d’élèves
encore bien inexpérimentés (2 5 10-2 5 1 5-2 5 2 0-2 5 2 1-
2 52 2, etc.) . Cependant, bien qu’il n’y ait pas eu réelle-
nent une école de dessin dans le village de Deir el-
Medineh, certaines de ces ébauches ont très nettement
un caractère d’exercice revu et corrigé par un maître. En
effet, un fragment de poterie montre le bas d’un visage
d’un très beau dessin (2609); la bouche est fine et
expressive, le menton est tracé d’un trait plein et souple, mais il n était sans doute pas en
équilibre, ni en proportion avec la partie supérieure du profil qui, malheureusement,
manque, car une énergique correction au trait blanc, tout en remontant la bouche,
recule et raccourcit le menton. Un autre petit profil esquissé devant celui-la souligne
bien le caractère d’étude de ce fragment W. On doit reconnaître à quelques-unes de
ces esquisses de têtes une certaine souplesse dans le dessin, et une grande minutie
dans l’exécution des détails : la frisure des perruques est parfois rendue avec un
grand soin (261 4); ailleurs, l’artiste va jusqu’à reproduire les poils apparents d’un
visage qui n’est pas rasé de frais (2508-2609). Ce qui frappe donc dans ces dessins,
ce n’est pas tant l’inhabilité de l’artiste que leur caractère conventionnel : 1 œil est
toujours de face dans un visage toujours de profil, le geste des mains lui-même n éclaire
jamais d’une note originale ces compositions par trop conlormistes (2607). On s e-
tonne de ne pas rencontrer d’études d’après nature, qui, même si elles avaient été
mal réussies, auraient prouvé l’intérêt de l’artiste pour un être vivant ou pour un
mouvement réel. Visiblement les scribes dessinaient de mémoire, forçant leurs
souvenirs à se plier à une forme traditionnelle dont ils ne voulurent ou ne purent
(■> Une autre correction est également à signaler dans un autre profil (a5i3).
I
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
97
jamais se dégager. Cette servitude, qu’on est arrivé à admettre et à expliquer dans les
bas-reliefs ou les grandes fresques, semble particulièrement étrange sur des esquisses
dont le caractère libre et fantaisiste exigeait, semble-t-il, plus de réalisme. Les deux
dessins les plus originaux de cette série sont les deux têtes de sémite (2 5o6) et de
nègre (2 5 o 5 ), si spirituellement caractéristiques. Le Nubien, quoique assez mal
dessiné, est cependant indiqué avec une grande vérité et un certain humour. Son pro-
gnathisme accentué, ses cheveux crépus et ses quatre plumes plantées sur sa tête, sont
autant de détails vivants et véridiques. Les représentations de nègres sont assez nom-
breuses dans les tombes thébaines et témoignent toujours d’une exacte observation
du modèle 0). A cette époque où la colonisation des pays du Sud n’avait jamais été
poussée aussi loin, il n’est pas étonnant de voir reproduire aussi souvent sur les parois
des tombes thébaines des figures de nègres, esclaves ou porteurs d’offrandes ou de
tributs ( 2 U L’artiste auquel est dû le profil de sémite a fait preuve également de grandes
qualités d’observation et de dons certains de caricaturiste, dans le rendu des .carac-
tères raciaux : nez crochu, barbe rare et longue, œil allongé, crâne pointu, nuque
plate. Le haut bonnet asiatique n’était même pas utile pour nous renseigner sur
l’identité de notre personnage.
Il faut également signaler un profil assez mutilé, mais le dessin de l’œil, de la
bouche et du menton, tracé d’une manière large et souple, est habile et séduisant
( 25 o 8 ), et un petit scribe (2607), d’une exécution bien imparfaite, qui montre
cependant un visage vivant et expressif, indiqué avec assez d’esprit.
Un petit fragment nous conserve une fraction de tête humaine dont l’originalité
réside dans la coiffure ( 2024 ). Elle est faite d’une couronne de cheveux raides entou-
rant un crâne nu, comme tonsuré. C’est la coiffure qu’on remarque chez les pauvres
gens ou les laborieux ouvriers qui sont souvent représentés dans certaines tombes
thébaines, s’affairant à leur humble travail W.
S. — Les figures royales reproduites sur ces ostraca sont généralement plus soi-
gnées comme dessin et mieux détaillées dans leur ensemble que les silhouettes des
simples particuliers que nous venons de signaler. Sans doute pour des personnages
de si haute qualité, les artistes soignaient-ils davantage leur reproduction ; il serait
peut-être plus exact de supposer que les figures royales qui, dans les compositions
murales étaient toujours les figures centrales, étaient confiées aux meilleurs dessina-
teurs, aux grands maîtres auxquels on est, par là même, tenté d’attribuer ces dessins
sur calcaire. Si les traits sont assez fins et élégants, si les détails sont traités avec soin,
Wreszinski, Atlas, I, 2 3 a, 56 , 2 45 ; Wallis, Egyptian ceramic art, 1900, pl. V; Mariette, Deir el -
Bahari, pl. 12 ; Lepsius, Denkmàhr, III, pl. i 36 .
(8) Wreszinski, Atlas > I, 284, 288.
Dàvies, The tomb of two sculptors at Thebes, pl, XIII; Bruyère, Deir el-Medineh , 1930, pl. XXVI,
tombe 34 1 (référence due à M m * Desroches-Noblecourt).
Documents de fouilles, t. Il, 3.
1 3
98
J. VANDIER D’ABBADIE.
les poses et les gestes de ces ligures sont malheureusement d’une désespérante con-
vention. Comme toujours lorsqu’il s’agit de souverains ou de dieux, les artistes
semblent être esclaves de formes stéréotypées, auxquelles il leur est interdit d’ap-
porter le moindre changement.
Sur ces ostraca, les rois sont vêtus, soit du pagne court (255i-a555), soit de la
longue robe plissée et transparente ( 2 556-2 557 ) et portent presque toujours le de-
vanteau rigide en perles, orné de têtes d’uræus; ils avancent un pied, dans un mou-
vement de marche et tendent un bras en avant en tenant un sceptre, tandis que l’autre
bras pend le long du corps, à moins qu’ils ne lèvent les deux bras en signe d’ado-
ration ou encore qu’ils ne présentent des offrandes. Leurs têtes sont généralement
coiffées du Idaft ou de couronnes ornées de l’uræus frontal. Enfin les poignets et
les bras sont chargés de bracelets.
Sur l’un des dessins ( 2 554), on peut lire un cartouche au nom de Menkhéper-Rë'
c est-*i-dire fhoutmosis III, qui est figuré debout portant la grande couronne blanche.
Deux ou trois silhouettes sortent cependant des formes conventionnelles, ce sont
d’ailleurs celles qui sont d’une exécution moins soignée. L’une d’elles ( 2552 ) fi-
gure un roi coiffe du klaft rayé et vêtu d’un pagne court; le souverain, un genou en
terre, semble pousser un objet dans un joli mouvement allongé et horizontal. Cette
attitude se retrouve sur différents monuments, statues ou bas-reliefs dont quelques-
uns sont justement célèbres; qu’il suffise de mentionner ici la statue de Ramsès II 0)
ou encore la statue d’Osorkon ( 2 ) poussant une barque sacrée devant lui. Certains
bas-reliefs des temples nous montrent le roi dans une attitude à peu près semblable :
c’est ainsi qu’un relief d’Abydos représente Séti I er offrant à Amon un groupe for-
me du roi couronne de 1 atet et qui, un genou en terre, tient une colonne surmontée
d’une tête d’IIorus. Le mouvement du roi, bien que moins allongé, est le même que
celui de notre ostracon (*).
Une autre esquisse (2 553) se recommande plus par le sujet qu’elle reproduit que
par le style, «à la vérité médiocre, du dessin. Elle représente un homme portant
1 uræus sur le front, ce qui permet de supposer que c’est un roi; il est assis sur un
siégé en forme d X et il confectionne un filet de pêche. On s’étonne de trouver un
roi dans cette modeste occupation qui rappelle les figures de simples artisans, con-
nues dans certaines tombes. C’est ainsi qu’on peut remarquer à Deir el-Medineh
dans la célébré tombe d Ipouy, un homme accomplissant le même geste dans une
pose identique ( 4 L Il tient une navette dans la main gauche et maintient son filet de
(1) Capart, L’Art égyptien, Choix de documents, II, La statuaire, pi. 370 = Legrain, Statues et Statuettes, II,'
p. 7, pi. IV.
(,) Legrain, op. cit., III, p. 6, pi. V.
(3) Capart, Le temple de Seti I" , pl. V.
(4) Davies, Two Ramesside tombs at Thebes, pi. XX = Bulletin of Metr. Mus. 0/ art (New York), 1920,
Eg. Exp., 1916-19, fig. 6. Des figures du même genre peuvent être signalées dans : Davies, El-Amama,\,
pl. V ; Tvlor-Griffith, Ahnas and Paheri, pl. IV, Schâfer, von âgyplischer Kunst, p. 202.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
99.
l’autre main; toutefois nous avons dans la tombe un détail plus vivant que sur notre •
ostracon : le personnage tend le filet dont il maintient l’angle inférieur avec son or-
teil. Ce croquis raide et peu artistique détonne un peu au milieu des autres dessins
royaux qui sont, eux, particulièrement soignés et élégants. Aussi peut-on se deman-
der si ce n’est pas par erreur que l’artiste a posé un uræus sur le front de ce personnage.
Un ravissant fragment de dessin, plus conventionnel sans doute, mais aussi plus
élégant, nous montre un costume composé d’une longue jupe transparente et d’un
devanteau de perles, orné d’uræus (2 556). Un autre croquis malheureusement
fragmentaire, lui aussi et très effacé, reproduit un roi dans la position d’un tireur à
l’arc. Devant lui à la hauteur de son devanteau est une ligne courbe qui est peut-être
l’arc ou encore le bord du coffre d’un char dans lequel il serait monté, pourchasser
dans le désert ou pour guerroyer ( 2560 ).
T. — Tous ces croquis, comme nous l’avons fait remarquer, rachètent leur manque
d’originalité par l’élégance et la finesse de leur style. Le cas est exactement semblable
pour quatre ou cinq têtes royales dont le dessin est d’une grande pureté et d’une
grande sûreté de traits.
La première figure, reproduite dans le catalogue, est tracée sur un grand morceau
de calcaire blanc qui a été trouvé au cours des fouilles, dans les ruines de la maison
du scribe Pa-Rahotep, auquel on est tenté, comme nous l’avons déjà dit plus haut,
d’attribuer cet admirable profil royal (2 568). La tête est coiffée de la haute cou-
ronne bleue dont le beau volume domine le profil. L’uræus qui se dresse sur le
front, ainsi que l’épervier qui étend sur la nuque ses ailes protectrices agrémentent
de leurs détails recherchés et élégants la sévère austérité de la couronne. Sous cette
lourde masse, le profil apparaît très fin, presque féminin. La bouche qui esquisse
un sourire est colorée de rose, ce qui anime l’expression du visage. L’œil allongé est
d’un dessin admirable ainsi que le trait plein de sûreté et de souplesse qui limite
le profil. La puissance du cou s’oppose à la féminité du masque; sur le menton et
la joue, les poils de la barbe, quoique effacés par le temps et les frottements, sont en-
core visibles (1 ). On peut reconnaître dans ce visage racé et régulier la figure de Ram-
sès II jeune, tel qu’on le voit sur les reliefs du Ramesseum ou d’Abydos ( 2 L II y a, en
effet, beaucoup d’analogies entre ces portraits attestés du grand pharaon et ce
dessin sur calcaire. O 11 peut également reconnaître son profil sur les murs de certaines
tombes civiles, c’est le même nez légèrement aquilin, le même œil allongé, ni trop
grand ni trop petit et le menton arrondi ( 3 L Dans le haut à gauche de l’ostracon,
(1) M" e Desroches-Noblecourt, dans un article qui doit paraître dans le prochain Bulletin de VI. F. A. O.,
t. XLV, démontre que la barbe apparente est signe de deuil et cite cette tête royale dont elle interprète
les lignes roses qui sont sous l’œil, comme des larmes.
m Wreszinski, Allas, pl. 56, 7 3 .
(S) Davies, Egyptian Paintings, II, pl. C.
i3.
100
J. VAND1ER D’ABBADIE.
l’artiste a tracé une petite tête de jeune roi. Elle est coiffée d’une étoffe rayée et
surmontée d’un uræus. On aperçoit en transparence sous l’étoffe la grosse mèche de
l’enfance qui retombe sur l’épaule. Le croquis est charmant, plein de jeunesse et
de sensibilité. Sa place dans le coin du morceau de calcaire, au-dessus de cette tête
si belle et si joliment tracée, montre assez que ces pierres étaient vraiment considé-
rées comme des feuilles d’album, sur lesquelles les artistes dessinaient au gré de leur
fantaisie, sans attacher aux images qu ils fixaient ainsi une autre valeur que celle
d’un croquis sans importance. Si on a cru pouvoir identifier ce profil à celui d’un
Ramsès, celui qui est reproduit sur la planche suivante (2569) semble bien figurer
Aménophis III W, Le dessin est également excellent, mais le modèle est loin d’être
aussi séduisant que le précédent, le profil est lourd, la courbe du nez n’a pas la fi-
nesse distinguée de celle de Ramsès II, mais l’œil est très beau et d’un dessin sûr
et plein. Le menton lourd et le cou empâté aux replis graisseux rappellent bien les
portraits connus du Pharaon Aménophis III. Il est possible que ce portrait soit une
copie faite a la XIX e dynastie d apres un portrait connu du Roi. Cependant rien ne
s oppose a ce que 1 ostracon lui-méme date de la XVIII e dynastie : plusieurs dessins
sur calcaire de cette collection proviennent, en effet, des fouilles faites dans des par-
ties du village qui datent de cette époque.
Le Musée du Louvre possède depuis de longues années un admirable profil royal,
qui, bien que d’origine inconnue, provient très probablement de Deir el-Medineh
comme les précédents. On y retrouve le même style et la même sûreté de dessin.
C’est vraisemblablement un portrait de Séti I er , dont le profil, si souvent reproduit
dans les bas-reliefs du temple d’Abydos, nous est deven u si familier : le nez très fin
et légèrement busqué, la bouche petite et souriante et surtout l’œil démesuré dont
la masse et la valeur imposantes envahissent toute la figure, fine à l’excès. Le dessin
esquisse tout d abord a 1 ocre-jaune a ete repris ensuite à l’ocre-rouge puis au trait
noir, mais le detail intéressant, de cette esquisse est le lavis d’ocre-rouge indiqué sur
là pommette et la joue. Cet essai de modelé et cette recherche de relief sont rares
dans l’art égyptien. En effet pendant toute la période pharaonique la peinture est
restée comme une grande enluminure, traitée en teintes plates remplissant des
formes délimitées, sans aucune tentative de modelé. H y a ici un sentiment du volume
qui, bien que faible et timide, est très caractéristique. Le dessin est d’ailleurs d’un
style splendide, plein de souplesse et en même temps d’acuité.
vUn autre dessin se montre aussi élégant et précis que les précédents c’est le profil
d’un jeune roi, dontle menton est orné d’une fausse barbe. L’œil, qui est indiqué d’une
façon plus froide et plus mécanique que dans les trois précédents portraits, est ce-
pendant d un tracé élégant. Le nez et la bouche sont d’un style ravissant, le dessin
est d une purete et d une élégance de ligne incomparables.
Davies, ibid., II, pl. LVII ; Steindorff-Seele, When Egypt ruled the East (Chicago 1 g 4 5 ) ,
p. 79, fig. 20.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
101
Tous ces dessins témoignent d’une habileté et d’une sûreté de main remarquables;
on sent que ces croquis sont les œuvres d’artistes parfaitement maîtres de leur mé-
tier. On a trouvé dans la Vallée des Rois un certain nombre d’ostraca figurés qui
s’apparentent si étroitement à nos documents qu’on est tenté de les attribuer aux
mêmes auteurs. Si on rapproche, par exemple, l’ostracon 2573 d’une esquisse pu-
bliée dans le Catalogue du Caire U), on ne peut s’empêcher d’être frappé par l’ana-
logie de style et aussi par la similitude du dessin ; on y retrouve la même lourdeur
et la même épaisseur de traits, mais aussi le même tracé énergique qui ne manque
pas de caractère.
Il est très vraisemblable que les artistes, auteurs de ces ostraca, qui vivaient dans
cette agglomération de Set-Maât, étaient également les illustrateurs de la plupart
des grands tombeaux royaux de cette époque. Il est donc logique que le plus grand
nombre des profils examinés au cours de ce chapitre ait une ressemblance de style
et de facture avec les personbages dessinés dans les hypogées de la Vallée des Rois.
U. - — Les artisans de Deir el-Medineh qui formaient un petit peuple à part dans
l’immense agglomération thébaine s’étaient créé une religion à eux, religion ortho-
doxe, sans doute, puisqu’elle s’adressait à des dieux honorés de tous temps en
Egypte, religion différente cependant de celle que nous connaissons par les témoi-
gnages innombrables des monuments officiels. Ce fait que nous constatons à Deir
el-Medineh avait dû se produire depuis les origines de l’histoire dans toutes les lo-
calités importantes du pays. La religion locale, qui a joué, dans l’Egypte primitive,
le rôle de premier plan que l’on sait, a conservé, à l’époque historique, une influence
considérable sur le peuple, influence qui apparaît surtout au moment des grandes
crises politiques; les croyances populaires, en effet, survivent à l’effondrement de la
grandeur artificielle de la religion d’État, et cette continuité prouve assez leur force.
Au Nouvel Empire grâce à l’accroissement de la fortune moyenne du peuple, les té-
moignages de cette piété des humbles se multiplièrent. Le hasard des fouilles en a
fait découvrir dans diverses localités, au premier rang desquelles on doit placer Deir
el-Medineh. On pourrait écrire un volume sur la religion populaire de Deir el-Medi-
neh ; nous nous bornerons ici à grouper les renseignements que nous apportent les
ostraca figurés. Ces renseignements sont nécessairement incomplets. On peut s’é-
tonner en particulier de ne trouver sur ces éclats de calcaire aucune trace du culte
que les ouvriers de la nécropole rendaient à la mémoire du roi Aménophis I er , qu’ils
considéraient, à juste titre, comme le fondateur de leur communauté et le dispen-
sateur de leurs privilèges. Ce culte auquel était associée la mère du souverain : Nefertari,
nous est connu par plusieurs scènes peintes dans les tombeaux et par de nombreux
(') Daressy, Ostraca, n° 25167, pi. XXX. On peut comparer également la belle tête du Louvre n” 2670,
avec le fragment du Caire n“ 261 A 4 , pl. XXIX, à qui elle ressemble, non seulement comme trait, mais
aussi comme couleurs et comme facture.
J. VAND1ER D’ABBADIE.
102
monuments privés, mais il n’apparaît pas dans les ostraca figurés publiés dans cette
collection. On se devait de signaler cette curieuse omission, qui n’est peut-être due
qu’au hasard, avant d’aborder la question que nous nous sommes proposés de
traiter.
Tout culte suppose un sanctuaire. Au cours des fouilles de Deir el-Medineh on a
retrouvé, entre le village et la Vallée des Reines, plusieurs chapelles rupestres, simples
grottes qui n ont pu être identifiées que par des ex-voto qui y ont été mis au jour.
En outre dans le village même, on a découvert un certain nombre de chapelles
votives, témoignages, elles aussi, de la piété populaire. Les documents qui seront uti-
lises dans cette section ne proviennent pas tous de ces chapelles, mais on peut sup-
poser que tous étaient primitivement destinés à décorer les parois de tels sanctuaires
ou du moins qu’ils avaient servi de modèles à des ex-voto d’une exécution plus pous-
sée et qui sont aujourd’hui perdus.
Parmi les divinités les plus fréquemment mentionnées à Deir el-Medineh, nous
voyons d’abord la déesse serpent Meresger, forme locale d’Isis qui joue un rôle im-
portant dans la vie des ouvriers de la nécropole. On supposait qu elle résidait sur
la montagne qui surplombe la nécropole. Cette relation entre la déesse et la montagne
est allee si loin qu’on a fini par les identifier et par les confondre sous un même
nom : la Cime. Quatre des ostraca reproduits dans ce catalogue ( 265502658 ) ont
été retrouvés dans la chapelle rupestre de la déesse, sur la route de la Vallée des
Reines. Meresger y est représentée coiffée de l’atef ( 2655 ), du disque solaire ( 2654 )
ou du pschent. Elle se tient le plus souvent dressée devant une table ou un vase
contenant des offrandes végétales. Signalons en passant une intéressante similitude
de sujet sur une coupe en terre cuite trouvée dans les fouilles; elle est décorée d’un
serpent coiffé de l’atef et dressé devant des offrandes de feuilles et de fleurs (fig. 47) (*L
Sur l’un des ostraca, la déesse est figurée avec un corps de serpent et une tête de
femme surmontée d’une coiffure, maintenant à moitié disparue, mais qui devait
être constituée par le disque solaire enserré dans deux cornes lyriformes et surmonté
de deux hautes plumes (2656). Plusieurs des dédicaces sont en partie effacées.
L’une d’elles pourtant a conservé le nom de son dédicant : Ari-Nefer, dont la tombe
retrouvée par MM. Ch. Kuentz et Bruyère à Deir el-Medineh, porte le n° 2 g 0 des
tombes thébaines. Le culte de Meresger était si répandu dans cette partie de la né-
cropole thébaine que de nombreuses effigies de la déesse ont été retrouvées sur des
monuments de Deir el-Medineh. Elle est représentée tantôt comme une femme ( 2 ),
tantôt comme une femme à tête de serpent W, tantôt, enfin, comme un serpent à tête
de femme W. On trouve aussi l’étrange combinaison du sphinx à corps de lion et à
<1} Bruyère, Deir el-Medineh , 1933-1934 (Caire 1937), p. ii 3 , fig. 49.
w Bruyère, Mert Seger à Deir el-Medineh , fig. 21, 86.
^ Bruyère, ibid., fig. 80, 81 ; Vandier, La Tombe de Nefer-Abou , pl. XIII.
(4) Bruyère, ibid., fig. 5 i, 73.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
103
tête de serpent W. Enfin le plus souvent Meresger est figurée comme un serpent
uræus dressé. Elle est alors coiffée de cornes enserrant le disque solaire, ou d’autres
coiffures divines comme sur les ostraca reproduits ici (2655-2656). On peut constater
par les textes et par les nombreuses effigies de cette déesse, retrouvées dans les
fouilles et conservées dans les musées, combien son culte était développé parmi les
sdmw-'s de la «Place de Vérité».
Les hommages des habitants de Deir el-Medineh ne s’adressaient pas seulement
à la forme locale d’Isis : Meresger, mais aussi à Isis elle-même. On sait combien les
Fig. h 7.
Egyptiens avaient été touchés par la légende d’Osiris et avec quelle prédilection ils
avaient rappelé son amour maternel en représentant la deesse dans son rôle de mere,
nourrissant l’enfant Horus dans les marais de Chemnis. On ne doit donc pas s etonner
de voir reproduits sur nos ostraca les trois héros de la geste osirienne. Il semble ce-
pendant que les artisans de la « Place de Vérité» aient voulu exalter avant tout, dans
la tragédie familiale, le rôle de la mère. En effet, les représentations d Isis sont beau-
coup plus fréquentes que celles d’Osiris et d’Horus. Cette préférence s explique
peut-être par le respect naturel qu’a toujours inspiré aux hommes, particulièrement
(l) Bruyère, ibid., fig. 55 - 56 .
10 4
J. VANDIER D’ABBADIE.
aux hommes du peuple, le dévouement maternel. Isis, dans son rôle de nourrice, est
figurée sur un ostracon d’un beau dessin (2593), élégant et adroit quoique sim-
plement ébauché. La déesse porte la coiffure hathorique : deux grandes cornes en-
cerclant le disque solaire. Elle est assise et tient sur ses genoux un jeune roi couron-
né de la couronne* bleue. Deux cartouches laissés en blanc ne peuvent malheureuse-
ment pas nous renseigner sur l’identité de ce roi. Cette scène est sans doute desti-
née à rappeler le caractère divin du roi, qui est assimilé ici au fils de la déesse. Gé-
néralement Isis porte sur sa tête l’hiéroglyphe : |[ W qui sert à écrire son nom :
Un dessin fragmentaire d’un trait lourd et incertain la représente ici coiffée de Ce
signe (2699). Ce sont les deux seuls exemples qu’on puisse signaler des représen-
tations de la déesse sur nos ostraca figurés.
La piete populaire s est toujours adressée avec prédilection à des dieux familiers,
sortes de génies débonnaires qui attiraient d’autant plus la confiance des humbles
qu’ils semblaient en être plus proches. De telles dévotions sont rarement désinté-
ressées : on aimait les demi-dieux pour les services qu’ils pouvaient rendre. Bès, le
nain diflorme était 1 un des plus populaires. Il était le dieu de la joie, de la danse
et de la musique. Dieu protecteur aussi, il se mêlait à la vie des harems et son image
se retrouve sur les manches de miroirs et les étuis à fards. Il veillait sur le sommeil
de ses fidèles et sa figure grotesque orne les pieds de lits et les chevets ( 2 ). Il assiste
également aux naissances royales et sa face grimaçante ornera, à l’époque ptolé-
maïque, les chapiteaux des mammisU 3 ). Les ostraca qui reproduisent sa silhouette
sont généralement d’une veine heureuse.' On le voit parfois, la tête surmontée de
feuillages, brandir des fleurs qu’il tient dans chaque main (2621). Un tel dessin
rappelle qu’il était souvent désigné comme bouquetier ( 4 ). D’autres figurations de
Bès le montrent également serrant dans ses poings deux serpents qu’il étouffe ( 5 ).
C’est le sujet que l’on croit reconnaître sur un de ces ostraca (2622) dont le dessin
est très effacé. Deux autres croquis fragmentaires (2628-2624) sont d’une identi-
fication plus difficile et l’un d’eux, tracé sur un fragment de poterie, figure un vi-
sage de profil qui rappelle plutôt celui d’une divinité stellaire : SebegouW, c’est-à-
dire la planète Mercure, que celui si classique de Bès. En effet, ce sont ici de longs
cheveux en crinière de lion, une barbe d’où sort une oreille d’animal, un crâne plat
<l) Trône. On sait qu’on a voulu faire d’Isis une personnification du trône royal (cf. Sethe, Urgeschickte,
§ 102).
(S) Comme on l’a vu dans les scènes de gynécée, série N, pl. L à LIV ; Erman, Egtjptian Religion ( Trad .
H. Wild), 178.
(3 > Steindorff , Kunst der Aegypter, 161. G. Jequier, Manuel d’archéologie égyptienne. Les éléments de
l’architecture, p. 1 9 3 , fig. 118.
(4) Mülier, Egypiian Mythology, p. 61, fig. 6 h .
Il s agit là d’une idée de protection ; ainsi les stèles d’Horus sur les crocodiles sont toujours sur-
montées d’un masque de Bès et les Horus-panthées souvent représentés comme des Bès.
(J) Mülier, op. cit., 373 ; A. Grenfell, P. S. B. A., XXIV, part I (1902), p. 24 , fig. 1.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
105
et sans coiffure qui rappelle davantage les représentations classiques de Sebegou
que celles du dieu Bès, lequel est généralement vu de face et couronné de plumes.
Cependant, sur des vases trouvés à Deir el-Medineh, on voit, jouant de la flûte ou
tenant une sorte de tambourin, des Bès vus de profils, dont la silhouette et l’attitude
sont à rapprocher de ces deux derniers ostraca (fig. 47) (û.
Touéris, parmi ces divinités familières et bienfaisantes, n’apparaît pas sur nos
documents; nous possédons plusieurs ex-voto dédiés à Bennout, déesse-serpent
qui présidait aux moissons après avoir été la protectrice des tisseurs, mais aucun
ostracon figuré ne semble avoir mentionné le nom de la déesse. Il est possible que
certaines déesses-serpents anonymes doivent être identifiées avec elle, mais il est
plus vraisemblable de les assimiler à Meresger.
On doit s’étonner que les dieux familiers aient été si peu fréquemment repro-
duits sur nos éclats de calcaire. Il eût été naturel que les élans de confiance sponta-
née qui portaient les humbles vers leurs dieux familiers se fussent traduits, plus vo-
lontiers que sur des stèles, sur ces modestes ostraca, dont le caractère spontané et
libre a été plusieurs fois signalé dans cette étude. Peut-être doit-on attribuer cette
circonstance à un sentiment tout autre que l’indifférence. Ces génies bienfaisants
étaient sans doute des dieux familiers : ils étaient surtout des dieux domestiques,
et les affectueux échanges entre eux et leurs fidèles étaient si fréquents qu’ils n’a-
vaient plus besoin d’être consignés par écrit. Ces dieux vivaient, en quelque sorte,
dans la maison; ils figuraient sur les meubles, sur les moindres objets usuels.
N’était-il pas bien inutile de traduire, une fois de plus, sur les ostraca, cette présence
dont on était censé ressusciter à chaque instant l’efficacité bienfaisante? Une telle
explication ne peut naturellement être proposée qu’à titre d’hypothèse.
Quelle était maintenant l’attitude des habitants de la «Place de Vérité» à l’égard
des grands dieux du panthéon? Certaines de ces divinités par le rôle spécialisé qu’elles
s’étaient vu attribuer avaient droit, semble-t-il, plus que d’autres, aux hommages
des humbles. Hathor, la déesse joyeuse, qui présidait aux fêtes et à l’amour, avait
sa part dans ces hommages. Elle était fréquemment figurée sous la forme d’une vache.
C’est pourquoi les quelques ostraca qui la représentent ici montrent des visages
féminins vus de face, flanqués de larges oreilles de vache. C’est ainsi que le visage
de la déesse est composé sur les chapiteaux hathoriques. Sur l’une des esquisses
reproduites (2 645 ), la tête surmontée d’une corniche a certainement été composée
pour ou d’après un élément architectural. Le personnage figuré à gauche de la repré-
sentation n’a aucun rapport avec elle et provient d’une scène antérieure à moitié
effacée sur laquelle l’artiste n’a pas hésité à tracer sa tête hathorique sans souci des
anciennes traces de peintures encore visibles sur le calcaire. Au-dessus de la tête se
trouve une ligne de texte qui donne le nom de la déesse et son épithète qui est dans
W Bruyère, Deir el-Medineh, 1933*1934 (Le Caire 1937)^. 11 3 , fig. 49.
106
J. VANDIER D’ABBADIE.
V Occident. Le dessin est froid et habile, tandis que celui du second ostracon (2 646 ),
qui figure également une tête d’Hathor, est lourd et disgracieux. C’est sans doute
l’œuvre d’un débutant. Ces esquisses semblent avoir été des essais de décorateurs;
on a, en effet, retrouvé des coupes dont le fond est orné de quatre têtes hathoriques
symétriquement disposées dont le motif est semblable à ceux de ces dessins sur cal-
caire b). A Deir el-Medineh notamment, on a trouvé une coupe en terre cuite dont
la bordure est ornée de têtes semblables ( 2) . Ainsi la tête de la déesse était devenue,
•aux mains des artistes ingénieux, un simple motif décoratif.
Parmi ces divinités spécialement honorées à Deir el-Medineh il faut citer Thot, le
patron des scribes et Anubis l’embaumeur. Les ostraca nous donnent l’image du
premier sous ses deux formes d’ibis et de cynocéphale. Thot fut adoré dans le Delta
avant de l’être en Moyenne Egypte. Généralement figuré sous la forme d’un ibis ou
d’un homme à tête d’ibis, il était vénéré comme dieu de la lune sous la forme d’un
babouin. Un très beau dessin (2 635 ) le figure en babouin; les mèches du camail
sont finement, stylisées et dessinées, comme la tête de l’animal et le reste du corps,
avec une fermeté, une souplesse et une élégance de traits tout à fait remarquables.
Un morceau de calcaire cubique porte, sur deux de ses faces, deux autres figures de
Thot en babouin. L’une d’elles (2636 b) le représente la tête surmontée du disque
lunaire, tandis que l’encrier des scribes est suspendu à son cou. 11 est ainsi figuré
dans ses deux attributions de dieu lunaire et de dieu de l’écriture. La fin d’une
ligne de texte donne, sur cette représentation, le titre du dieu : « Maître de Kheme-
nou», c’est-à-dire d’Hermopolis-Magna en Moyenne Egypte. Enfin un autre ba-
bouin (2637), rapidement esquissé, tient dans sa patte une palette de scribe, mon-
trant encore Thot dans son rôle de dieu de l’écriture. Ces croquis n’oflrent pas un
particulier intérêt artistique, si ce n’est par leurs qualités d’observation et de spon-
tanéité .
Anùbis que nous venons également de citer parmi les grands dieux égyptiens est
le plus souvent figuré sous la forme d’un chien couché, aux oreilles dressées. C’est
sous cet aspect que les artistes de Deir el-Medineh ont représenté sur les deux seuls
ostraca qui nous soient parvenus, l’image d’Anubis l’embaumeur, celui de qui dépen-
dait, en grande partie, l’heureuse survie de tout Égyptien dans l’au-delà f*L Sur la
première esquisse (26^0), l’animal se silhouette en noir : le cou tendu, les oreilles
dressées et l’œil fixe donnent à toute la figure une expression d’attente et de tension
qui imprime un certain caractère à ce dessin d’ailleurs assez raide et mal propor-
tionné. La seconde esquisse (26A1), qui est fragmentaire, montre Anubis, couché
T. Boülos, Annales du Service des Antiquités, 1906 (VII), p. i- 3 , fig. 6.
W Bruyère, Deir el-Medineh, 1933-198/1 (Le Caire 1987), p. ii 3 .
( 3 ) On lui attribuait de tout temps l’invention des procédés de momification. Dès l’Ancien Empire,
il présidait à l’embaumement; aussi est-il souvent représenté sous sa forme humaine à tête de chien,
armé d’un couteau et penché sur le cadavre qu’il prépare pour l’embaumement.
107
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
sur un naos couronné d’une corniche en gorge égyptienne. Il porte le fiagellum
sur son dos et il a le cou serré dans un collier ou une cravate. C’est l’attitude et
les détails familiers des représentations d’Anubis au Nouvel Empire et on en trouve
de nombreux exemples dans les tombes de Deir el-Medineh. Le culte de Ptah était
également très développé dans cette partie de la région thébaine. Le dieu de Mem-
phis était avec Amon, Rë' et Seth, un des quatre grands dieux de la dynastie des
Ramessides. Il n’est pas certain toutefois que ce rôle politique doive etre mis à 1 ori-
gine de la ferveur dont il parait avoir joui dans la «Place de Vérité », pas plus d ailleurs
que le rôle théologique qu’il avait joué au cours des premières dynasties memphites,
et qui s’exprime avant tout dans la fameuse stèle de Shabaka, réplique tardive d’un
très ancien original. Ptah était aussi le patron des artisans. Or les habitants de Deir
el-Medineh étaient tous des artisans. Ce simple rapprochement suffit, semble-t-il,
à expliquer le culte qu’on lui rendait dans cette localité, dans ces petites chapelles
rnpestres dont il a été question plus haut, et qui étaient situées sur la route condui-
sant du village à la Vallée des Reines. Ces chapelles étaient vraisemblablement ornées
d ’ ex-voto dans le genre de celui qui est reproduit ici (260 5 ) ('h Ptah y est représenté
avec cette silhouette étrange qu’on lui connaît bien, enveloppé dans une gaine col-
lante, les deux avant-bras sortant directement de sa poitrine et tenant le sceptre
oms; son crâne est rasé et une petite barbe orne son menton. Le dieu est assis devant
une table d’offrandes de l’autre côté de laquelle un orant présente une sorte de coupe
d’où s’élèvent trois flammes, et toute la scène est encadrée d’une bande formée de
lignes rouges et noires alternées, ce qui donne a 1 ensemble, un caractère de tableau
que n’ont généralement pas les esquisses sur calcaire. Au-dessus de l’image divine,
le nom est inscrit en signes hiéroglyphiques. Un autre fragment, provenant égale-
ment d’un ex-voto ( 2607 ), est extrêmement efface. Le nom du dedicant a disparu;
on sait seulement qu’il portait le titre si fréquent à Deir el-Medineh de édm-s. Les
autres croquis sont, comme les précédents, d’un dessin dépourvu de caractère.
On s’ explique moins bien la présence, sur nos éclats de calcaire, de certains autres
dieux, notamment de Sébek, de Chnoum et même de Khépri, encore que le scarabée
divin ait été identifié au soleil levant et que la religion solaire, sous une forme un peu
dégénérée, il est vrai, ait encore joué à la XIX e dynastie un rôle de toute première
importance. Les ostraca de cette collection n’offrent d’ailleurs qu’ exceptionnellement
les traits de ces divinités. Des ex-voto de Sébek dédiés au dieu par des ouvriers de la
nécropole nous montrent le grand crocodile couché, la tête surmontée de la grande
couronne atef (2650). Devant lui, une ligne verticale d’hiéroglyphes indique qu’il
s’agit d’une « offrande à Sébek», tandis qu’une ligne horizontale, au-dessus du dieu,
donne le nom et les titres du dédicant : Le chef des gardiens dans la Place de Vérité :
KhaïW. Sur un second dessin, Sébek n’a plus la coiffure atef mais il est couché sur
• ‘) Bruyère, Deir el-Medineh , 1 9 3 1 - 1 9 3 3 , p. 86. — ^ Bruyere, ihid., ig 34 - 35 ,p. 296,
108
J. VANDIER D’ÀBBADIE.
un naos. Le nom du dédicant, qui est également un ouvrier dans la Place de Vérité, est
en partie en lacune et se termine par . . . maikheta (?).
Des esquisses représentent également le dieu à tête de bélier Klxnoum, qui était
particulièrement adoré à Esneh et à Eléphantine. Son sanctuaire dans cette localité
est un des plus célèbres et un des plus vénérés. Il forme une triade avec Anoukis et
avec Satis, qui fut, avant lui, la divinité de la cataracte ( J) . C’est avec cette déesse qu’il
est représenté sur un petit ex-voto (a63i) qui leur est dédié par Pashed, sdm-s m êt
m'/t. Ce dessin, composé comme un petit tableau c’est-à-dire limité par un cadre,
indépendant de la forme de la pierre sur laquelle il est tracé, est extrêmement sché-
matique et linéaire. Satis est représentée enveloppée dans un long fourreau, la tête
coiffée de la haute couronne blanche d’où s’échappent deux cornes lyriformes. Devant
elle se tient Khnoum, à corps humain et à tête de bélier surmontée de deux cornes
horizontales. En regard de chaque personnage est inscrit son nom. Une ligne de texte
donne les noms et les titres du dédicant et sert de base à cette petite scène. Un autre
ostracon (2682) montre Khnoum criocéphale protégé par une déesse ailée, mais le
dessin lourd et indistinct ne permet pas d’analyser les détails de cette scène.
Les ouvriers de Deir el-Medineh ayant dû souvent aller jusqu’aux carrières d’As-
souan pour en rapporter les matériaux nécessaires aux grands travaux de la région
Thébaine, il est naturel que le culte de Khnoum et de la triade d’Eléphantine ait été
en faveur, à Deir el-Medineh, sous Ramsès II.
Un autre animai (2 633) indiqué d’une façon plus nette et plus précise a été iden-
tifié à tort à Khnoum. En effet on doit distinguer entre deux sortes d’animaux de cette
espèce, l’ovis palaeoaegyptiacusW, dont les cornes sont étendues horizontalement sur
la tête et qui symbolise le dieu Khnoum, et i’ovis platyra Aegyptiaca dont les cornes
fortement incurvées en arrière de la tête ont la pointe abaissée vers le cou. C’est ce
dernier animal qui est figuré sur l’ostracon 2 633; indiqué d’une façon plus nette
et plus précise ; il représente non pas Khnoum, mais probablement une forme d’Amon
de Thèbes ou du dieu qui était adoré à Mendès W. Ces dieux boucs n’ont pas de
noms particuliers, on les appelle : «le bouc» W, comme sur notre ostracon où l’ani-
mal est, de plus, qualifié de « chef de tous les dieux». C’est pourquoi il représente,
vraisemblablement Amon, le grand dieu de Thèbes, particulièrement puissant et
vénéré au Nouvel Empire. Le dieu respire des fleurs de lotus disposées dans une
jolie vasque, qui est elle-même modelée en forme de fleurs de lotus.
Quant au scarabée divin identifié par les anciens Egyptiens, ainsi que nous l’avons
dit, au soleil levant, nos documents nous en ont conservé trois représentations, la
W Cf, une mention de la Triade d’Eléphantine sur un naos du Musée de Turin ; Maspero, Recueil de
Travaux, vol. II, p. 197.
(a) Keimer, Annales du Service, XXXVIII, p. £597 à 33 1 ; A. Wainwright, J. E. A., XIX, 1933, p. 160.
Ledrain, Monuments de la Bibliothèque Nationale, pl. II.
Erman, Histoire de la Religion égyptienne (trad. Wild), p. 67.
OSTRAGA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
109
meilleure (2642), nous montre le grand scarabée ailé aux ailes éployées, tenant entre
ses deux pattes la boule solaire qu’il roule devant lui. Une autre représentation (26 44)
le fait figurer au milieu du disque solaire posé sur le signe de l’horizon kûj. Ces der-
nières esquisses n’offrent comme on le voit que peu d’intérêt documentaire ou même
artistique, mais, comme on l’a fait remarquer, la présence de ces quelques dieux sur
les éclats de calcaire de Deir el-Medineh s’explique assez mal. L’art est dominé par
la fantaisie et on a toujours reconnu à l’artiste le droit de réagir, même lorsqu’il
s’agit de piété, autrement que le commun des mortels. Admettons donc que certains
scribes de Deir el-Medineh aient eu une particulière dévotion pour le dieu crocodile
qui, ailleurs, était considéré comme le dieu de la végétation, pour le dieu bélier
d’Eléphantine et pour le soleil levant qui, chaque jour, ramenait dans le pavs la joie
de vivre.
Il ne nous reste plus à parler que du plus grand des dieux, celui qui, depuis de longs
siècles déjà, dominait la religion de l’Egypte, je veux dire d’Amon. N‘est-ce pas à lui,
en effet, qu’il faut réserver le couronnement de cet édifice constitué par les plus grands
dieux du panthéon égyptien? A ce puissant dieu d’Etat, il faut associer Min, le dieu
générateur de Coptos auquel il avait emprunté tant de caractères et tant d’attributs Ù),
Le dieu Min apparaît sur deux éclats de calcaire seulement (2618-261 4) et encore
sont-ils très effacés et d’un style fort insuffisant. Quant à Amon lui-même, le maître
de Karnak et de Louxor, il n’était pas possible qu’il fût absent de Deir el-Medineh.
On doit noter toutefois que les artisans de la « Place de Vérité», effrayés sans doute
de l’écrasante grandeur du dieu d’Etat, l’honoraient sous des formes locales que
nous ont fait connaître surtout les oracles écrits sur des tessons et trouvés au cours
des fouilles. On ne sait pas exactement à quoi répondaient les noms d ’ Amon-Pa-Khenti,
Amon de Ta-Shénit et Amon de Boukhenen, mais on peut être assuré que les ouvriers
de Deir el-Medineh trouvaient ces formes populaires du maître du monde plus acces-
sibles et qu’ils s’adressaient à elles avec une confiance beaucoup plus grande.
Si beaucoup d’ostraca trouvés à la Vallée des Rois représentent Amon adoré sous
diverses formes par ses fidèles, il n’y a dans notre collection que peu de dessins
figurants le maître de Karnak et encore sont-ils fragmentaires. L’un d eux (2 5 94),
dont il ne reste plus que la base, représentait le dieu suivi de sa parèdre Moût,
d’autres fragments sont encore consacrés à Amon, mais ils n’offrent aucune origina-
lité, le dessin correct et décoratif en est particulièrement conventionnel. Il semble
que la fantaisie lorsqu’il s’agissait d’un dieu aussi puissant que le seigneur de
Karnak, le maître de l’Egypte, ait été interdite aux auteurs des ostraca.
Nous avons gardé pour les examiner en dernier lieu les croquis qui ne représentaient
pas uniquement, ni exactement, des figures divines. Par exemple un fragment montrant
un avant-bras et une main, tenant un long bâton, dans la pose donnée généralement
(1) Sethe, Amun und die ucht Urgôtter von Hermopolis , Berlin 1929, § 2 4 et seq.
no
J. VANDIER D’ABBADIE.
au dieu Min (2601 ). Ce fragment qui n’a rien de remarquable .comme sujet ni comme
dessin présente cependant un détail intéressant : ce croquis rapide est tracé sur le
fond quadrillé d’une mise au carreau. 11 n’est plus à prouver que les Égyptiens
employaient ce procédé pratique pour agrandir et tracer leurs esquisses sur les grandes
parois de leurs hypogées puisqu’on a retrouvé dans les tombes royales elles-mêmes Ô),
et sur certains tableaux non terminés des tombes civiles, des vestiges de cette prépa-
ration ( 2) . Il est intéressant de connaître ainsi les procédés de travail des artistes
égyptiens. Sur le fragment d’ostracon reproduit planche LXXX, on remarquera que
le dessin est assez mou, impersonnel et peu poussé. D’autre part, les carreaux sont
tracés d’une façon irrégulière qui aurait été une source d’erreurs pour l’artiste s’il
avait eu à reproduire sur une grande paroi la figure ainsi préparée. Il est vraisemblable
que ce modeste dessin était un simple exercice de débutant essayant de s’entraîner
aux procédés du métier.
Signalons également un sphinx couché sur un petit naos (2604). Il est coiffé d’un
pschent et porte une fausse barbe. Un cartouche illisible est tracé sur le naos. Le
sphinx était l’image divinisée du roi, le grand sphinx de Gizeh avait, comme on le
sait, le visage du roi Ghephren. Ce petit motif était assez familier dans les représenta-
tions Itinéraires des tombes, mais il r. 'offre sur ce croquis aucun détail original qui
mérite d’être étudié.
En revanche, l’ostracon 2 663 est particulièrement intéressant et original. H
figure, non pas un dieu, mais une scène de culte divin. II s’agit de la procession du
reliquaire d’Osiris à Abydos. Ce reliquaire était censé contenir la tête du dieu et il
était conservé dans le temple d’Abydos. Chaque année avait lieu une grande cérémonie
au cours de laquelle le reliquaire était sorti du temple par des prêtres qui, placés
à l’avant et à l’arrière du reliquaire, le portaient sur leurs épaules au moyen d’un pavoi.
Ce cortège se dirigeait vers la rive du fleuve au milieu du peuple, offert à l’adoration
des fidèles. Sur le Nil l’attendait la barque sacrée, la Neshmet, sur laquelle il
accomplissait la traversée jusqu’à son «tombeau Peker»W. Cette cérémonie a été
plusieurs fois représentée sur des stèles, des sarcophages, des parois de temples, mais
la plupart du temps la procession est arrêtée, tandis que sur notre ostracon nous
voyons la procession en marche, ce qui est très rare et c’est ce qui fait l’intérêt et
l’originalité de notre dessin. 11 est, en effet, le seul document entier figurant cette
scène. On peut cependant citer deux fragments de la procession en marche, l’un est
gravé sur les parois du temple de Ramsès II à Abydos, et ne montre que le bas du
reliquaire et les jambes des prêtres qui le portent (fig. 48 ); l’autre est une stèle
(M Th. M. Davis, The Tomb of Harmabi and Toutankhamon , pi. LI.
(») M. Baud, Les dessins ébauchés dans les tombes thébaines , pi. X, XIX, XX, XXI ; Wreszinski, Atlas, I, pl. 3 1 ;
Müller, Die Felsengrâber der Fürsten von Elephantine, fig. XXXII, pl. XXXVI; Cafart, L’art ég., Choix de
Documents, Les Arts graphiques, pl. 517.
(»> Schafer, Untersuchungm, IV, 2 (inscription d’Ikhernefrit), p. 26-28.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDIMEH.
lit
de la XIX e dynastie extrêmement fragmentaire et sur laquelle on ne voit que cinq
porteurs et une partie seulement du reliquaire (fig. 49) h). Quelques lignes d’inscrip-
tion donnent les noms des personnages, et de grandes oreilles symétriquement dis-
posées indiquent qu’il s’agit d’une pétition, comme sur les tablettes de Memphis < 2 )
ou encore d’un ex-voto déposé en action de grâces pour une prière qui aurait été
entendue et exaucée par le dieu! 3 ).
Sur l’ostracon du Musée du Louvre, la
scène, qui est entière, est compliquée par
de nombreux détails symboliques et déco-
ratifs. Un naos à double porte, posé sur
un traîneau, est soulevé par des prêtres au
moyen de brancards fixés à la partie supé-
rieure du monument. Au milieu de la plate-
forme que constitue le toit du naos, se
dresse un mât au sommet duquel est fixé le
reliquaire : on sait que celui-ci affecte la forme d’une tête très stylisée ( 4 ), que surmonte
la grande couronne atef; deux uræus se dressent
sur le front. De chaque côté du mât se tient
un roi debout, coiffé de la couronne blanche.
Derrière lui se dresse un grand sceptre : f, puis
le chacal Anubis couché et cravaté. Enfin vient
un pavoi sur lequel se tient un bélier debout,
couronné également de l’atef; un grand éventail
enrubanné achève de remplir la surface de cette
plate-forme ( 5 C Si surchargée que soit cette scène, on
la trouve ailleurs plus riche encore en détails. Ainsi
dans le temple d’Abydos, dans la chapelle d’Osiris! 6 ),
le reliquaire est entouré de pavois supportant, non
seulement les deux béliers couronnés mais aussi le
roi couronné de l’atef, un faucon, un ibis, un
Fig. 49. serpent et un chacal. Des tables d’offrandes char-
gées de vases et de fleurs sont placées sous le
pavois de chaque côté du naos qui sert de base au reliquaire. Les mêmes éléments
diversement distribués se retrouvent également autour du reliquaire, peints sur
Fig. 68.
Petrie, Tombs of the courtiers and Oxyrhynkhos , pl. XXXI, 4 .
Petrie, Memphis, I, IX-XIII.
Ermàn, Religion (trad. H. Wild), p. 176.
W Kees (Gotterglaube, p. 129 et 332 ) pense que ce reliquaire représentait primitivement une ruche.
W Quelques signes hiératiques subsistent en haut de l’ostracon.
W Mariette, Fouilles en Égypte, II, texte, p. 64 - 65 .
112
J. VANDIER D’ABBADIE.
un cercueil anthropoïde du Musée de Bologne h), Une grande déesse ailée, à gauche
de la scène, semble protéger la relique de ses deux ailes étendues. Sur d’autres
représentations Thot et Horus de chaque côté du reliquaire font les gestes de
l’adoration* 1 2 ). On voit que l’imagination des scribes égyptiens n’était pas en peine
pour accumuler les détails nouveaux destinés à donner encore plus d’importance à
cette scène. Néanmoins, dans toutes ces représentations il n’est pas question de
procession : tous ces échafaudages savants sont immobiles. Il n’y a que sur l’ostracon
du Louvre et sur les deux autres documents que nous avons signalés, que la proces-
sion abydénienne est représentée en marche, et bien que ces trtfis scènes pro-
viennent de localités différentes, elles datent toutes les trois de la même époque,
c’est-à-dire de la XIX e dynastie.
Les exemples sont plus nombreux lorsqu’il s’agit de la procession de la barque
d’Amon, les ostraca eux-mêmes la reproduisent en marche à plusieurs reprises diffé-
rentes. L’un d’eux, conservé à Berlin * 3 ), montre huit prêtres portant sur leurs épaules
le pavois qui soutient la barque au milieu de laquelle s’élève un naos. Autour de ce
naos on remarque, comme pour le reliquaire d’Abydos, tout un accompagnement
de rois, de divinités, d’éventails et de fleurs. Le même sujet est également reproduit
sur un ostracon de Munich et sur un autre conservé à Tiibingen * 4 >. Cette dernière
composition est plus simple : il n’y a que deux prêtres porteurs, et, sur la barque, se
dresse une sorte de piédestal à cinq marches, en haut duquel trône un babouin qui
tient dans sa patte un rouleau de papyrus et qui est protégé par Isis et Nephthys
représentées sous forme de faucons * 5 L
Tous ces dessins datent, comme le nôtre, de la XIX e dynastie ou de la XX e dynastie,
ce qui semble indiquer que des sujets religieux qui se rencontrent à cette époque,
figuraient aussi bien, comme nous l’avons vu, sur les murs des temples que sur les
stèles ou les sarcophages. Ils étaient à l’honneur et devaient être appréciés également
pour la décoration des tombes de la Vallée des Bois et aussi des tombes de particuliers
de la région thébaine.
On peut constater après cette brève revue des ostraca religieux de notre collection
que les sujets, à part quelques .rares exceptions, n’offrent pas une très grande origi-
nalité et que la façon dont ils ont été traduits par les artistes est particulièrement
conventionnelle. Il est vrai que ces thèmes, classiques par essence, ne les autorisaient
pas, comme plusieurs des groupes précédemment étudiés, à donner libre cours à
(1) Bologna, Museo Civico, p. 233, n° 1971 (Cercueil de Necht-Bast-Rou ).
(2) Berlin, statuette n* 1 7 2 7 2 ; Lady Meax collection , p. 1 08-1 09 , iT 5 oÀ; Legrain, Statues et Statuettes ,
III, pl. XXXIII, p. 62. Toutes ces références concernant le reliquaire d’Abydos m’ont été communiquées
par J. J. Clère, auquel j’adresse tous mes remerciements.
(3) Schafer, âgyptische Zeichnungen . . . . , 1916, 3 o, abb. 12.
(4) Spiegelberg, O. L. Z., 3i, 1928 , p. 33g.
(5) Peut-être est-ce un souvenir des pleureuses si souvent appelées dans les scènes de funérailles :
« les deux milans».
OSTRACA FIGURÉS DE DE1R EL-M EDINEH.
113
leur fantaisie. Néanmoins, plusieurs de ces dessins sont d’une élégance et d’une
sûreté de main qui prouvent une fois de plus l’habileté et la technique des scribes
égyptiens.
L. — Les Egyptiens étaient, et sont restés, navigateurs par définition, puisque la
grande voie de communication de leur pays est le Nil. Ils possédaient donc des barques
de toutes tailles et de toutes formes, barques profanes répondant à tous les besoins
de la vie journalière et barques sacrées qui servaient aux cultes. En effet, parmi
les lêtes religieuses, l’un des épisodes les plus importants était la procession de la
barque sacrée servant de chapelle et contenant l’image du dieu. Dans la fête d’Amon
à Louxor, le roi faisait des offrandes devant la barque, puis le cortège gagnait le
Nil où la barque Ouser-het, d’abord portée sur les épaules des prêtres, était ensuite
posée sur un vrai bateau amarré à la rive du fleuve **). Elle était accompagnée de toute
une flottille où les barques de Moût, de Khonsou, du roi et de la reine étaient
particulièrement admirées pour la richesse de leur décoration * 2) . La cérémonie se
déroulait à peu près de la même façon à Abydos, lors de la sortie d’Osiris. La barque
A eshmet était sortie et promenée processionnellement sur le Nil. Ces embarcations
sacrées faites en bois de cèdre étaient ornées de riches décorations et plaquées d’or* 5 ).
Les dieux dans leurs navigations célestes ou infernales se servaient de ces mêmes
barques sacrées.
Aussi trouve-t-on dans l’art égyptien, aussi bien en peinture qu’en sculpture, de
très nombreuses reproductions de bateaux et de barques de tout modèle * 4 ). On en
voit quelques exemples ici sur nos ostraca, mais ils sont malheureusement tous très
effacés ou fragmentaires.
Sur trois de nos documents on aperçoit un de ces légers esquifs de papyrus qui
servaient pour la pêche ou pour les promenades d’agrément. Ils voguent sur un canal
au milieu de fourrés de papyrus. Dans l’une de ces barques (2667), on peut voir
une femme accroupie cueillant une Heur d’eau. C’est le thème souvent reproduit
dans de charmantes scènes qui décoraient les bibelots de toutes sortes que les anciens
Égyptiens appréciaient tant et qui sont souvent, grâce au goût et à l’habileté des
artisans, de véritables petits chefs-d’œuvre. On peut citer ainsi des coupes de poterie
servant sans doute à contenir des parfums ou des onguents pour la toilette et dont le
fond est décoré de barques qui portent des jeunes filles ou des animaux et qui voguent
parmi les fourrés' de papyrus* 5 ), ou encore des manches de cuillers à fards dont le
bois artistement ajouré figurait de légères embarcations de papyrus sur lesquelles des
Wolf, Das schone Fest von Opet } pl. I, IL
Ermàn, Religion , p. 2 34 .
W Foucart, La belle fête de la Vallée .
< 4) Boreux, La nautique égyptienne .
w Wallis, Egyptian ceramic art, pl. XII, p. 24, fîg. 3g, 4o.
i5
Documents de Fouilles , t. Il, 3.
114
J. VANDIER D’ABBADIE.
jeunes filles cueillaient des fleurs et jouaient du luth au milieu de lotus en fleurs W.
Les deux autres compositions (2666-2671) sont plus effacées encore, mais toutes
trois gardent les restes des tons chatoyants qui les coloraient. Deux autres dessins
très fragmentaires sont seulement tracés en noir (2668-2669). Sur le premier, trois
rameurs se tiennent dans une sorte de cabine placée sous la voile deployee ; un oiseau
volète en haut du mât. 11 s’agit ici, non plus d’une légère embarcation de promenade
sur le Nil, mais d’un gros bateau servant probablement aux expéditions lointaines,
comme celle du Pount, par exemple, figurée sur les parois du temple d Hatshepsout
à Deir el-Bahari. Cet ostracon devait être divisé en plusieurs registres, puisque au-
dessus de la barque, on aperçoit encore une série de vases alignés constituant peut-être
sa cargaison de produits exotiques. Un autre ostracon (2670) figure une barque
divine. La proue est ornée d’une tête de divinité surmontée de deux cornes en
forme de lyre enserrant un disque solaire. C’est certainement une tête d Hathor
telle qu’on la voit en proue et en poupe de la barque d’Horus (2 ) à Edfou; le cou est
orné d’un large collier ousekh. Une déesse est assise sur un trône au milieu de la
barque. L’état fragmentaire de ce morceau ne permet ni d’identifier la déesse, ni de
juger du style du dessin.
On est un peu déçu par la pauvreté des fragments retrouvés, d’autant plus que,
ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, la navigation jouait un grand rôle en Egypte
ancienne et qu’on pouvait espérer, par conséquent, trouver parmi ces dessins, des
documents plus nombreux et plus caractéristiques.
W. — C’est la même observation qu’on peut faire ici à propos des représentations
de fleurs et de plantes. On sait quel rôle important et charmant le règne végétal jouait
dans les peintures et les bas-reliefs de l’ancienne Egypte; on pouvait donc s’attendre
à retrouver, sur nos esquisses, maintes études ravissantes de ces fleurs, de ces plantes
et de ces arbres dont les Egyptiens aimaient à s’entourer et à orner leurs maisons et
leurs jardins. Au contraire, les ostraca de cette sorte sont assez rares. On peut cepen-
dant signaler quelques exemples intéressants du célèbre lotus ( Nymphéa caeruleaj,
fleur favorite des anciens Egyptiens à toutes les époques. Les artistes avaient su tirer
un parti remarquable de cette ravissante fleur; on la retrouve dans les frises, dans les
décorations, dans les bouquets, formant des bijoux ou des coupes, décorant des
meubles et des objets de toutes sortes. Parmi ces quelques dessins de lotus, un très
bel exemple (267/i), moins conventionnel que les autres, semble être une étude
d’après nature. Il est d’un style un peu lourd, mais il garde une vigueur, une santé
et un charme de couleurs qui évoquent réellement l’étude d’après nature.
Un autre dessin (2675) de fleurs de lotus s’oppose au précédent par sa composition
symétrique et décorative et par son style élégant mais apprêté et convenu. Quelques
(') Capart, Recueil de Monuments, 2' série ( 1 g o 5 ) , pl. LXX.
m Rochemosteix-Chassinat, Edfou, I, pl. XII.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEII.
115
autres ostraca (2678-2679) figurent encore des fleurs de papyrus et aussi des fleurs
de lotus. Un fragment de calcaire (2680) représentait sans doute une scène d’inté-
rieur car on y voit encore un siège sur lequel un personnage était assis. Il portait
également une guirlande de feuilles lancéolées, colorées en vert, d’un dessin un
peu facile.
Enfin quelques palmiers, l’arbre familier des paysages égyptiens, sont également
esquissés sur ces ostraca. Le plus joli exemple est un petit palmier-doum (2682),
aux grandes feuilles en éventail et d’une forme bien équilibrée ou 1 on reconnaît les
palmiers si souvent figurés dans les scènes de cueillette de noix.
On a retrouvé à Deir el-Medineh un grand nombre de poteries très variées de formes
et de décors. Ces vases étaient souvent ornés de fleurs et d’éléments végétaux. Cer-
tains rappellent précisément quelques-uns des ostraca (d qu’on vient de voir et il est
possible que ces études aient servi à composer les motifs décoratifs destinés à orner
ces coupes et ces amphores.
X. — Ce sont encore des motifs exclusivement décoratifs que nous présentent les
ostraca de cette série ; on y reconnaît facilement des esquisses pour ces jolis plafonds
qui ornaient les tombes de la région thébaine, de la XVIII e à la XXI e dynastie. Ces
plafonds, qui figuraient des dais d’étoffes colorées f 2) , émaillaient de leurs couleurs
vives et variées les chapelles et les caveaux funéraires ; l’imagination des décorateurs
semble avoir été inépuisable dans ce domaine, mais les fragments qui ont été retrouvés
sur les ostraca figurés ne donnent qu’une bien faible idée de l’infinie variété de ces
thèmes et de leurs splendides couleurs. Ce sont des formes géométriques composées
et combinées avec des motifs floraux, lignes, cercles, rinceaux s’entremêlant avec des
fleurs de lotus ou des pétales de fleurs (2688-2689-2690-2691) W.
Les quelques petits fragments que nous possédons peuvent être rapprochés de
certains plafonds connus, dont la disposition est à peu près semblable. Ainsi on peut
voir le motif de rinceaux (2 858 ) ornés de fleurs de lotus, qui est assez frequent a la
XIX e dynastie ( 4 ). Un autre, plus simple et formé seulement de carrés alternativement
ornés de figures géométriques et de fleurs stylisées (2689), se retrouve également
comme motif de plafond de plusieurs tombes thébaines ( 5) .
A ces esquisses de plafond on a joint d’autres éléments décoratifs qui n’offrent
pas un très grand intérêt : on y trouve un de ces grands éventails qu’on employait
Bruyère, Deir" el-Medineh, 1933-1934 (Caire 1937), p. 112-11 3 , fig. 4 8 - 4 9.
W Jéquier, La décoration égyptienne, p. 6 .
Jéquier, dans son intéressante étude sur la décoration égyptienne, fait observer qu’à la XVIII e dy-
nastie les motifs étaient seulement géométriques ; ils perdent cette belle sobriété à la fin de la XIX e dynastie
et montrent aux XX e et XXI e dynasties des combinaisons de formes géométriques compliquées de végétaux
et même d’animaux. Jéquier, ap. cit p. 7 et sq.
W Id., ibid pl. XXXIII (Tombe de Nésipa-nefer-her).
W Id., ibid., pl. IX; Davies, Tivo sculptors al Thebes, pl. XXX,
116
J. VANDIER D’ABBADIE.
dans les cérémonies religieuses (2699); de grands cartouches, des uræus, tous ces
dessins ont dus être exécutés comme des exercices ou comme des aide-mémoire,
par des débutants, car ils sont tracés d’une façon un peu indifférente et relâchée,
mais néanmoins assez habile.
Les trois esquisses d’éléments architecturaux qui terminent notre recueil de planches
sont plus intéressantes. On sait que de véritables plans d’architectes ont été retrouvés,
qui étaient tracés sur des fragments de calcaire W. On connaît même un tracé de voûte
qui date de la III e dynastie ( (l) 2 ) et un autre plan datant de la XX e dynastie qui aurait
servi à l’édification du plafond de la chambre funéraire de Ramsès VI dans sa tombe
de la Vallée des Rois! 3 ). } c i nous n’avons pas de véritables plans, mais des parties
de monuments qui sont peut-être des dessins d’architectes. La colonne (2701) est
une simple esquisse faite rapidement à la pointe du calame. Une ligne verticale est
tracée au milieu de la colonne, selon les principes de la mise en place d’un objet
symétrique; elle a un bon équilibre et une assez bonne proportion (quoiqu’elle soit
un peu lourde), malgré son exécution hâtive.
Le dessin de la porte (2702), qui est inscrit sur un beau morceau de calcaire
lisse est plus soigné. Les traits ont une précision, une netteté et une régularité qui
évoquent le tire-lignes, la règle et l’équerre. L’ensemble figure une façade de naos
dont le toit est légèrement arrondi. La décoration est simplement constituée par une
sorte de tympan dominant la porte et divisé en deux registres; ceux-ci sont ornés
de groupes de lignes verticales figurant sans doute de petites fausses-portes. Le vide
formé dans les angles par l’arrondi du tympan est comblé par un œil oudjat. L’en-
semble est sobre et élégant de proportion et témoigne d’une grande habileté et d’une
grande pratique du dessin.
Il est évident, qu’en comparaison des scènes si variées et si amusantes qui
figurent sur la majeure partie des ostraca de cette collection, ces simples croquis
de motifs décoratifs manquent un peu d’intérêt; néanmoins ils méritaient, nous
a-t-il semblé, de figurer dans l’ensemble de ces esquisses. Ils montrent à quel
point l’activité des dessinateurs égyptiens fut variée : aucun domaine 11e leur
était étranger, sujets de genre, sujets humoristiques, portraits, silhouettes hu-
maines, animaux, végétaux et ornements leur semblaient également bons à repré-
senter et à interpréter avec leurs pinceaux. Cette variété et cette abondance de
croquis de toute sorte sur ces fragments de calcaire paraissent l’image même de la
vie débordante et laborieuse qui animait cette petite colonie d’artisans de Deir
el-Medineh .
(l) Daressy, Ostraca , 11" 2 5 1 8 '1 , pl. XXXII.
B. Gunn, Annales du Service , XXVI, p. 197 et id., XXVII, p. 157.
(3) G. Daressy, Annales du Service, VIII, p. 2 38 ; cf. aussi Annales du Service, XXVII, p. 72, où Engelbach
publie un plan de chambre à quatre colonnes, ainsi que Clarke et Engelbach, Ancient Egyptian Masonry,
p. 5 o, fig. 5 o, 5 i, 52.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
117
CONCLUSION.
Pour conclure cette étude sur les ostraca figurés, ii nous faut condenser et résumer
plusieurs des idées et des explications qu’on a tenté de donner au cours de ces pages.
Ces explications ont déjà répondu aux nombreuses questions que suscite l’examen
des planches sur lesquelles sont reproduits la plupart des ostraca provenant de Deir
el-Medineh. Nous avons vu les raisons matérielles qui expliquent la présence d’un si
grand nombre d’ostraca dans cette partie de la nécropole tbébaine : abondance des
lragments de calcaire tombés des falaises rocheuses et réunion, à cette époque et à cet
endroit, de toute une équipe de peintres et de scribes. Une autre question se pose
également, concernant le but et l’utilité de ces dessins et compositions sur calcaire.
On imagine mal, en effet, une œuvre absolument désintéressée dans l’art égyptien,
dont les manifestations eurent, de tout temps, un objet, précis et utilitaire. Nous avons
vu que certaines scènes représentées sur ces ostraca, tels le duel au bâton, ou le
bouvier conduisant son bœuf, se retrouvaient sur des monuments. Il faut mentionner
aussi, parmi les plus intéressants, l’ostracon du British Muséum, représentant Ram-
sès III, debout sous un kiosque à colonnettes et salué par deux tlabellifères b). La
même scène, dans la même disposition, est reproduite sur une des parois du grand
temple le Medinet Habou ( 2 >. Rappelons également l’ostracon de Houy figurant le
portrait du peintre par lui-même et dont on trouve une réplique dans la tombe 3 59
d’Anhourkhaoui W. Certains indices nous ont permis aussi de supposer que quelques-
unes des scènes de gynécées décoraient les murs des maisons du village. On a démontré,
enfin, la parenté qui existe entre quelques-uns des sujets peints sur calcaire et beau-
coup de ceux qui ornent des objets tels que des vases, ou des coupes en poterie, des
bronzes ou des scarabées. Enfin, les ostraca satiriques sont également à rapprocher
des papyrus satiriques connus, et il est à peu près certain que les ostraca, que nous
avons signalés comme des illustrations de fables, tel celui du chevreau dansant ou
celui de la chatte et du singe conservé à Berlin, devaient illustrer des papyrus aujour-
d’hui perdus ; Ainsi peut-on supposer que les artistes s’exerçaient sur des morceaux
de calcaire sans valeur et cherchaient l’expression d’un mouvement, ou le groupe-
ment d’une scène avant de les reproduire définitivement sur le monument, l’objet ou
le papyrus qu’ils avaient -à décorer.
(l) Cap art, Documents, pl. 7 1-7 2.
Nelson, Medinet Habu , Ramsès IIFs Temple , part II, vol. II, pl. 79 à 126.
(8) Schafer, Agyptiscke Zeichnungen . . p. â 5 , abb. 3 ; Erman, Ein Maler des N . R ., dans À . Z. 9 XLII
(igo 5 ), p. i 3 o; Spiegelberg, Der Maler Heje , dans À. Z., LIV (1918), p. 77-79.
16
118
J. VANDIER D’ABBADIE.
Une partie de ces ostraca peut donc être considérée comme les feuillets d’album
d’artistes qui cherchaient une esquisse ou un motif décoratif! 1 ).
D’autres dessins apparaissent imparfaits, hésitants et on a pu en voir qui étaient
véritablement des essais de débutants, quelques-uns mêmes portaient des traces de
corrections faites par la main du maître. D'autres, enlin, étaient des dessins de mé-
moire reproduisant imparfaitement des sujets qui. «avaient été traités sur des monu-
ments antérieurs datant de la XVIII e dynastie : la reine de Pount de Deir el-Bahari
en est un excellent exemple. Les débutants exerçaient ainsi leur mémoire visuelle,
qui semble avoir été très poussée chez les artistes égyptiens. Ces pierres jouaient
donc également le rôle de feuilles de brouillon d’un cahier d’écolier. Faut-il en
conclure qu’il existait à Deir el-Medineh une école de peintres et de dessinateurs?
Je ne crois pas qu’on puisse parler exactement d’une école, dans le sens où, à
notre époque, nous entendons l’enseignement artistique, c’est-à-dire plusieurs élèves
groupés autour d’un maître qui leur enseigne les règles d’un métier, dans lequel ils
ne s’essaieront que lorsqu’ils auront un bagage de connaissances suffisant et 'qu’ils
pourront, avec indépendance, produire des œuvres personnelles. En Egypte, le
travail était collectif, les artistes en possession de leur art étaient chargés de tracer
sur les parois les objets de leurs compositions; après eux passait la troupe des
peintres apprentis qui peignaient les fonds et coloriaient les figures. Enfin, les maîtres
repassaient de nouveau pour corriger, affermir les contours, dessiner les détails. Les
élèves étaient donc employés dès leurs débuts et se familiarisaient peu à peu avec leur
métier, en le pratiquant. Ils progressaient au contact des maîtres en les voyant œuvrer.
Il y avait probablement à Deir el-Medineh, non pas une école, mais un groupe arti-
sanal dans lequel maîtres et apprentis travaillaient en collaboration, et si les maîtres
saisissaient parfois un éclat de calcaire, pour y tracer un projet ou une figure, lés
apprentis les imitaient pour retracer de mémoire des scènes connues, à moins qu’ils
ne s’exerçassent à reproduire des thèmes classiques dont quelques-uns même n’étaient
plus employés comme illustrations funéraires, mais subsistaient seulement comme
thèmes d’exercice. C’est ce qui expliquerait à la fois le grand nombre de mêmes
sujets retrouvé, tels ceux des singes dans les palmiers ou des singes conduits en laisse,
et l’absence de ces mêmes sujets dans les monuments de l’époque.
Beaucoup d’ostraca, présentant des figures ou des thèmes religieux, étaient des
ex-voto. Il y avait, à Deir el-Medineh même et dans les grottes de la montagne voisine,
comme nous l’avons vu, des chapelles dédiées à tel ou tel dieu, dont les murs devaient
(1) C’est également la conclusion à laquelle arrive Davies en examinant deux ostraca trouvés dans la
tombe de Puyemrë c , dont l’un a servi, sans doute possible, à l’établissement d’une des scènes qui illustre
cette tombe ; cf. Bulletin of the Metropolitan Muséum of Art , New York, May 1 987, p. 3 o. Cf. aussi J.Ë. A.,
IV, 1917, p. 235 . Un des ostraca trouvés par Schiaparelli ( Relazione sui lavori délia missione. . . vol. I,
fig. 120) dans la tombe de Sethirkhepshef reproduit une attitude du jeune prince tel qu’on peut le voir
sur les murs de son tombeau, ce qui confirme une fois de plus cette thèse.
i
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
119
être couverts de ces ex-voto. Il est probable qu’ils trouvaient également leur place, sur
les parois des chapelles domestiques ou auprès des autels, sortes de «laraires», dont
chaque maison était pourvue. Le grand crocodile «Sobek», retrouvé au cours des
fouilles dans une maison du village, devait être ainsi encastré dans la paroi de cette
maison ; les traces de plâtre qu’on peut relever tout autour sur le bord du morceau
de calcaire en font foi.
En dehors de ces quelques raisons qui viennent d’être énumérées et qui ont pu
être à l’origine de ces dessins sur calcaire, il faut reconnaître qu’un grand nombre
de ces esquisses a dû être fait sans intention déterminée. On a dit plus haut que l’art
égyptien fut rarement désintéressé, mais dans ce domaine des ostraca figurés, on
doit reconnaître, au contraire, le caractère de passe-temps et d’amusement de la m«ajo-
rité de ces petites pièces. Je ne pense pas que les scribes, en dessinant sur ces pierres*
aient eu l’intention de faire œuvre d’art. Cette conception même devait échapper à
leurs esprits positifs. Mais ils dessinaient sans but précis, pour le seul plaisir de repro-
duire un mouvement, la pose d.’un animal entrevu dans la journée, ou une idée
comique ou critique. Lorsque les artistes rentraient chez eux après de longues jour-
nées passées dans les hypogées royaux, ils éprouvaient le besoin de se délasser. Dans
leur travail de décoration des tombeaux de la Vallée des Rois, ils devaient se plie# à
des règles strictes ; ces compositions élaborées à l’avance comportaient des thèmes
classiques et religieux qui leur étaient imposés, sans qu’il leur fût possible de faire
intervenir leur propre fantaisie ou leur inspiration personnelle; aussi, après leurs
heures de travail, s’extériorisaient-ils et se laissaient-ils aller à leur verve et à leur
fantaisie en dessinant et en coloriant ces images librement choisies et exécutées. La
qualité dominante de ces ostraca figurés est, en effet, cette liberté de technique et
d’esprit qu’on y remarque. Nous avons déjà dit, à propos des scènes satiriques, le
rôle que le souvenir de l’époque amarnienne avait dû jouer sur cette liberté d’esprit.
Il est évident que les années d’el-Amarna avaient été, pour les artistes, une période
d’affranchissement. L’influence de cette époque si vivante s’est certainement fait
sentir, longtemps encore, après la fin du schisme atonien. Les artistes de la cour d’Akh-
naton ont dû, après la mort du roi, et surtout après le retour de Toutankhamon à
Thèbes et le nouveau triomphe de la religion d’Amon, déserter la ville désormais
sans vie, et revenir dans la région thébaine que la puissance et l’autorité des prêtres
d’Amon rendaient florissante. Il est donc permis de supposer que plusieurs de ces
peintres étaient venus se fixer dans ce village d’artisans qu’était alors le site de Deir
el-Medineh, et qu’ils y vécurent et y travaillèrent encore quelque temps, puisqu’il
n’y a guère plus de cinquante ans entre la chute d’Amarna et le règne des rois de la
XIX e dynastie. Certaines tombes de Deir el-Medineh portent la marque de cette
influence dans le style presque amarnien dans lequel elles sont dessinées! 1 ). Sur les
<<) Tombe de Nou et Nakhtmin (n” 291) et tombe de Nebnekbt (n° 269).
l6 .
120
J. VANDIER D’ABBADIE.
ostraca, ce style n a pas subsiste et 1 inlluence amarnienne se réduirait, ainsi que
nous l’avons dit, à l’indépendance d’esprit qui domine dans les sujets satiriques.
La liberté relative de la technique avec laquelle les artistes traitaient les sujets qu’ils
abordaient sur ces « pages d’album», est due probablement à l’abondance de ce maté-
riel gratuit que constituaient ces éclats de pierres. Le dessinateur se sentait moins
craintif, moins gêné en face de ces pierres que s’il se fut agi d’un papyrus. Quand je dis
que la liberté de sa technique était relative, je veux dire que si le choix des sujets sem-
blait absolument libre, ainsi que l’esprit dans lequel ils étaient traités, l’artiste res-
tait cependant assez soumis aux lois techniques de son métier. Dans quelques cas
seulement il tente d assouplir ce ïiiétier : il se hasarde à dessiner des épaules de
profil (n os 2469-2470), à courber un corps dans un mouvement souple (n° 2899),
à chercher une pose d’animal un peu moins conventionnelle qu’à l’ordinaire. Ges
audaces se trouvent rarement ou difficilement dans la peinture officielle. Enfin, quel-
quefois, un essai de modelé (n° 2670) contraste avec la formule des tons posés
à plat. Ces tentatives sont malheureusement rares, même dans ces petits dessins;
il semble que les artistes égyptiens écrasés par les tenaces traditions de leur passé
aient essayé en vain de secouer un joug que leurs maîtres, d’ailleurs, désiraient main-
tetir. Ces essais sur calcaire montrent que, si dans certains cas, l’art égyptien est resté
immuable pendant des siècles, si les mêmes formules, les mêmes thèmes ont été indé-
finiment répétés de la meme façon, cela ne signifie pas que les artistes ne pouvaient
pas faire autrement ou qu’ils ne voyaient pas de la même façon que nous, mais plutôt
qu’ils ne le voulaient pas. Cette forme d’art satisfaisait absolument l’esprit et 1a vision
d un peuple qui ne desirait pas évoluer, quoique les artistes eussent disposé de
toutes les qualités nécessaires pour affranchir cet art des règles étroites qui l’enser-
raient.
Les beaux dessins du cheval (n° 2 1 57), de la chasse à la hyène (2 2 1 1 ), de la balle-
rine du Musée de Turin, pour ne citer que ceux-là, montrent combien rapidement
1 art se serait assoupli et dégagé de cette loi de Irontalité, qui ne fut certes jamais
absolue, mais qui lut cependant un empêchement a toute émancipation complète.
La grande variété des sujets sur les ostraca prouve que la fertilité d’imagination
qui, en dépit de son caractère concret et précis, était assez fantaisiste, semble elle-
meme avoir ete génee par la tradition. C est à cela sans doute qu’il faut attribuer
1 absence de variété dans la composition même des sujets qui se répètent à chaque
uoquis, dans le meme ordre: seuls parfois quelques détails varient. De même est-ce
par tradition ou par habitude que, jamais ou très rarement, les dessins ne semblent
avoir été faits d’après nature. La mémoire visuelle des artistes parait avoir été remar-
quable : lorsqu’ils avaient observé un personnage, un animal, un mouvement, il
était inutile qu’ils en prissent un croquis sur le vif. Ils l’enregistraient dans leur
mémoire fidele et alors se faisait en eux un travail de stylisation et de synthèse. L’image
admirablement vue et observée était filtrée par l’esprit et reproduite dans la forme
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL-MEDINEH.
121
stylisée et décorative que nous connaissons. Cette faculté qu’avaient les artistes égyp-
tiens, de recréer dans leur esprit les formes de la nature, selon un canon donné, a
fait de l’art égyptien un art dépouillé de toute sensualité et exclusivement cérébral
et spirituel.
Le côté sérieux de cette formule artistique est particulièrement sensible dans les
œuvres officielles et traditionnelles où les qualités professionnelles et la réputation
de l’artiste étaient en jeu. Il est moins marqué dans les dessins sur ostraca, qui,
en revanche, montrent le laisser aller plein de charme, la spontanéité et l’humour
propres aux esquisses.
C’est, dans ces qualités que réside le principal intérêt de ces petites peintures :
elles nous rappellent que ce peuple asservi et laborieux était cependant gai et iro-
nique, et ces artisans modestes dont toute la vie fut occupée à retracer sur les parois
des tombeaux la gloire immortelle du Pharaon et les occupations de la société de
leur temps ont involontairement laissé sur ces éclats de pierre la marque de leur
activité, de leur intelligence spirituelle et de leur riche et féconde vie intérieure.
Ces dessins apparaissent comme une explosion de vie entièrement détachée de
toutes les préoccupations de mort et d’éternité dont ce peuple, le plus religieux,
peut-être, de l’antiquité a été animé tout au cours des longs siècles de son évolution,
et à ce titre ils méritent une place dans l’histoire de l’art et de la civilisation de l’an-
tique Égypte.
‘7
INDEX DES NOMS ÉGYPTIENS CITÉS DANS LE TEXTE.
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INDEX.
Aboutir, 2 3 .
Abydos, 98, 99, 100, 110, 11 B.
Abyssinie, 48 .
Acacia Nilotica, 38 , 39.
Acacia Seval, B9.
Addax, 42 .
Akhenaten, 79, 119.
Amenemhat , 24 , 28, 5 o, 91.
Amenhotep, fils d’Hapou, 3 , 5 , n. 2.
Aménophis I, 94, 101.
Aménophis JIT, 47, 62, 100.
Aménophis IV, 3 a.
Ammotragus tragelaphus, cf. Mouillons.
Amon, 26, n. 1, 98, 107, 108, 109, 112, 1 1 3 ,
A ! 19 *
Anes, 36 , 79, n, 1.
Anna, 5 o.
Anoukis, 108.
Anhourkhaoui, 117.
Antef, 47.
Antilope, 43 .
Anubis, 62, 106, 107.
Apis, 24 .
Apophis, 44 , 46 .
Ari-nefer (tombe de), 102.
Asiatiques, 17, 35 , 54 .
Asie, 35 .
Asie mineure, 32 .
Assouan, 66. 108.
Astarté, 34 , 35 .
Atef, 56 , 98, 102, 107, 111.
Babouins, 7, 8, 11. 17, 20, 106, 112, n3.
Baki (tombe de), 56 .
Barbus bynni, 65 , 67.
Barques, 81, n. 1, 110, 112-, 11 4 .
Bastet, 44 , 53 .
Bateaux, 7 5 , 83 , n. 3 , 11 4 .
Béni Hasan, 12, 44 , 45 , 56 , 69.
Bergers, 9 4 , 38 , 3 q, 4o, 47, 69, 7 5.
Bès, 16, n. 1, 76, 81, 82, 84 , io 4 -io 5 .
Bœufs, 22 à 3 i , 36 , 69, 93, 11*7.
Bos africanus, cf. bœufs.
Bos Taurus macroceros, cf. bœufs.
Bouquetin Beden, 4i, 5 o.
Boucs, 108.
Bouviers, 22 à 3 1 , 38 , 117.
Brasserie, 77.
Bubastis , 44 .
Byblos , 5 q.
Le Caire (pap. Satirique), 69, 70, 82.
Caméléons, 61.
Canards, 67, 68.
Carnarvon (Tablette), 33 .
Cercopithèques, 9.
Chacals, 17, 62, 80, n. 1, m.
Chars , 3 i à 33 , 36 , 5 o , 53 à 55 , 72,
^ 99 *
Chasses, 47, 48 , 5 o, 54, 55.
Chats, 44 à 47, 69 à 72, 80, 90, 92, 11
Chauve-souris, 56 , 67.
Chemnis, io 3 .
Chephren, 110.
Chevaux, 3 i à 38 , 5 o, 54, 72, 120.
Chevreaux, 43 , 75, 78, 117.
Chèvres, 38 , 3 g, 4 o, 44, 70, 76, 77, 78.
Chiens, 36 , 47 à 5 i, 60, 72, 76, 78, 89.
Chnoum, 62, 84 , 107, 108.
Chromis du Nil, 55 , 65 , 66.
Colonnes, 116.
Convolvulus, 83 , 84 .
Coplos, 109.
Coqs, 80, n. 1.
Corbeaux, 11, i 4 , 64 .
Criquets pèlerins, cf. Sauterelles.
INDEX.
125
Crocodiles, 55 , 56 , 61, 62, 80, n. 1, 119.
Cynocéphales, 7, 8, 9, 16, 76, 106.
Dafila acuta (cf. canards).
Daga (tombe de), 23 , n. 2.
Danse, 18,. 19, 85 , 88, io 4 .
Danseuses, 85 à 88 , 93.
Dapour, 72.
Dattes, i 3 .
*Deir el-Bahari, 3,7,9, * 3 , 57, 62, . 84 , ii 4 , 118.
Deir el-Medineh, passhn.
Delta, 55 , io 5 .
Dendor, 67.
Drak ahouV Neggah, 82, 91, 92.
Edfou, 34 , 1 1 4 .
El Amarna, 9, i 4 , 21, n. i, 3 o,n. 3 , 68, 72, 73,
74, 76, 79, 82, 85 , 91, 92, 95, 119.
Éléphantine, 108, 109.
El Kab, 1 6 , n. 1 .
Éperviers, 99.
Esneh, 43 , 108.
Esope, 75, 79.
Ethiopie, 48 , 76.
Étourneaux, 68.
Fables, 19, 79, 80.
Farchout, 42 .
Fayoum, 45 , 55 , 68.
Figues, 12, 93.
Figuiers, 12.
Fileuses, 93, 94.
Flûtes, i 4 , 19, 76, 78, 85 , 87 , 88.
Gazelles, 42 , 43 , 44 , 48 , 49, 5 o, 5 i, 72.
Genévrier, 9 2 .
Girafes, 57 à 69.
Gizeh, 55 , 110.
Gournah, 43 .
Gourob, i 4 , 18, 19.
Grenouilles, 61, 62.
Griffons, 59, 60.
Grives, 68.
Hadès, 64 .
Harpes, 44 , 71, 73, 79, n. 1, 80, n. 1, 87.
Harpistes, 73, 87.
Hatchepsout, 9, i 3 , 42 , ii 4 .
Hathor, 3 o, 80, 89, io 5 , 106, ii 4 .
Heket, 62. *
Hémaka, 2.
Hermopolis Magna, 106.
Hérodote, 92.
Hippopotame, 64 , 77.
Hircus mambrinus, cf. chèvres.
Hircus reversus, cf. chèvres.
Hircus thebaïcus, cf. chèvres.
Hirondelles, 64 .
Horemheb, 10, 53 .
Horus, 55 , 62, 83,98, io 3 , 1 o 4 , n. 5 , 1 12, 1 1 4 .
Houy, 57, 117.
Hyènes, 48 , 49, 5 o, 55 , 56 , 94, 120.
Hyksos, 3 1 , 79, n. 1 .
Hyla arboreas, cf. grenouilles.
Hyphaene thebaïca, cf. Palmiers Doum.
Ialou, 3 o.
Ibex, 4 i, 42 , 44 , 49, 5 o.
Ibis, 106, 111.
Inde, 52 .
Ipouy (tombe de), 4 o, 45 , 62, 53 , 75, 98.
Isis, 83 , 89, 102 à io 4 , 112.
KÀ, 84 .
Kadesh, 7 2 .
Kagemni, 48 .
Kaouit, (sarcophage de) ,71.
Karnak, 72, 109.
Kenamon, 1 3 , n. 4 , 33 , n. 4 .
Khâ (tombe de), 74.
Khabekhnet (tombe de), 67, n. 3.
Kkemenou , 106.
Khepri, 107.
Khonsou, 11 3 .
Kordofan, 58 .
Koush, 53 .
Labeo nilotica, cf. Labès.
Labès, 65 .
Lévriers, 47, 48 .
Lézards, 61, 62.
Liban , 42 .
Libye , 45 .
Lièvres, 18, 5 o.
Lions, 48 , 49, 5 o, 5 i, 53 , 54 , 55 , 72, 80.
Lits , 73, 81, 82, 84 .
Londres (pap. satirique), 69.
Lotus, 26, 52 , 80, n. 1, 81, 82, 88, 108, ii 4 ,
1 15 .
Louxor, 63 , 72, 84 , 109, ii 3 .
Luth, 80, n. 1, 86, 87, ii 4 .
Mahes, 53 .
Médinet-Habou, 3 , i 5 , 72, 91, 92, 417.
126
J. VANDIER D’ABBADIE.
Memphis, 107, i n,
Mendès, i o 8 .
Menkheper-Rë% cf. Thoutmosis III.
Mentouhotep III, 3 , n. î.
Meutouioui, 5o.
Mentouherkhepeshef, 3 4 .
Mera, 4o.
Meresger, 89, 102. 1 o3, io4, io5.
Mer Rouge , 4a, 45 .
Min, 25 , n. 1, 68, 109-110.
M 0 e alla, 7, n. 1.
Mouillons, 4 i.
Mormyres, 65 , 67.
Moût, 109, n 3 .
Mugii cephalus, cf. Mulets.
Mulets, 66.
Mulots, 46 .
Mus rattus, cf.-Rats.
Musiciennes, 78, 85 à 88.
Musique, 85 à 88, io4.
Nakht, 45 .
Naos, 110, 112, 116.
Neferrenpet, 45 .
Nefertari, 101.
Nefertoum, 53 , 54.
Nègres, 8, 17, 19, n . 1, 53 , 54, 97 .
NePHTHYS, 112 .
Neshmet, 110, il 3.
Noix de Doums, 7 , 11. i 2 , i5, jô, 7 /, -5
Non, 64 .
Nubie, 7 , i 3 , i 4 , 21, a 3, 4 a , 58 , 80.
Nubiens, 7, 8, 9, 10, i3, 17, 53, 97.
Nymphéa caerulea, cf. Lotus.
Offrandes (scènes d’), 69, 71, 89.
Ogdoade, 62.
Oies, 4 7 , 69, 80, n. 1.
Oiseaux, 46 , 67, 68, 11 4 .
Ombos, 55 .
Oryx, 4 2, 44.
Osiris , â 5 , io 3 , 110-111, ii3
Osorkon, 98.
Our , 79, n. 2.
Ousekh, 11 4 .
Ouserhet, 11 3 .
Ovis Palaeoaegyptiacus , 108.
Oxyrhynchos, 67.
Palestine , 42 .
Palmiers, 6 à 1 6, 5 7 , 1 1 5 , 1 1 8.
! Palmiers-doums, 6 à 16, 17, 36 , 7 4, 11 5 .
Papio Hamadrias, cf. Babouins.
Paprémis , 9 2 .
Papyrus, 26, 44 , 9 4, n3, n5.
Pashed, 108.
Pèche, 55 , 67, 94.
Pentaour, 55 , n. 1.
Perséa. 46 .
Phoenix dactylifère, cf. Palmiers.
Plafonds, 11 5 .
Poissons, 4 7 , 55 , 64 à 67, 9 â.
Porcs, 64 , n. 2.
1 Pount, 7, 9, i3 ) n8.
Ptahhetep, 2 5 , n. 5.
Ptah, 107.
Pyramides (textes des), 63 .
Ramesseum, 3 , n. 5 , 72, 99.
Ramsès II, 6, 19, 98, 99, 100, 108, 110.
Ramsès III, 6, 117.
Ramsès IV, 6, 5o, 72.
Ramsès VI, 116.
Rana mascareniensis, cf. Grenouilles.
Rats, 11, 46 , 69, 70, 71, 72, ? 4 , 79, 92.
Ré', 44 , 46 , 53 , 80, 107.
Récolte de fruits, 11 à 16, 7 4.
Rédésieh, 34.
Rê'-Hotep, p 4 , 9 5, 99.
Rekhmirê' (tombe de), 7, n. 7, 9, 20, a5, 5 7 (
90.
Renards, 69, 70, 71, ? 5, 80, n. 1.
Saqqarak, 2, 22, 2 3 , 4 i, 45 , 48 , 55 , 6i, 66.
Satis, 108.
Sauterelles, 63 , 90.
Scarabées, 47, n. 3, 77, 109.
Scorpions, 62.
Selkit, 62.
Sémites, 97.
Serpents, 61, 62, 7 3 , 82, 102, io4, 111.
Seth, 55 , 68, 107.
Séti I, 6, 34 , 98, 100.
Shabakon, 107.
Shou, 53 .
Sinai , 35 , 42.
Singes, 6 à 21, 7 3 , 7 4 , 7 5, 78, 79, n. 1, 9 o,
9 3 , 117. 118.
Siphons, 76.
Sobek, 55 ', 107, 119. #
Soudan , 48 .
Souris, 69, 70, 76, 80.
Sphinx, 102, 110.
Sumériens, 79, n. 2.
Sycomores, 63 , 64 , 93.
Synodontis Sehall, 66.
Syrie , 23 , 35 , 69.
Syriens, 17, 3 i, 54 , 60, 76,
Taureaux, 22 à 3 i, 5 i.
Tkèbes, 37, 45 *, 66, 67, 108,
Thot, 16, 53 , 73, 80, 10 5 ,
Thoutmosis III, 98.
Thoutmosis IV, 35 .
Ti (tombeau de), 68.
Tilapia Nilotica, cf. Chromis.
n
9 °> 9 1 •
119.
112.
INDEX. 127
Tortue, 87.
Toueris, 10 5 .
Toutankhamon , 32 , 37, 119.
Turin (Pap. satirique de), 64 , 69, 72, 76, 78,
9 9i
Uræus, 98,^9, io 3 , 116.
Vaches, 29, 3 o, io 5 .
Vallée des Reines , 102, 107.
Vallée des Rois , 23 , 85 , 101, 116, 119.
Veaux, 29, 49, 5 o, 5 i .
Zauiet el Méitin, 4 o.
/
TABLE DES MATIERES
Introduction
Technique
Date
A. — Singes grimpant dans un pal-
mier doum
Récolte des fruils
B . — Babouins conduits par un
homme
Danse des singes
C. D. — Bouviers conduisant des bovidés.
Taureaux combattant
Gavage des bœufs
E . — Chevaux et chars
Cavaliers
F. — Cervidés.
Chèvres
Moufflons
Ibex
Gazelles . . . .
G. — Chats
E. — Animaux à la chasse
J. — Chacals
/. — Animaux divers
Lion royal
Hyène et crocodile
Chauve-souris.
Girafe
Griffon
Caméléon
Grenouille
Scorpion
Sauterelle
Hippopotame
Pages.
K. — Poissons : . 64
L . — Oiseaux 67
M. — Satiriques 68
Chats bergers. 69
Offrande funéraire 70
Coiffure et toilette 71
Scènes de guerre 72
Harpiste 78
Scribe 73
Singes et sacs de noix 74
Renard flûtiste 75
Chien buveur 76
Brasseurs 77
Porteurs d’offrandes 78
Contes el légendes religieuses. . . 79
N. — Scènes de gynécées. . . 80
Coiffure 81
Allai temenl 83
Naissance 84
O. — Musiciennes et danseuses 85
Joueuses de luth 86
Harpistes 87
Flûtistes 87
P. — Scènes d’offrandes et d’adoration. . 88
Q. — Personnages dans des scènes et des
attitudes diverses , 90
Duel aux bâtons 91
Fileuse 93
R . — Têtes humaines 96
S . — Figures royales 97
T. — Têtes royales 99
Pages.
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TABLE DES
1 MATIÈRES.
U. -
- Divinités
Page*.
Sphinx
Procession d’Abydos . . .
y . Kamiipc
Meresger
Jsis
Bès
W - — Fleurs, plantes et arbres ....
X — Motifs décoratifs
Plafonds
! iHinn nnc
Hathor
Thot
Anubis
Ptah
UUILMlIJUo . * « #
Pnrfp
Sebek
/
1 Dite .
Goncf, fTcimv
Khnoum
/
Index des noms égyptiens
Index
Khépri
Amon
SECOND SUPPLÉMENT.
G. 2723. — Chat sauvage tourné vers ]a droite. Il tend sa patte gauche vers
un jeune garçon qui est debout devant lui, le bras levé comme
pour frapper. Ce personnage est coiffé de trois mèches et porte
une amulette autour du cou comme les esclaves nubiens des
planches IV, V, VII, etc.
Calcaire.
Dessin noir, lavis rose.
Marqué : Q 19-1-89.
Le Caire. Journal d’entrée: 7 201 4 . PI. XCIII.
2724. — Chat posant ses deux pattes antérieures sur la panse d’une grande
amphore dans laquelle il semble vouloir se désaltérer. La scène
se passe au pied d’un arbre à feuilles pointues, probablement
un perséa.
Calcaire.
Dessin noir. Lavis rose.
Collection particulière. PI. XCIII.
J. 2725. — Chien à longues oreilles retombantes; les pattes sont allongées
dans l’attitude de la course. 11 porte un collier; toute la partie
postérieure du corps manque.
Calcaire.
Dessin noir.
N° d’inv. : 377 5 .
I. F. A. O. PI. XCIV.
2726. — Deux hyènes tournées vers la gauche, faisant face à deux chiens.
Un troisième petit chien debout les «bras» étendus semble
vouloir servir d’arbitre entre le chien et la hyène hérissée qui
158
J. VANDIER D’ABBADIE.
s'affrontent au registre inférieur. Au-dessus, la seconde hyène,
dont il ne reste que la tête, ouvre la gueule et sort la langue
d’un air furieux; devant elle le chien est en arrêt.
Calcaire.
Dessin noir.
Le Can e» Journal d entree .* ôg^iio. pj XGIV
M. 2727. Chien courant attelé à un char conduit probablement par un singe
dont il ne reste plus qu un Iragment de bras ef une main tenant
les guides.
Calcaire.
Dessin noir. Lavis ocre-rouge et noir,
d’inv. : 37-76.
I. F. A. O. P1 XCIV
O. 2728. — Harpiste aveugle tourné vers la droite; il est vêtu d’une robe à
manches larges et courtes. Sa tête est ceinte d’un bandeau
noué en arrière. Ses deux mains sont posées sur les cordes de
la harpe. Le haut de l’instrument est constitué par une tête de
canard, les plumes servent de motifs décoratifs à la boîte de
résonance. Les clefs sont alternativement noires et roug’es.
Toute la partie inférieure de l’ostracon manque.
Calcaire.
Dessin noir et ocre-rouge.
Le Caire. Journal d'entrée ; 6 9/10 g. pj XCIV
P. 2729 (1) . La déesse Anoukit sous forme de gazelle sortant de la montagne
thebaine. Elle est tournée vers la gauche, devant elle sont
posées sur une natte _±_ des offrandes composées de pains,
de vases à libations et à encens et de végétaux. De l’autre
cote de ces offrandes, un personnage, le scribe royal Haÿ, en
(1) Cet ostracon et les quatre suivants ont été trouvés en 1912 dans le temple de Deir
el-Medineh par M. Baraize qui en a donné la liste dans les Annales du Service des Anti-
quités, XIII, 1914, p. Ai.
OSTRACA FIGURÉS DE DEIR EL MÉD1NEH.
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robe plissée, est agenouillé les bras levés dans le geste de l’ado-
ration. Sa tête est ornée du cône de graisse parfumée et d’une
fleur de lotus. Au-dessus de cette scène sont inscrites 1 0 lignes
de texte verticales : i° au-dessus de la gazelle : * — * | +4
2 0 Au-dessus de
la table d’offrandes
LH1
r^r.niT
Derrière Haÿ, une ligne de texte verticale dont les signes sont
aux trois-quarts détruits par la cassure de la pierre
1
Calcaire.
Dessin noir. Lavis rose.
Marqué : Q.
Hauteur 0 m. i 3 , largeur 0 m. 2 5 .
Le Caire. Journal cl? entrée : k 3 660. PI. XCV.
U. 2730. — Le dieu Seth tourné vers la droite et assis sur un trône à dossier.
11 a une tête d’animal aux oreilles rectangulaires et un corps
d homme vêtu d’une tunique à jupe rayée et à corsage orné
d’un décor de plumes. Il porte une perruque longue, un
collier et des bracelets aux bras et aux poignets. Sa main
gauche tient le sceptre ouas et sa droite la croix ansée. Devant
le visage du dieu, sont tracés les signes : y.
Calcaire.
Dessin noir esquissé en rouge.
Marqué : Q.
Hauteur o m. 17, largeur o m. i 85 .
Le Caire. Journal d'entrée : 4365 g. PI. XCV.
2731. — La déesse Meresger, sous forme de serpent, tournée vers la
droite. Elle se dresse sur un bassin. Devant elle, une jolie
coupe en forme de fleur de lotus ouverte contient des offrandes
(l) Celte pièce a été publiée par Daressy dans les Annales du Service des Antiquités, XVII,
1918, p. 77. Elle est cassée en cinq morceaux, dont l'un a été retrouvé par Daressy
et un autre, plus récemment, par M. Bruyère.
160
J. VANDIER D’ABBADIE.
végétales sur lesquelles est posé un bouquet à longues tiges.
Au-dessus de la déesse est un texte vertical en 3 colonnes :
— î3sii^— îimi'"Vîifi«‘"- Dei ' ai,tre
côté de l’ostracon, trois autres lignes de texte verticales, allant
de gauche à droite, accompagnaient sans doute un perso nnag e
disparu le sdm-s Ramerv : » *■ ! ^ i I
Calcaire.
Dessin noir. Lavis rouge et rose.
Marqué : Q.
Hauteur o m. i3, largeur o m. i 6 5 -
Le Caire. Journal d’entrée : 4366 1 . PL XCV.
2732. — Vache Hathor montée sur une natte et tournée vers la gauche.
Entre ses cornes, le disque solaire surmonté des deux plumes.
La déesse est placée dans un naos dont le toit, peint en rouge,
est soutenu par une colonnette à chapiteau papyriforme. De-
vant le naos, une sellette est chargée de fleurs de lotus. Au-
dessus, quelques signes hiéroglyphiques très effacés.
Calcaire.
Dessin noir. Lavis rouge et vert très effacé.
Marqué : [jj.
Hauteur o m. iA5, largeur o m. i3.
Le Caire. Journal d'entrée : k 3 6 63. PI- XCV.
V. 2733. — Deux personnages vêtus d’une jupe longue marchent vers la
droite. Ils portent sur leurs épaules un pavois sur lequel est
posée une barque hathorique. Au milieu de là barque est un
petit, naos couronné d’une frise d’uraeus.
Calcaire.
Dessin noir. Lavis ocre-jaune et ocre-rouge. Très effacé.
Marqué : [j].
! Hauteur o m. 18 , largeur o m. i3.
Le Caire. Journal d’entrée : h 36 62 .
PI. XCV.
Documents de fouilles de l’Institut français du Caire, t. II.
/
2724
J. Vandier d’Abbadie, O straca figurés de Deir el Médineh.
Documents de fouilles de l’Institut français du Caire, t. II.
PI. XCIV.
2728
2726 2727
J. Vandier d’Abbadie, Ostraca figurés de Deir el Mêdineh .
J, Vandier d’Abbadie, Ostraca figurés de Deir el Mcdineh ,
EN VENTE :
AU CAIRE : chez les principaux libraires et à I’Institut français d’Àrcheologie orientale,
37, Shareh El-Mounira.
A PARIS : à ia Librairie d’Amérique et d’Orient, Adrien Maisonneuve, 1 1, rue Saint-
Sulpice.
A LA HAYE : chez Martinus Nijhoff, 9, Lange Voorhout